Chapitre 11 — Les Loups

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Le bip résonna encore dans l’obscurité, aigu comme une lame. On s’était figés. Instinctivement. Les regards échangés suffisaient : ce n’était pas un simple écho système. C’était un verrou qui sautait. Une chasse qui commençait.

Ada se releva lentement. Son visage était fermé, pâle. Derrière elle, l’écran palpitait encore, comme un cœur mécanique sur le point d’exploser.

— Ils sont déjà là, murmura-t-elle.

Je tirai mon arme. Iska arma ses lames. Les réflexes reprenaient le dessus. Mais au fond de moi, une colère froide grondait. J’en avais assez de fuir.

On ressortit par l’accès de service. Trop tard. Le premier coup de feu déchira le silence. Un impact explosa contre le mur derrière nous. On se jeta au sol. Trois silhouettes, noires, casquées, surgissaient des ombres comme des prédateurs dressés sur deux jambes. Pas un mot. Juste la précision. Les Loups.

Iska en abattit un d’un jet de couteau à la gorge. La lame fendit chair et trachée d’un seul mouvement. Le sang jaillit, sombre, épais, frappant la cloison comme un crachat de mort. Il tomba sans bruit, les yeux déjà éteints. Les deux autres ripostèrent.

Je tirai. Deux balles. L’une fit éclater une épaule dans une gerbe rouge, l’autre frappa un genou qui céda comme du carton mouillé. L’un des Loups s’écroula en hurlant, déversant son sang sur le béton. Le mur derrière lui s’éclaboussa, tatoué de sa fin.

Le troisième s’approchait d’Ada, fusil à arc plasma levé. Il visait entre ses yeux. Trop vite. Trop proche.

— Recule ! criai-je.

Mais elle ne recula pas. Elle posa la main sur le mur. Une vibration sourde se propagea dans l’air. Les néons explosèrent dans une gerbe d’étincelles. Le fusil se mit à chauffer, vibra, éclata. L’homme convulsa, pris dans une décharge électrosynaptique qu’il ne comprenait pas. Son masque fondit sur son visage, sa chair grésilla, un hurlement inhumain s’éteignit dans un gargouillis de chair fondue.

— Interférence synaptique… souffla Ada, les genoux cédant sous elle. Il ne bougera plus.

Du sang. Partout. Sur les murs, sur nos mains, sur nos visages. Le sol devenait glissant. Le silence avait disparu. Remplacé par des râles, des cris, des tirs. Le corps d’Iska vibrait d’adrénaline. Elle bondit sur un quatrième assaillant surgissant du couloir, lame en avant. Ils roulèrent au sol.

Un bruit humide. Puis un hurlement étranglé. La gorge de l’homme ouverte jusqu’à la colonne. Sa tête dodelina encore quelques secondes avant de s’immobiliser. Iska se releva, couverte de sang, haletante, une entaille profonde à la joue qui saignait comme une balafre de guerre.

Ada tenta de se redresser. Une balle la frappa au flanc. Elle chancela, s'effondra contre le mur, les mains plaquées à la blessure. Du sang coula entre ses doigts, noir et chaud.

— Ada !

Je la rejoignis en glissant sur le sol rouge. Elle respirait, mais mal. Ses yeux se fermaient par à-coups.

— J’ai... désactivé tous les détecteurs, dit-elle dans un souffle rauque. Ils sont... aveugles... vous pouvez vous enfuir, maintenant.

— Tais-toi, garde ton souffle.

Elle me regarda, entre douleur et lucidité. Dans ses yeux, pas de peur. Juste une sorte de honte. Et moi, j'étais figé entre deux plaies : celle que je voyais couler d’elle, et celle que je lui infligeais depuis des jours, à force d’hésiter.

Des renforts arrivaient. On les entendait. Drones, bottes lourdes, signaux radio crachés dans les interphones. Le sol vibrait sous leurs pas.

Je passai un bras autour d’Ada. Iska ouvrit la voie, lame en main. Une furie silencieuse. Elle ne laissait personne s’approcher. Chaque assaillant qui surgissait trouvait sa mort dans un éclat d’acier. Une jugulaire tranchée. Un œil crevé. Un cœur percé. C’était de la danse. Macabre, mais belle.

Je jetai un coup d’œil à Ada. Elle était si légère dans mes bras. Si pâle. Et pourtant… elle avait tenu. Encore. Je ne savais plus si je voulais la sauver ou si c’était elle qui me tenait debout — comme une main froide autour de mon cœur, l'empêchant de s'effondrer pour de bon. Une douleur me tiraillait le ventre, mais je la refoulai. Pas maintenant.

On atteignit une trappe. Une sortie de secours gravée dans le béton. On l’ouvrit à trois. L’air frais nous frappa comme une gifle. L’aube se levait à peine. Grise. Sale. Réelle.

On avait survécu.

Mais on n’était plus des fugitifs.

On était devenus les proies qui mordent.

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