les messages du répondeur
Je m’appelle Guenièvre.
J’écris ces lignes pour laisser une trace — non pas de moi, mais de ce que j’ai vu, de ce que j’ai entendu. De ce que j’ai croisé, malgré moi, dans les cendres de mon père.
Je ne savais pas, en entrant dans son appartement à Bruxelles, que j’ouvrirais une porte que je croyais refermée depuis huit ans.
Il était mort. Sans un adieu. Sans un mot. J’avais hérité de deux appartements : ce studio bruxellois en désordre, et un autre, à Dublin. Je ne connaissais ni l’un, ni l’autre.
Le studio empestait le renfermé et les souvenirs figés. Et partout… des livres.
Tous portaient sur les légendes irlandaises : Tuatha Dé Danann, Morrígan, Lugh… Des noms que mon père vénérait depuis sa retraite.
Sur une étagère, un objet hors du temps : un vieux répondeur numérique.
Page 107 – Trois messages
L’écran affichait trois messages.
J’ai appuyé.
Message 1 – daté du 12 octobre (trois jours après sa mort)
"Bonjour, ma fille. Oui, c’est papa. Si tu écoutes ce message, c’est que mes pressentiments étaient bons. Des hommes de l’ombre me suivent. Je pense qu’ils veulent me tuer. Je t’en prie… écoute les autres messages."
Je ris jaune.
Papa, toujours aussi parano…
Mais la date m’inquiéta.
Je relançai la lecture.
Message 2 – daté du 15 octobre
"Guenièvre. Tu tardes à répondre. C’est urgent. Je ne peux pas finir la mission. Je suis mort, tu le sais. Tu dois l’achever. Le Veilleur est à Bruxelles. Il cherche encore. Le carnet contient les réponses. Lis-le. Fin du message."
Je restai figée.
Veilleur ? Mission ? Un père mort… au courant du présent ?
Et soudain, tout me revint.
Les contes qu’il racontait quand j’étais enfant. Les dieux celtes, Lugh au bras étincelant, Cúchulainn le berserker, Morrígan aux plumes noires qui annonçait les guerres.
Et si ce n’étaient pas des histoires… mais des avertissements déguisés ?
Sous une pile de journaux, un carnet en cuir m’attendait.
J’allais l’ouvrir quand une voix jaillit : La radio venait de s’allumer. Seule.
C’était lui. Encore lui.
"Pars à Dublin. Tu le reconnaîtras. Il porte la marque de Lugh, sur le poignet. Dépêche-toi… Morrígan est en chemin."
J’étouffai un cri.
Je pris le carnet. Mon sac. Et je courus.
– Aéroport
J’achetai un billet pour Dublin, sans valise ni destination en tête. L’hôtesse m’annonça deux heures d’attente.
Je me promenais dans le hall quand un homme en noir me bouscula et m’arracha le sac. Je criai, abasourdie :
— Au voleur !
Mais déjà, un jeune homme surgissait du fond de la galerie.
Il intercepta l’agresseur. Ils tombèrent. Mon sac roula au sol.
Le voleur se releva, prêt à en découdre. Mais à la vue du jeune homme… il pâlit. Et s’enfuit.
Le jeune homme me tendit le sac.
— Tout va bien ?
— Oui… merci. Quel est votre nom ?
— Liam.
— Je pars pour Dublin, dis-je.
— Moi aussi, répondit-il.
Je tendis la main pour le remercier.
Et c’est là que je vis le motif. Un dessin pâle, presque une cicatrice. Un cercle rayonnant, au poignet droit.
La marque de Lugh.
Je sortis le carnet. Je le lui donnai.
— Je crois que ceci… vous est destiné.
– Épilogue
Ce qui se passa ensuite… est une autre histoire.
Une histoire de mémoire trouble, de voix qui parlent à travers les ondes. Une histoire de réunification irlandaise, de morts qui veillent.
Une histoire où les dieux celtes… n’ont jamais quitté la scène.
Peut-être qu’un jour, je l’écrirai.
Genevièvre
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