C8.3 Résistance

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Erel ne chercha pas à prolonger cette conversation, elle comprit rapidement que ce n’était pas la personne qu’elle devait convaincre. Le Comte Thasec la guida vers les sous-sols de l’académie. Une grande porte en fer forgé bloquait leur chemin. Le monarque prononça une formule magique devant celle-ci pour l’ouvrir, l’épaisse couche de métal sembla fondre en réponse à la magie du Comte puis laissa apparaître un long couloir parfaitement immaculé, d’un blanc presque aveuglant. Thasec fit signe à Erel d’avancer. Il ne vint pas avec elle, la prochaine étape, la Bélligérante l’affronterait seule.

La guerrière suivit le chemin que la porte avait révélé, elle longea le couloir et sa course s’arrêta dans une salle ronde, pas très bien éclairée où elle distinguait difficilement des tonneaux, une table de pub en bois abîmé et quelques chaises autour. Le couloir disparu soudainement alors qu’elle se retourna pour l’observer. Une odeur de vin et de poussière semblait avoir imprégnée tous les recoins du taudis, Erel pensait qu’elle avait été transportée grâce à la magie dans une cave de pub dans la ville d’Aq’Terra. Seulement contrairement au portail qu’elle avait utilisé avec Lysandre et Gaven, elle ne ressentait pas de nausée et n’avait pas la tête qui tournait. Ce n’était pas une téléportation. La distance parcourue était donc plus courte, il lui était cependant impossible de calculer avec précision cette dernière.

La guerrière n’eut pas le temps de se poser davantage de questions pour déterminer le lieu où elle se trouvait, quatre personnes entrèrent dans la pièce. Malgré la faible luminosité, elle reconnut les traits de Bahn, son ancien capitaine. Il était accompagné par un homme et deux femmes. Aucun d’eux ne prit le temps de se présenter, Erel les distinguait très peu et ne pensait pas les connaître.

La première femme, blonde aux yeux bleus, le visage carré, ouvrit la conversation d’un air très directeur avec une voix sèche et forte.

— Alors c’est toi, la fiancée du juge master ? Comment oses-tu te présenter devant nous ! S’agaça la blonde avec véhémence.

Bahn se racla la gorge, il était d’un calme inébranlable et essayait de faire tampon entre les deux jeunes femmes. L’autre homme se tenait quelques pas derrière la blonde, il était appuyé contre un mur et caressait d’une main sa barbe brune parfaitement bien taillée en pointe, ce qui allongeait son visage.

— Allons, princesse, vous ne pouvez pas cracher sur toutes les personnes qui font le nécessaire pour rester en vie, ricana l’homme d’une voix suave et chaude.

L’autre femme au teint foncé et aux longs cheveux noirs et frisés était à côté de lui, une main posée sur la hanche. Elle secoua sa crinière et reprit son compagnon.

— Tu ne devrais pas te mêler de ça, lança-t-elle d’une voix plate et nasillarde.

Erel observa chaque personne. Elle se devait d’apaiser la situation si elle espérait pouvoir rejoindre la rébellion et s’expliquer. En prenant énormément sur elle, elle souffla et essaya de s’exprimer sans animosité.

— Laissez-moi me présenter. Je suis Erel Jerioth, sous-lieutenante du capitaine Bahn Caelistis, citoyenne du Daflad et ex-fiancée de Gaven Caelistis, aujourd’hui juge master de l’Empire Astéen, reprit froidement Erel.

— Quel pedigree ! Je suis Red-an, un contrebandier, citoyen du monde et évidemment, le bel homme de la bande, ricana le barbu en faisant un clin d’œil à la guerrière.

— Duskara, je suis une Madows. J’accompagne Red-an depuis que j’ai quitté Sylvesonge. Il faut bien que quelqu’un veille sur ses précieuses fesses, lança la femme noire en frappant l’épaule de son camarade.

— Je suis la princesse Ainhoa Thal’En du Daflad. Princesse d’un pays que l’on m’a usurpé et veuve d’un prince mort pour sa patrie. Mais je compte tout reprendre et j’aurai ma vengeance, s’exclama la blonde, le ton plein de colère.

Erel écarquilla les yeux. Il lui fallut quelques secondes pour assimiler le fait qu’elle était en présence de la personne qui dirigerait son pays après la guerre, qu’elle se trouvait devant une personne qui avait également tout perdu à cause de ce conflit. La Dafladienne s’inclina devant sa souveraine et ne sut quoi ajouter de plus. Elle savait que la princesse était vivante, mais de là à la voir de ses propres yeux, elle était stupéfaite.

Bahn se racla la gorge de nouveau et tapota l’épaule de son amie pour lui signifier qu’elle pouvait se redresser.

— Votre Majesté, Erel est une fière guerrière de votre armée depuis plusieurs années. Elle a été épargnée par l’Empire grâce à mon frère jumeau. Si elle se présente aujourd’hui, c’est qu’elle a réussi à fuir Astéa, temporisa le Caelistis.

— C’est faux, mon capitaine. J’aurais pu vous rejoindre la fois où je suis venue à Aq’Terra avec Lysandre et Gaven. Mais je n’ai pas pu... j’avais peur qu’ils s’en prennent au juge master. J’ai choisi mon ex-fiancé. Là est la vérité, intervint la guerrière, la tête haute et le regard droit.

— Merci d’être honnête. Et qu’est-ce qui a changé ? Interrogea la princesse.

— J’ai rencontré le scientifique Cidolfus Continius Arch. Il est le créateur des cristaux artificiels. Il voulait que je sois son prochain cobaye. Gaven ne pouvait plus assurer ma sécurité, j’ai été contrainte de fuir, répondit Erel honnêtement.

Ainhoa fronça les sourcils. À ses yeux, l’honnêteté de la soldate était une bénédiction mais aussi une maladresse. Elle était reconnaissante à cette dernière de lui éviter une longue discussion hypocrite. Il était clair que la guerrière était amoureuse du juge master et qu’elle serait restée avec lui si elle avait pu.

— Tu n’es d’aucune utilité. Tu rejoindras ton juge master à la première occasion. Je ne te laisserai pas l’opportunité de nous trahir de nouveau, trancha la blonde.

— Votre Majesté, je vous en prie, elle nous apporte des informations et elle pourrait nous être utile ! S’exclama Bahn désespérément.

— Je ne l’accueillerai pas chaleureusement juste parce qu’elle peut nous raconter ce qu’elle a vu ou entendu alors qu’elle sympathisait avec notre ennemi ! Un vrai soldat se bat pour son pays, peu importe qui il doit affronter et même si cela doit lui coûter la vie ! S’emporta la princesse.

— Votre vendetta personnelle n’est-elle pas alimentée par la perte d’un être cher ? Si vous aviez une chance de le revoir, même dans le camp adverse, laisseriez-vous passer cette occasion ? Lança insensiblement Duskara d’un ton monocorde.

La princesse voulut s’emporter mais elle ne trouva pas d’argument pour contredire sa nouvelle alliée. Erel baissa la tête, elle portait sur ses épaules le poids de ses responsabilités. La guerrière n’avait pas eu envie de se défendre, elle savait que ce qu’elle avait fait était « mal », dans le sens où elle avait pactisé avec l’ennemi. Mais Gaven était là, sous l’armure noire de l’Empire. Alors oui, il était un traître pour l’armée Dafladienne, mais pour le cœur de la femme qu’elle est, il lui était impossible de le haïr. Des sentiments qu’elle avait cherché à enfouir le plus profondément possible mais qui ne la quittèrent jamais, si bien qu’elle succomba au moment où elle se sentit à l’abri. Le juge master lui manquait, ses pensées étaient tournées vers lui, sur ce qui allait lui arriver à cause de sa fuite, elle avait peur, peur de le perdre définitivement.

Le noyau de la rébellion se trouvait dans cette pièce circulaire sentant le vieux vin et la poussière, chacun la tête basse et le regard vide. La princesse effleura du bout des doigts son annulaire gauche, la douceur du métal jaune l’apaisant et lui rappelant tout ce qui fut à elle. La guerrière Dafladienne qui venait aujourd’hui chercher refuge connaissait ce sentiment, ce vide dans le cœur, cette douleur sourde qui ne s’évanouissait jamais. Les deux femmes échangèrent brièvement un regard, malgré la pénombre, elles comprirent le message de l’autre. La colère et la rancœur ne devaient pas les empêcher d’agir et en tant que princesse, Ainhoa ne pouvait pas se laisser aller à ses sentiments. Elle se ressaisit, remit son masque de dirigeante et pensa à son peuple. Elle devait prendre une décision et agir, comme souveraine du Daflad libéré.

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