la maison du lac

3 minutes de lecture

Elle avait loué une maison au bord d’un lac pour notre premier week-end en amoureux. Cela faisait six mois qu’on était ensemble, et c’était déjà l’amour avec un grand A. Elle voulait, selon ses mots, “tester si la vie à deux est possible”. Un mot qu’elle prononçait en riant, mais qui résonnait étrangement. Nous n’avions pas encore décidé où emménager, mais ce week-end s’annonçait comme un galop d’essai.

Elle conduisait. Elle connaissait la route. — J’y suis déjà venue avec des amis.

Des ex ? avais-je lancé, rieur.

Oui, avait-elle souri. Mais ils n’ont pas réussi le test.

Tant mieux, avais-je soufflé. Sinon, je ne t’aurais jamais rencontrée.

On s’arrêta au village pour faire le plein — essence, nourriture, sourires. Tandis qu’elle faisait les courses, je passai à la pompe. Le pompiste, un vieil homme moustachu, me fit un clin d’œil.

Où allez-vous avec cette belle jeune femme ?

Dans la maison près du lac, répondis-je.

Son visage se ferma.

N’y allez pas. Cet endroit est maudit. Elle vous observe…

Qui ? plaisantai-je. La sirène ?

C’est un test… Elle attire les hommes infidèles.

Le mot test me glaça. C’était celui qu’avait utilisé Virginie, une heure plus tôt.

Je voulais lui en demander plus, mais Virginie revint. Et le vieux… avait disparu. Un autre employé sortit de la boutique.

Je suis seul ici, monsieur.

Sur la route, je lançai innocemment :

Tu connais l’histoire de la maison du lac ?

Bien sûr ! Peut-être qu’on la verra.

Qui, la sirène ?

Elle éclata de rire.

Non, la maison. Celle qui est dans le lac. Personne ne sait comment elle est arrivée là. La légende dit qu’elle remonte un peu plus chaque nuit.

Puis, regard taquin :

T’as peur, mon amour ? Mais toi, tu es fidèle… donc rien à craindre.

Le lieu était magnifique. Clairière paisible, lac immobile, maison de bois charmante.

Et au bord de l’eau, la silhouette immergée d’une bâtisse. Presque intacte. Trop intacte.

Comme si elle avait été engloutie hier.

C’est beau, non ? souffla-t-elle. Je te prépare un bon souper. Décharge les valises.

Je souriais. Même si je trouvais ses valises un peu nombreuses pour trois jours.

Pendant qu’elle cuisinait en chantonnant, je vis un détail étrange : une lumière fugace dans la maison noyée.

Un mouvement de rideau ? Une lampe ? Un regard ?

Quand elle vint me rejoindre, tout avait disparu. Elle rit, me traita de rêveur.

La nuit venue, elle me parla d’un pique-nique gargantuesque pour le lendemain. On rit beaucoup. À peine allongé, je sombrai dans un profond sommeil.

Et je me réveillai… dans une autre maison.

Une odeur de croissants. Une cuisine. Et Alexandra.

Cela fait trois ans qu’on est mariés, dit-elle. Tu vas bien ? Tu as l’air perdu.

Je me levai, courus à la fenêtre.

Paris. Une rue. Un monde normal.

Non… tu n’es pas réelle.

Et alors, une voix résonna :

Test 1 réussi. La maison s’élève d’un étage.

Je me réveillai en sueur. Dans notre lit. Virginie, rayonnante, était déjà debout.

Debout, mon amour. Viens voir la maison… elle est sortie de l’eau.

Je courus à la fenêtre. C’était vrai. Un étage entier désormais visible. Balcon, fenêtres, volets.

Tu ne trouves pas ça étrange ?

Ils doivent baisser l’eau du lac. J’espère qu’on pourra la visiter avant de partir.

Elle rit. Moi, je n’osai rien dire de mon rêve.

La journée fut belle, légère. Rires, balade, pique-nique.

Au retour, Virginie s’arrêta pour contempler la maison.

Elle est belle, non ?

Un peu humide, répondis-je.

Elle rit, rentra préparer le souper.

Je m’apprêtais à la suivre quand un rideau de l’étage bougea.

Un visage ? Une silhouette ? Je clignai des yeux.

Une illusion.

Le dîner fut chaleureux. Je m’endormis vite.

Et je me réveillai… encore ailleurs.

Mireille. Cette fois. Une autre femme. Une autre vie.

Mais mon chéri… cela fait trois ans qu’on est mariés !

Je criai. Je la repoussai.

Tu n’es pas réelle !

Et une voix froide déclara :

Test 2 réussi. Maison complètement émergée. Fin du test.

Je me redressai, haletant.

Virginie cria depuis dehors :

Debout, flemmard ! Viens voir !

Elle était sur le perron de la maison immergée — désormais hors de l’eau.

J’ai envie de la visiter, dit-elle.

Tu es folle ? C’est dangereux.

Trouillard, rit-elle. J’y vais seule si tu viens pas.

Je la suivis. La porte était ouverte.

Et dans l’entrée… le vieux pompiste.

Bienvenue chez vous, les amoureux.

La porte se referma derrière nous. Un grondement. Un frisson. La maison s’enfonçait lentement dans les eaux.

Je criai. Je courus. La porte ne bougeait pas.

L’eau montait déjà aux chevilles.

Et Virginie riait.

Je t’avais dit qu’on allait vivre ensemble, murmura-t-elle. Et c’est ici.

Je me réveillai.

Chez moi. Mais le souffle court.

Le téléphone sonna.

Coucou mon amour, dit la voix joyeuse de Virginie. — Bonne nouvelle… j’ai loué une maison près d’un lac pour ce week-end en amoureux…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire lambeau ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0