C2-3 Destin croisé

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Après la découverte des cerceuils métalliques, le binome de servante s’était séparé. Angélique s’était refusée à adresser la parole à sa partenaire car elle se sentait trahie et bafouée. Ce qu’elle avait vu été un secret bien gardé de l’Empire et il ne fallait pas qu’il soit divulgué. Les deux comparses se séparèrent sur cette dernière dispute.

Erel devait retourner dans ses appartements, enfin ceux du juge master. La Dafladienne allait garder sa découverte pour elle-même, elle ne faisait pas suffisamment confiance en Gaven pour lui confier l’horreur qu’elle avait aperçu dans le Labyrinthus.

​​​​​*


Pendant ce temps-là, bien loin des terres Astéennes.

Bahn se réveillait d’un très mauvais rêve. Celui d’une trahison inimaginable et de la perte d’une grande bataille.

La grande carcasse du capitaine de l’armée du Daflad gisait à même le sol sablonneux. Le gaillard souffrait de multiples contusions et l’intégralité de son corps lui pesait, chaque mouvement entraînait une vive douleur qui irradiant du bout de ses doigts jusqu’en haut de son crâne. Un faible rayon de lumière provenant d’une fente au plafond lui permettait de distinguer les barreaux étroits de sa nouvelle demeure.

Pourtant, la porte de la cellule n’était pas fermée, il n’avait qu’à se lever et sortir de la prison. Bahn traîna sa puissante silhouette jusqu’à la porte entre ouverte, la liberté lui tendait les bras, et il comptait la savourer.

Circulant péniblement, il devait se tenir au mur en pierre poreuse et tiède de la zone afin de pouvoir avancer. Sa jambe droite était extrêmement douloureuse due au traitement que son frère jumeau lui avait réservé lors de sa capture dans la forteresse de Qrita. Son visage était tuméfié, ses bras et son cou couverts de taches bleutées au contour irrégulier. Des blessures que son organisme aurait rapidement fait de régénérer pour qu’il puisse de nouveau se lancer sur le champ de bataille. Le Daflad n’était pas perdu, et ce tant qu’il serait en vie.

Il vagabondait dans le dédale que formait la prison, il suivait de longs couloirs qui semblaient s’enrouler autour d’une pièce centrale baignée de lumière par un trou au plafond. De cet orifice pendait une corde usée que personne ne pouvait atteindre car elle était trop haute et courte pour qu’un être humain puisse l’attraper. Qui plus est, les plafonds étaient très hauts, comme s’ils étaient dans les sous-sols d’une grande cité.

En-dessous du puits de lumière qu’offrait l’ouverture se trouvait une sorte d’estrade arrondie, elle-même encerclée par des bancs taillés à même une roche blanche et poussiéreuse. Sur les pans d’un mur de cette pièce s’écoulait un faible filet d’eau le long de la paroi rendu verdâtre au contact du fil cristallin.

D’autres prisonniers étaient présents, tête baissée, poignet marqué par les bracelets métalliques qu’ils portaient. Non pas pour les retenir dans la prison souterraine, mais plutôt pour leur rappeler leur crime. Une marque de leur honte qu’ils devraient assumer jusqu’à ce qu’ils puissent sortir de cet enfer.

C’est en explorant ce lieu de désolation que le capitaine comprit pourquoi la porte de sa cellule était ouverte. L’Empire savait très bien qu’il ne s’échapperait pas du dédale de sable et de roche. Tous les malheureux enfermés ici étaient voués à attendre la mort ou la libération par la grâce de l’Empire. Entre les deux, Bahn savait quel sort lui était réservé.

D’un pas fantomatique, le capitaine continuait son tour dans sa nouvelle demeure, le visage fermé, il profitait de sa “balade” pour rassembler ses pensées et trouver un plan. Il avait toujours un plan.

— Capitaine? s’​​​​​​​étonna une voix masculine claire derrière le soldat.

Il prit son temps pour se retourner et affronter son interlocuteur.

— Qui êtes-vous? interrogea le gaillard sans plus de politesse.

— Un soldat du Daflad comme vous, capitaine. J’ai été capturé durant la bataille de Qrita, après notre défaite.

— Alors nous avons perdu. souffla le capitaine. Comment se porte le prince? A-t-il réchappé de la bataille?

— Le prince est mort.

La nouvelle s’abattit sur les épaules du fier soldat, le prince du Daflad était mort. Plus de successeur, plus de lignée royale. Le roi avait perdu un gendre et la princesse son mari. Bahn savait que cela avait dû affaiblir le moral des troupes du Daflad et peut-être même la volonté de son roi. Ses pensées se bousculèrent, tout comme les prisonniers qui s’amassaient autour de lui.

— C’est à cause de vous.

Cette phrase résonna dans les oreilles du Dafladien, il savait que le prince attendait son signal, mais il n’avait jamais pu le lui envoyer car il a été trahi par quelqu’un au sein de l’armée. Que ce soit dans son unité ou dans une autre, l’Empire savait ce que tramait les Dafladiens. Cette information, il n’avait pu l’obtenir que d’une personne de l’intérieur. Une taupe?

Bahn cherchait les mots pour se défendre et affirmer sa position de brave citoyen du royaume, mais les soldats qui l’encerclaient ne lui en laissèrent pas le temps.

— Vous avez vendu votre pays! Capitaine. cracha le soldat en accentuant le dernier mot d’un ton acerbe empli de dégoût. Le visage de celui-ci se tordit d’une grimace démontrant la répulsion qu’il ressentait à l’égard de son ancien capitaine.

— Jamais! hurla Bahn pour se défendre

— Vous aviez vendu nos intentions aux juges bien avant l’assaut! commença un autre soldat

— Vous saviez que l’on courait au massacre! poursuivit un autre

— Vous vouliez la mort du prince. asséna le suivant

— Non...c’est faux...pourquoi? balbutia l’ex-capitaine face à cette mutinerie.

Les soldats en colère s’avançaient de la carrure vacillante de Bahn, ils fondirent sur lui et le frappèrent pour évacuer leur haine. La trahison était un crime que nul ne savait pardonner. D’autant que Bahn Caelistis était reconnu, il était le symbole de la force et de l’honneur, un homme parti de rien qui se retrouvait capitaine dans l’armée du Daflad. Il avait tout perdu et de son malheur il naquît de nouveau en un être invincible.

Les coups pleuvèrent, bientôt, le guerrier tomba au sol. Le regard vitreux, il espérait que chaque coup soit le dernier. Devant ses pupilles, les pieds nus de ses assaillants couverts de poussières et de sang s’agitaient, une danse hypnotisante, comme une valse travaillée et subtile. C’était sans compter la douleur qui enflammait tout son corps.

Alors que le capitaine du Daflad pensait sa fin venue, ses anciens compagnons d'armes cessèrent leur vendetta et s'éloignèrent. Certains prirent le temps de cracher sur la dépouille de leur ancien héros avant de rejoindre une autre partie de la prison.

— Tu peux te lever? s’enquit une voix masculine claire et suave.

Bahn ne put répondre. Il n'avait plus de force pour le faire. L'homme s'accroupit devant lui et se présenta d'un ton amical et chaleureux. Il se nommait Red-an, il était enfermé depuis quelques temps, plus que les soldats qui l'avaient attaqué.

Il avait un torse large, taillé en V mais amaigri par la durée de son séjour dans la prison. Sous ses yeux d'un vert cristallin se trouvaient des poches violacées témoignant des nombreuses mauvaises nuits passées sur le sol sableux et des insomnies. Ses cheveux châtains étaient mal coiffés d'une longueur improbable et irrégulière.

— Bienvenue dans la prison du désert de Sablecarcère. Tu vas t'y habituer, crois-moi.

De nouveau, un large sourire trancha le visage de l'inconnu, et il tendit sa main en direction du capitaine déchu.

D’un geste lent et difficile, le gaillard déplia son membre et tendit sa main vers celle qui lui était offerte. Red-an saisit fermement le nouveau prisonnier et l’aida à se relever. Malgré la maigreur visible de ce dernier, il était capable de supporter la lourde carcasse du Dafladien.

— Pourquoi m’aider... souffla Bahn tristement, d’une voix saccadée.

— Je sais ce qu’il t’a fait. C’est typique de l’Empire.

— Comment…

— Tu n’as pas encore compris? Tuer le prince et capturer le symbole de l’honneur du Daflad était le plan depuis le départ.

— Qu’est-ce qui te fait... penser... ça. articula difficilement l’homme qui venait de subir un lynchage public.

— J’ai parfois les oreilles qui traînent.

Le regard des deux hommes se croisa de nouveau d’un air complice. Bahn souhaitait savoir ce qu’il avait entendu, et Red-an avait besoin de l’ancien capitaine pour ses propres raisons. Le destin du capitaine Dafladien avait considérablement changé et pourtant, il le ramenait inexorablement vers le champ de bataille, cette fois, il allait devoir affronter son frère.

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