C9.3 Maudit

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Ils pénétrèrent dans la pièce cachée. Il y faisait une chaleur étouffante, le groupe dut se séparer de leur combinaison contre le froid qui leur aurait valu de mourir déshydratés dans cette fournaise. Une sphère tournait sur elle-même en lévitation au centre de la pièce, il sembla logique à tous que c’est elle qui était la source de chaleur de la zone. Deux options, l’arrêter ou la détruire.

Ainhoa, qui perdait patience avec ces épreuves qu’elle jugeait inutiles, s’élança pour briser le globe épée hors du fourreau. La princesse se trouvait à quelques centimètres de sa cible lorsque celle-ci se rétracta puis explosa, projetant au sol les rebelles. Lorsqu’ils ouvrirent les yeux de nouveau, un monstre se trouvait devant eux à la place de la sphère. Un être au pied de taureau, bipède au torse d’ours avec une paire de bras humains puissants tenant une massue en or travaillée et ornée de joyaux. Une épaisse crinière rousse entourait le visage de la créature, lui-même caché par un masque qui ressemblait à un visage humain inexpressif, parfait et moulé dans le plus pur des ors. Sur le masque, un symbole était gravé sur le front, une rune magique qu’ils n’eurent pas le temps de déchiffrer.

La chimère se mit à remuer une queue crocodilienne et à marteler le sol avec. Red-an, qui était devenu très pâle, s’était tassé dans un coin sous les yeux agacés de sa camarade.

— C’est un maudit! On a aucune chance! S’exclama le pirate la voix étranglée par la panique

Bahn se dressa face au monstre, épée en main et bouclier pour le protéger, il ne comptait pas abandonner. Erel le rejoignit, portant les mêmes armes que son capitaine. Elle ne laisserait pas son supérieur se battre seul face à cette créature. Ainhoa, qui avait été projetée plus haut et plus loin à cause du souffle de la sphère, avait perdu connaissance, son crâne ayant frappé le sol plus violemment. Enfin, Duskara laissa son couard camarade dans un coin et attrapa son arc qui pendait dans son dos.

— Erel, avec moi, il faut immobiliser la bête, visons les jambes. Duskara, essaie d’immobiliser la queue ! ordonna le capitaine Bahn qui retrouvait fièrement son rôle.

— À vos ordres, capitaine ! s'exclamèrent les deux jeunes femmes en chœur.

Le monstre chargea les soldats au bouclier, massue en l’air et prêt à s’abattre sur ses victimes. Erel esquiva sur la droite et Bahn sur la gauche, contournant ainsi la bête des deux côtés. Ils firent un arc de cercle pour se retrouver dans le dos du monstre. La queue écailleuse balaya le sol tandis que le torse massif et poilu de la bête faisait volte-face vers Bahn. Erel fut projetée par le membre crocodilien pendant que Duskara se concentrait afin de ne pas toucher le capitaine.

Bahn leva son bouclier et intercepta la chute de la massue, luttant pour rester sur ses deux jambes, il grinçait des dents alors qu’il s’acharnait à protéger sa vie. La crinière de l’animal se mit à scintiller, comme si de la poussière lumineuse s’en échappait. Duskara sentit le magus s’accumuler autour de la bête, elle hurla à Bahn de s’écarter. Ce dernier eut à peine le temps d’esquiver lorsqu’une vague de flammes s’échappa du corps du monstre.

Erel prit l’animal par le flanc, espérant sectionner le tendon d’une de ses pattes. Elle esquiva la main droite de la bête en glissant sur le sol brûlant, la pierre devenue incandescente par les flammes de la chimère brûla une partie de sa cuisse, arrachant sa chair et la faisant grimacer. Même blessée, elle tenta le tout pour le tout. La Belligérante lança son bras et trancha la chair de son adversaire, malgré la hâte de son geste, sa précision fut chirurgicale et le monstre tomba à genoux face à Bahn.

Le capitaine saisit cette opportunité pour trancher le bras qui tenait la massue du maudit. Duskara projeta dans les airs deux flèches qui se plantèrent entre les écailles de la queue. La pauvre créature poussa un cri de douleur infâme, infernal, guttural derrière son masque d’or.

Ainhoa se redressa et secoua la tête alors qu’elle sentait son crâne pris dans un étau. Elle se souvenait de sa chute, de la sphère qui volait au-dessus du sol puis de la vague de chaleur qui l’avait projetée alors qu’elle pensait la détruire. Ses oreilles bourdonnaient et les bruits de métal s’entrechoquant lui semblaient très loin. Son regard se porta sur la bataille entre ses rebelles et un monstre qui s’était éveillé avant son réveil. La princesse comprit que la situation était parfaitement gérée par ses guerriers alors que le monstre s’écroulait sur le sol en hurlant devant ses yeux. La descendante du Daflad avait entendu parler de ces créatures maléfiques, les maudits, les êtres rejetés par les Dieux. Il était étonnant qu’une telle bestiole se trouvât dans un lieu sacré mais elle n’avait pas le temps de se poser la question. La princesse se releva en tenant sur ses jambes chancelantes et scanda fièrement d’une voix puissante une incantation.

Un cercle lumineux se dessina au pied de la princesse, il se remplissait de runes et autres formes géométriques au fur et à mesure que cette dernière scandait des paroles magiques.

Le monstre tenta de se lever pour arrêter Ainhoa mais il tomba aussitôt, il se mit à ramper en poussant des cris qui ressemblaient davantage à des pleurs qu’à de la colère. Sa crinière s’illumina de nouveau, des flammes allaient bientôt surgir de son corps et calciner tout ce qui se trouverait à proximité, comme la princesse par exemple. Bahn voulut se précipiter pour défendre la souveraine du Daflad mais Duskara l’intercepta d’un cri strict et dissuasif.

Le cercle d’incantation achevait, des rayons de lumière s’élevèrent de six points de l’anneau scintillant, ils se croisèrent au-dessus de la princesse puis foncèrent sur le monstre à toute vitesse le transperçant de part en part : pied, jambe, foie, estomac, bras, cerveau. La bête se stoppa net, du sang noir et visqueux s’écoula sur les roches brisées par l’impact puissant des rayons de lumière.

La princesse tomba à genoux, Erel et Bahn se précipitèrent vers elle pour la soutenir. Duskara s’avança vers la cheffe rebelle et l’observa de son visage sans expression habituel.

— Il n’y a plus beaucoup de gens capables d’utiliser la magie de lumière de nos jours, s’étonna Duskara de sa voix nasillarde et plate

— C’est...une...longue...commença la princesse essouflée

— Reposez-vous Majesté, il faut reprendre votre souffle, la coupa Bahn

Erel passa le bras de la rebelle par-dessus ses épaules pour la soutenir alors qu’Ainhoa reprenait lentement ses forces. Bahn supporta sa souveraine de l’autre côté.

Red-an, qui s’était courageusement caché dans un coin de la pièce durant toute la bataille, rejoignit le groupe comme si de rien n’était en frottant le coin de sa chemise entre-ouverte.

— Pas trop inquiété par le monstre? lança Bahn d’un ton sarcastique.

— Les trucs comme ça, c’est pas mon fort, je préfère une petite escarmouche entre humains que des batailles contre des monstres inhumains, répliqua le pirate sans remord.

— Tu avais l’air de savoir ce qu’était ce monstre, tu en as déjà vu? s’étonna Erel.

— Je pourrais te raconter cette histoire autour d’un verre dans notre chambre, si ça t’intéresse, ricana Red-an en approchant son visage de celui de la guerrière.

— Sans façon, rechigna Erel en tournant la tête.

Le monstre au sol émit un fort éclat blanc aveuglant. Lorsque la lumière se tarit, il ne restait plus rien du monstre si ce n’est son masque au sol. Doré et lisse, parfaitement inexpressif comme durant tout le combat qu'ils avaient mené. Duskara prit l’objet et le disposa à sa ceinture. Ainhoa avait repris des couleurs et elle pouvait désormais se tenir sur ses jambes seules. Elle remercia d’un geste élégant ses guerriers et s’avança. Erel était blessée, un liquide visqueux et rouge s’écoulait le long de sa jambe droite, Duskara lui passa une pommade qu’elle étala sur sa blessure. La douleur se dissipa progressivement tout comme la sensation de chaleur de la plaie, cette crème favorisait la coagulation du sang et allait lui permettre de continuer la route sans trop souffrir.

Un nouveau passage s’était ouvert au fond de la pièce. Désormais que le maudit était mort, le froid saisit de nouveau les lieux, resserrant son étreinte autour de toutes choses. Les rebelles enfilèrent de nouveau leur combinaison et s’avancèrent.

La nouvelle pièce était très exiguë. Un socle en pierre au fond, sculpté à même la roche, servait de réceptacle à un cristal luisant d’une lueur blanche immaculée. L’objet scintillant avait une forme sphérique parfaite, mais à sa surface, il semblait enveloppé par une maille de roche plus solide, coagulée. Ainhoa tendit la main pour se saisir de son héritage royal lorsque Red-an l’arrêta.

— Attendez ! Dans la plupart de ces endroits, si on enlève l’objet du socle, alors un piège meurtrier se déclenche, s’écria le pirate inquiet.

— Désolée, mais nous n’avons pas de temps à perdre ! s’agaça Ainhoa.

— Princesse, mourir maintenant serait dommage, surtout après avoir vaincu un monstre aussi énorme, ricana Red-an.

— Et pas grâce à toi, souffla Bahn en direction d’Erel, qui étouffa un rire.

— S’il vous plaît, Princesse... supplia le contrebandier.

La blonde saisit la sphère et l’extirpa violemment de son socle. Elle pensait que l’objet résisterait davantage, mais ce dernier se décrocha très facilement, la faisant basculer en arrière alors qu’elle avait mis trop de force dans son geste.

Bahn la rattrapa et Red-an se figea, attendant le moment où le piège allait enfin s’enclencher et les écraser tous. Fort heureusement pour eux, ce moment ne vint jamais.

— On dirait bien que nous avons accompli notre mission, termina Duskara

Ces mots achevèrent la quête pour l’obtention du cristal Aube. Désormais entre les mains de la Princesse Ainhoa, ce joyau lui permettrait d’être reconnue comme légitime héritière du trône du Daflad et elle pourrait ainsi reprendre ses fonctions pour lutter contre l’Empire d’Astéa.

Outre le joyau, le groupe avait gagné autre chose d’aussi importante, peu à peu ils travaillaient en équipe et s’ouvraient les uns aux autres. Erel ne s’en rendait pas compte, mais aux yeux des autres membres, elle passait d’étrangère à coéquipière. Si cela était évident pour Bahn qui n’avait jamais cessé d’avoir de l’affection pour sa belle-sœur, Duskara et Red-an, même la princesse, commençaient à lui faire confiance. C’est avec ce type d’épreuve que les membres du groupe pouvaient prouver leur talent respectif, et c’est ainsi que le groupe rebelle reprit la route du Sanctuaire. Trésor en poche et amitié naissante.

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