Chapitre 7 - Sully/Elsie
Chapitre 7 - Sully/Elsie
Sully
La sonnerie stridente de mon réveil me parvient d’abord comme un bourdonnement lointain, à la frontière entre le rêve et la réalité. Les paupières encore lourdes, j’émerge péniblement, puis pivote pour m'asseoir sur le bord de mon lit.
La lumière qui vient d’être allumée dans le couloir me brûle les yeux, alors je tente de faire le bilan de ce qui a pu me mener à cet état de fatigue lamentable. Je n’ai pas beaucoup bu, enfin, pas tant que ça. La nuit a peut-être été courte ? Je me suis pourtant couché à une heure relativement raisonnable, pour une veille de rentrée.
Je déverrouille mon téléphone, parcourant les nombreuses notifications qui se sont accumulées sur mon écran d’accueil depuis que je me suis endormi.
6h20. Coach Terrence : Entrainement à quatre heures cette après-midi.
7h43. Ava : Tu passes chez moi après les cours ? ♥
Elsie a liké votre photo.
Sans ouvrir le message d’Ava, je lui glisse une réponse rapide. Pas ce soir, j’ai entrainement. Terrence, de toute évidence, n’a pas fêté sa pré-rentrée. Cet homme bouffe du tennis toute la journée, et une heure de renforcement musculaire chaque matin, à l’aube. Bien sûr, il m’harcèle pour que je me mette à faire la même chose, et ça n’est pas prêt d’arriver.
J’appuie sur la notification instagram, étrangement satisfait qu’Elsie se soit égarée sur mon profil cette nuit. Elle n’a pas répondu à mon message à propos d’Asher et Ellery, mais elle a réagi avec le smiley aux yeux plissés, celui qui arbore un petit sourire coquin.
De mon côté… je me suis laissé tenter, moi aussi. Avant de m’endormir, j’ai passé en revue son profil, et je me suis attardé sur quelques photos de sa vie en Europe. Au moment où j’ai finalement posé mon téléphone sur ma table de chevet, je me suis senti étrangement gêné. Comme si je n’étais pas censé avoir vu tout ça, comme si ça ne m’avait jamais été adressé. J’ai fini par liker sa photo la plus récente pour laisser une trace de mon passage, et me sentir moins bizarre. Ce n’est plus du stalk si elle sait que je suis passé, si ?
Les premiers cours de la matinée s'enchaînent douloureusement. La fatigue commence à me filer des maux de tête, et les litres d’eau que j’engloutis n’y font pas grand-chose. Evidemment, ce ne sont pas les cours de psychologie du développement qui apaisent ma migraine, et je finis par rentrer à la maison en fin de matinée pour m’allonger un peu avant ma séance de tennis quotidienne.
Le réveil sonne pour la deuxième fois de la journée, toujours aussi criard. Heureusement, j’ai les idées plus claires, et encore une petite heure devant moi avant d’aller m'entraîner. En revenant à la coloc, je n’ai croisé aucun des gars, ni Ellery. Peut-être qu’elle a réussi à arriver en cours à l’heure, ce matin. Je décide d’ouvrir ma conversation avec Elsie, et lui propose d’aller boire un verre après les cours, comme je convenu hier soir. Quelques secondes plus tard, j’entends le tintement de la notification instagram.
elsieinitaly : Déjà ?
Merde. Entre ce message et le like d’hier soir, elle va vraiment croire que je la stalke. Ou que je veux passer tout mon temps libre avec elle, ce qui n’est certainement pas le cas. Hors de question qu’elle me trouve envahissant. Curieux, c’est tout ce que je suis.
elsieinitaly : 5h :) ?
Je pianote rapidement sur mon écran, mes épaules se détendent un peu plus à chaque mot.
sullywarrenn : 6h ? j’ai entrainement
elsieinitaly : ok, monsieur tennis. 6h au Everglade Cafe, see you there.
Je souris malgré moi en glissant mon téléphone dans la poche de mon jean. La curiosité est un vilain défaut ? Ça ne m’a jamais autant parlé.
Elsie
Je débarque au Everglade Café à six heures tapantes, un immense sourire aux lèvres. Ma journée s’est révélée être incroyablement enrichissante, et pour la première fois depuis trois mois, je me sens bien. Ce matin, la présentation de nos matières pour cette première année de kinésiologie m’a motivée comme jamais. Enfin quelque chose qui me permet de me projeter ! Depuis Mattia, je n’y étais plus arrivée, et voilà que je passe une journée complète sans penser une seule fois à lui.
Sully passe la porte du café moins de deux minutes après moi, et nos sourires s’entrechoquent aussitôt. Lui aussi, a l’air d’avoir passé une rentrée à son goût.
— Alors, qu’avez-vous pensé de Bayshore University, miss Silver ?
Je lève les yeux au ciel sans pour autant m’arrêter de sourire.
— C’est validé, Warren. Vraiment, je sens que ça va le faire. Enfin, si ton coloc veut bien éviter de sauter la mienne, et puis, tu sais, de me réveiller en la ramenant à six heures du matin le jour de la rentrée, ironisé-je.
— Wow, doucement, Elsie. Je ne suis pas responsable des actes d’Asher. Dieu merci, marmonne-t-il.
Je remercie la serveuse qui apporte notre commande, puis fais glisser l’énorme café de Sully de son côté de la table.
— Ellery ne m’a pas lâchée d’une semelle, aujourd’hui. On a tous nos cours en commun, alors j’espère que ton pote va être sympa. Elle a déjà l’air complètement accro, chuchoté-je en me penchant vers lui.
Sully me fixe encore, silencieux. Son sourire en coin remonte jusqu’à sa pommette, et ses prunelles bleues brillent d’un éclat que je lui connais bien. Je suis contente de le retrouver, et je me rends compte que bien que mes souvenirs de lui soient fortement reliés à ceux que j’ai avec Jordyn, ça ne ravive en moi aucune colère ni rancœur.
— Je ne compterais pas là-dessus, si j’étais elle. Comme je t’ai dit, Asher est adorable, mais…
— Ellery est juste à la fin d’une immense liste de meufs avec lesquelles il a couché ? deviné-je en croisant les bras contre ma poitrine.
Sully acquiesce d’un hochement de tête, puis boit une gorgée de sa boisson xxl.
— Tu ne m’as même pas dit ce que tu étudiais, renchéris-je.
Il faut que je me calme sur les questions personnelles, ou Sully va croire que je lui fais passer un interrogatoire. Étrangement, qu’il me voie uniquement comme la vieille copine de sa sœur qui vient aux nouvelles est la dernière chose dont j’ai envie.
— Tu ne me l’as pas demandé.
Je roule des yeux, mais je n’ai pas le temps de répliquer.
— La psychologie. Sportive, surtout, reprend-il sérieusement.
J’ouvre des yeux impressionnés. Je le suis réellement, et ce parcours qui m’a longtemps intéressée aurait pu être le mien cette année. J’hésite à lui poser une autre question sur son cursus, ou à aborder le mien, quand je remarque que son expression s’est affaissée. Il a l’air complètement déboussolé, et il fixe un point au loin, derrière mon épaule.
— Putain. Cache-moi, Elsie. Vite.

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