C4.4 Propagande

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Les jours qui suivirent avaient permis à Lysandre de parfaire son plan. Non seulement il se servirait d’Erel comme appât, mais en plus, elle lui servirait aussi à prendre contact avec le Comte. Il fallait qu’elle fasse comme si elle aspirait à rejoindre la rébellion. Un jeu extrêmement dangereux qui avait entraîné une vive lutte entre le seigneur et le juge master. Il était hors de question pour Gaven qu’Erel soit contrainte à jouer un double-jeu, car il craignait que cela ne lui permette réellement de rejoindre la rébellion et donc de s’enfuir. La garder en cage, loin du champ de bataille, était préférable pour lui.

La Dafladienne eut la chance de pouvoir exprimer son opinion. Elle avait eu le temps d’en discuter avec Gaven, mais aussi avec Angélique, sa coéquipière qui s'avéra être de bien meilleure conseil que ce à quoi elle s’était attendue. Angie lui avait vivement conseillé d’accepter, pour trois raisons : la première étant le fait qu’elle pourrait rester proche de Gaven, la deuxième était qu’elle pourrait potentiellement avoir des réponses à ses questions concernant le suicide théâtralisé de la princesse et la dernière qu’elle pourrait se tester et enfin prendre sa décision entre sa patrie et Gaven. La troisième raison étant la plus désagréable, la belligérante savait pourtant qu’elle avait raison. Elle devait trancher entre Gaven et le Daflad, choisir pour enfin profiter et surtout libérer Gaven d’une culpabilité qu’il traînait depuis sa mort simulée.

À contrario, Gaven essayait bien entendu de la dissuader d’accepter cet accord, mais, comme à son habitude, la guerrière n’en ferait qu’à sa tête.

L’Empereur Emett, dont la santé ne s’était pas améliorée depuis leur dernière rencontre, accepta la requête de Lysandre, son dernier fils qu’il trouvait le plus gentil et bienveillant. Durant leur conversation, Lysandre exposa à son paternel son plan, le vieux gouvernant ne put s’empêcher de sourire. Ils partagèrent un moment privilégié entre père et fils, loin des regards de la cour Impériale ou des membres du conseil afin d’échanger plus librement, à cœur ouvert.

Gaven n’eut d’autre choix que de céder face à la passion du dernier fils Draxak et au besoin de liberté d’Erel. Le juge master savait que la situation en terre neutre serait bien plus complexe que ce qu’ils pouvaient imaginer, que les plans ne se déroulaient jamais comme “c’était prévu” et que le Comte était un homme intelligent. Mais, son idéalisme et l’espoir lui firent accepter sans concession ce plan presque trop simple.

Comme convenu, Lysandre affréta un vaisseau-cargo simple et passe-partout, le convoi ne sera composé que d’un pilote, Lysandre, Gaven et Erel, leur destination serait les îles flottantes d’Aq’Terra. Là-bas, ils passeront par les secrétaires du Comte afin d’obtenir un rendez-vous avec le Comte, en espérant que ce dernier allait essayer de recruter la guerrière Dafladienne.

Le lendemain même, le trio embarqua dans le vaisseau, le voyage serait plus long que s’ils avaient pris le Leviathan ou l’Ifrit et aussi bien moins confortable, mais la Dafladienne n’allait pas s’en plaindre. Pour la première fois depuis longtemps, elle allait quitter le château d’Astéa pour revoir le monde extérieur. Adieu la robe de soubrette noire et blanche, et bonjour sa tenue décontractée préférée : un jean et un débardeur blanc avec des bottes noires à lacets. Le seul élément qui manquait à la guerrière était son arme. En effet, si l’Empereur avait accepté qu’elle quitte le château, il était hors de question qu’elle puisse blesser son dernier fils. Erel comprenait que le monarque ne lui fasse pas confiance, elle était la ressortissante d’un autre royaume, prisonnière et envieuse de redonner sa gloire d’antan à sa patrie. Pour des raisons assez évidentes, l’Empereur Emett avait anticipé le volte-face de la Dafladienne à la vue de son ancien capitaine. Ce que la jeune femme ne comprenait pas en revanche, c’est pourquoi il avait accepté de la laisser sortir ? Lysandre avait dû plaider durement sa cause ou la maladie rendait le vieil homme un peu fou ?

Gaven, lui, savait très bien pourquoi le dirigeant Astéen avait accepté. Lysandre avait une chance de percer les secrets de Vaik et ainsi de prendre le trône si ses machinations sont mises à jours. Cette mission était réalisée dans le plus grand secret, aucun autre juge n’était au courant, aucun soldat, aucun membre de la cour, il en valait de la sécurité du dernier fils Draxak.

C’est ainsi que le trio impérial se retrouva serré au fond d’une cale d’un vaisseau-cargo. Ils allaient voyager comme des clandestins entre des cuves de céréales et des tonneaux de vins Astéens. Gaven ne portait pas sa tenue de juge master, il n’était pas courant pour un général de l’Empire de se retrouver séparé de ses apparats, c’était même interdit en temps normal. Son visage à découvert, Erel eut le temps de le contempler durant le trajet. Son regard était, malgré elle, attiré par le magistrat dont la tenue civile lui rappelait leur vie commune. Il portait un t-shirt noir large avec un pantalon kaki et des bottes noires, tout était ample et cachait ses muscles taillés comme s’ils avaient été sculptés par les dieux eux-mêmes. Lysandre portait une tenue similaire à celle du juge bien que dans son cas, tout soit parfaitement cintré. Ainsi, personne ne pourrait deviner la provenance de ces trois individus, habillés sobrement et dont aucun indice ne pouvait faire croire qu’ils étaient d’Astéa.

Le voyage dura quelques interminables heures durant lesquelles le trio échangea brièvement, Lysandre étant celui qui monopolisait le plus la parole en posant parfois des questions indiscrètes à l’ex-couple. Cela ne manqua pas de refroidir l’ambiance et rendit Erel complètement imperméable à toute tentative de communication. Elle se renferma comme une huître dans sa forteresse nacrée pour ne plus entendre parler d’une époque qui était révolue, tout ne faisait plus partie que de sa mémoire.

En sortant du cargo, les Impériaux s’étirèrent et s’éclipsèrent rapidement du quai d’atterrissage du vaisseau. Ils ne devaient pas être repérés par les gardes d’Aq’Terra, du moins pas dans l’immédiat. Dans un premier temps, ils devaient faire savoir qu’une ressortissante de la guerre de Qrita s’était enfuie et cherchait la rébellion à Aq’Terra. Le plus judicieux était donc de scinder le trio. Gaven resta avec Erel, alors que le jeune Draxak les abandonna pour répandre la rumeur à travers toute la ville. Lysandre avait de la ressource, il était un magicien hors pair et pouvait donc se défendre, mais surtout, et contrairement à nos deux héros, il connaissait la ville par cœur. Il avait étudié à l’académie de Magie de la cité flottante pendant plusieurs années.

Les deux ex-amants vagabondèrent dans les allées pavées et piétonnes de la cité. Entre les maisons en pierre orange et rouge, face à un soleil de plomb et une foule de gens de toutes les régions d’Idalyce. Les rues étaient toutes très animées, on trouvait des magasins dans des bâtiments et des étales rudimentaires proposant divers produits plus ou moins rares. Les îles flottantes étaient de petites circonférences, toutes reliées entre elles grâce à des navettes volantes ressemblant à des grosses libellules dont le corps serait des cabines et la tête le cockpit, les ailes seraient rigides et recouvertes de plaques transparentes absorbant le magus présent naturellement autour des îles pour l’utiliser comme énergie pour permettre à la masse métallique de se déplacer.

Oh, mais...vous ne devez pas savoir de quoi je parle ! Le magus est la source de toute la magie sur Idalyce. C’est un élément immatériel et invisible à l’œil nu, il est présent sur toute la planète. Cependant, certaines zones sont plus riches en magus que d’autres, comme c’est le cas pour les îles d’Aq’Terra. Cette hausse de concentration de magus augmente la puissance de la magie, d’où le fait que la seule académie de Magie d’Idalyce se trouve ici, c’est en partie grâce aux mages que ce lieu reste neutre à toutes les guerres qui ont pu déchirer Idalyce. Personne ne veut se mettre des érudits magiciens à dos. Cependant, pour ceux qui ne maîtrisent pas ou peu la magie, cet endroit est extrêmement dangereux, une forte concentration de magus non maîtrisé par un mage peut être catastrophique pour celui qui jette le sort, combustion spontanée, explosion, liquéfaction, poisons et autres fléaux du genre, voilà ce que risque un magicien amateur s’il jette un sortilège dans les îles. Pour ces raisons, la magie est interdite sur Aq’Terra, excepté dans l’académie de magie où les élèves mages sont tutorés par de véritables érudits.

Ce n’est qu’en fin de journée, alors que le soleil commençait à tomber dans la mer de nuage que le jeune Lysandre rejoignit les amants pour leur annoncer qu’il avait réussi à répandre la rumeur. Le jeune seigneur avait habilement utilisé les guides touristiques, les commerçants et les étudiants magiciens (sans doute les êtres les plus commères de la ville) afin d’atteindre son dessein. Aq’Terra savait désormais qu’une guerrière dafladienne s’était échappée de la cité d’Astéa pour rejoindre la rébellion. Il avait ajouté qu’elle se cacherait dans une auberge du quartier du marché. L’appât était en place, l’Astéen allait devoir attendre que le poisson morde.

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