Vendredi 22 août 2024

3 minutes de lecture

C’était mon premier cours de chinois. Ma première permanence aussi.
En permanence, les élèves de ma classe révisaient tous leurs leçons de chinois. Apparemment, un contrôle était prévu. Mais un contrôle de quoi ? Je n’en savais rien.
C’est pour ça que je m’étais tournée vers Manon pour lui demander sur quoi portait le contrôle. Elle révisait avec les filles. Ces dernières m’avaient répondu que c’était sur les indications de temps.
Je ne savais pas ce que c’était, alors, logiquement, j’avais demandé ce que cela voulait dire. Elles m’avaient regardée en riant et m’avaient demandé si je savais au moins parler chinois. Alors je les avais laissées tomber et j’avais abandonné.

La permanence était calme. Très calme. Tellement calme que ça en devenait stressant.
Les ventilateurs tournaient sans arrêt, et leurs vieux couinements sinistres résonnaient dans la salle.
Chacun avait sa table. Une table par personne, toutes séparées d’un mètre, devant, derrière et sur les côtés.
Je trouvais cette ambiance oppressante, presque étouffante.

En vie de classe, juste après, j’avais rencontré Monsieur Gil Fores. Quel amour ! Je l’avais adoré tout de suite.
Nous avions mangé, et quand la fin de la récréation du midi avait retenti, j’avais senti un mélange d’empressement et d’appréhension se former dans mon estomac.
J’allais avoir mon premier cours de chinois.

La professeure était arrivée. Les élèves la connaissaient déjà tous. Je m’étais sentie seule.
Elle était petite, avec les cheveux au carré. Son regard, tantôt sévère, tantôt compréhensif, semblait tout voir.
Ses bottines tapaient sur les carreaux du couloir, et sur le chemin, le grand mec chinois — beau, d’ailleurs — était venu à ma rencontre.

— Tu sais parler chinois, toi ?
— Oui.
— T’es sûre ?

J’avais eu cette soudaine envie de me jouer de lui.
— Non, pas du tout.
— Tu sais dire bonjour ?

Des élèves s’étaient massés autour de moi. Le jeu devenait amusant.
— Non.
— Ahiii, tu vas te faire niquer.
— Mince.
— Ok, alors quand tu rentres tu dis : ni hao lao shi.
— Ok.
— Oublie pas, hein !
— Oui.

Notre discussion s’était arrêtée car nous étions entrés dans la salle.
J’avais salué la professeure.
Elle avait dit la salutation à la classe, et tout le monde avait répondu.
Je ne savais pas où m’asseoir, alors je m’étais retrouvée un peu seule, au milieu.
J’étais à côté d’Ezio. Nous étions les seuls sur la rangée.

La professeure, Mme Moussier, avait changé Evan et Quentin de place.
Je m’étais dit qu’elle devait avoir l’habitude de les voir bavarder.
Quentin s’était retrouvé au premier rang et Evan tout seul au fond.

Puis j’avais croisé son regard.
Elle me regardait.
Le dialogue suivant s’était tenu en chinois :

— Bonjour.
— Bonjour, Madame.
— Comment t’appelles-tu ?
— Je m’appelle Ming Yue, mais mon nom français, c’est Aurore.
— Tu viens de quel collège ?
— Juliette Dodue.

Là, elle m’avait demandé quelque chose que je n’avais pas compris.
Alors je lui avais dit, et elle avait repris en français :

— Tu faisais combien d’heures par semaine ?
— Huit.
— Huit ?
— Oui.

Notre discussion s’était terminée là.
J’avais enfin osé regarder autour de moi.
Ma jambe tremblait, j’avais énormément stressé.
Je m’étais rendu compte que tout le monde s’était tourné vers moi, choqué.
Les filles qui s’étaient moquées de moi ce matin-là s’étaient tues, comme par hasard.
Ils s’étaient tous retournés vers le tableau.
Tous sauf lui.
Il me regardait, puis s’était détourné en un éclair, toujours avec cette même malice dans les yeux.

En mathématiques, à la fin du cours, une fille s’était tournée vers moi — Margaux.
Elle m’avait regardée et m’avait demandé :

— C’est vrai que tu t’es fait virer de ton ancien collège pour harcèlement ?
— Non, pas du tout, pourquoi ?
— Bah je sais pas, c’est ce que tout le monde raconte.
— Oh… Je vois… Tu pourras leur dire que c’est faux ?

Un sentiment d'injustice restait au fond de ma gorge et je sentis des larmes piquer mes yeux.Je lui souris et détourna les talons dans l'intention de pendre fuite à la prochaine question qui paraîssait inévitable:"Pourquoi tu as changé de collège?".

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