C13.1 Portail-vie

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Au sommet du cristal, Hadès lévitait au-dessus du sol. Sa silhouette ectoplasmique était tournée vers une cloison en cristal concave sur laquelle apparaissaient des runes autour.

Le Vexen récitait à voix basse une incantation dans une langue non humaine, ce qui faisait trembler le cristal lumière tout entier. Il était proche de son objectif, plusieurs siècles d’attente et d’errance pour voir enfin son espèce renaître.

*

Les différents groupes s’étaient rassemblés lors de leur ascension dans les nombreux et infinis étages de l’édifice. Au fur et à mesure qu’il s’agrandissait, de nouvelles surprises et questions fusaient entre les protagonistes, ainsi que des reproches. Mais ils avaient retenu la leçon : se disputer ou s’impatienter ne les aiderait pas. Ils devaient grimper, encore et encore, afin d’arrêter le Vexen qui les avait pris au piège.

Ce serait mentir que de dire qu’Ainhoa ne se mordait pas la langue pour ne pas insulter Vaik, ou qu’Erel n’étouffait pas sa surprise devant les membres mutilés de sa reine et son capitaine, ou encore que Gaven n’eut pas envie de pousser son frère blessé dans les escaliers. Malgré tout, les rancœurs furent enterrées, cachées aussi profondément que possible pour ne se fixer qu’un seul objectif : la destruction d’Hadès.

Sur les parois miroitaient encore leur vie passée et future. Des images toujours de plus en plus pénibles à voir, elles n’étaient là que pour les dévier de leur voie, pour les abattre de tristesse ou de mélancolie. Sauf que le groupe avait surmonté cette amertume qu’ils avaient expérimentée maintes fois. De désillusion en désillusion, ils en étaient arrivés là : à grimper deux par deux des marches translucides en jouant contre le temps et une espèce divine mégalomane.

Pour Vaik, dont la résurrection de ce peuple était le but, rien ne le choquait. En revanche, pour les rebelles, qui pensaient saboter une guerre, la surprise était autre.

Gaven et Lysandre étaient peut-être ceux qui s’étaient rapprochés le plus de la réalité. Hélas, ils n’avaient pas voulu la croire et si l’aîné Draxak a réussi ses plans, c’est en partie parce qu’ils n’ont rien fait pour l’en empêcher.

Le seul être manquant était le scientifique Cidolfus, qui moisirait sans doute pour le restant de ses jours dans la cage dont il s’empêchait de sortir. Erel n’avait pu cacher la satisfaction de la disparition de cet être affable qui la répugnait et dont son seul regret serait de ne pas avoir pu le tuer de ses mains.

L’ascension du cristal se fit donc sans parole, ils gardèrent leurs réflexions et questions pour la seule chose qui pourrait potentiellement y répondre.

*

Les yeux de marbre d’Hadès étaient parfaitement immobiles, tracés dans une roche immaculée. La tête du Vexen changea de direction, l’incantation cessa et son corps éthéré fit face à la rampe d’escalier qui se trouvait derrière lui. Le cristal lumière l’avait prévenu que les humains arrivaient, que leur ascension était presque terminée et qu’il devrait sans doute les affronter.

Le Vexen attendit ses hôtes, les bras fantomatiques croisés.

Le troupeau astéen et dafladien finit par atteindre, non sans peine et fatigue, le sommet. La dernière marche arracha un souffle de satisfaction à la plupart des protagonistes. Mais l’épreuve n’était pas terminée, ils se trouvèrent devant le Vexen contre qui ils ne s’étaient jamais battus et dont ils ne connaissaient pas le pouvoir.

— C’est terminé, tu vas repartir d’où tu viens Vexen, haleta Ainhoa le souffle court dont l’index était tendu vers son adversaire

L’être éthéré ne répondit pas, sa position resta la même alors qu’il observait les humains face à lui. Il les regardait s’agiter et se débattre contre leur destin.

Vaik épousseta ses vêtements des quelques grains de sable qui s’étaient accrochés à son costume noir. Sans dire un mot, il fit face au groupe de héros, bloquant le passage vers le représentant divin. Lysandre fronça les sourcils. Malgré les épreuves et les mots prononcés, son frère n’avait pas changé d’avis. Le souhait de l’aîné était toujours de devenir un dieu, même si cela signifiait être détesté par tous, y compris par son petit frère.

Bahn, qui était gravement blessé, fut rejeté à l’arrière du convoi. Il n’était pas capable de combattre ou de tenir une épée. La pâleur de son teint était d’ailleurs très inquiétante et il faudrait l’emmener rapidement auprès des meilleurs soigneurs du pays. Mais pour cela, il fallait en finir.

Ainhoa comprenait mieux que jamais les enjeux de ce combat, et elle n’hésita pas à brandir sa nouvelle épée face à Vaik. Les deux instigateurs de la guerre allaient enfin s’affronter.

— Pitié, arrêtez ! L’ennemi est juste là, ce n’est pas le moment, supplia Lysandre dans l’urgence en montrant le Vexen.

— Je ne vous laisserai pas approcher. Il doit terminer ce qu’il est en train de faire. Quand je serai un dieu, je vous promets que je ferai en sorte que tout le monde ait une belle vie, argumenta Vaik.

— Jamais tu ne seras un dieu. Surtout pas pour moi, mais encore moins pour la chose que tu défends. Tu ne seras qu’un chien muselé pour lui, tu as vu ce qu’il nous a fait, reprit Ainhoa d’un ton haineux.

— Cidolfus n’est plus. Votre "ami" l’a condamné, il en fera de même avec vous lorsque vous ne lui conviendrez plus. Ressaisissez-vous, raisonna Red-An en soutien.

— Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Nous connaissons Hadès depuis le début de cette guerre, le plan est parfaitement pensé et trahir n’est pas une habitude Vexen. Vous ne connaissez pas son peuple, il y a des règles, et elles s’appliquent à toutes les espèces vivantes sur notre planète, reprit l’aîné Draxak.

Lysandre serra les poings, sa rage était tournée vers l’être divin qui avait embobiné son aîné et fomenté toute cette machination.

De longues minutes à argumenter, à raisonner, mais l’évidence frappa le jeune Draxak. Son frère ne se raviserait pas, le seul moyen de passer était de l’affronter.

Hadès hocha la tête lorsque son regard croisa celui de Vaik puis se tourna et reprit son activité initiale. Il entonnait une nouvelle fois son ode ancienne afin de concentrer le magus dans la paroi creuse dont les runes s’allumaient une à une, indiquant le degré d’avancement du rite. Plus que quelques-unes avant l’aboutissement du plan.

Lysandre tira son épée. Vaik en fit de même.

Le cadet demanda à la souveraine Dafladienne de le laisser résoudre ce conflit. Ainhoa hésita, rechigna, mais Red-An arriva à la convaincre. Pendant qu’il allait affronter son frère, les autres en profiteraient pour se faufiler et atteindre Hadès. La reine prépara le sort qu’elle avait utilisé face à Justice afin de se projeter rapidement vers l’avant. Elle concentra le magus environnant dans son dos et le ferait exploser pour la propulser vers le Vexen.

Satisfait de ce plan, le jeune Draxak s’élança vers Vaik. Leurs lames se heurtèrent violemment et chacun poussa l’autre. Le métal grinçait, soumis à la force des deux Astéens qui luttaient pour désarmer l’autre. La régente Dafladienne saisit sa chance, elle fit exploser le magus qu’elle avait accumulé. Dans son dos se forma une petite flamme qui brûla ses vêtements sans être suffisante pour la projeter où que ce soit. Erel aida la souveraine à éteindre le filet brûlant qui consumait faiblement le tissus. Duskara, d’un ton ahuri, ordonna à la reine de la laisser faire. Cette dernière tenta de renouveler le processus en espérant faire mieux qu’Ainhoa, mais rien ne se produisit.

Râlant, Red-An les pressa en leur rappelant qu’ils chercheraient une solution à ce nouveau problème plus tard. Il ordonna à toute la troupe de courir le plus vite possible vers l’être éthéré dans l’espoir de l’arrêter.

Vaik donna un coup de talon dans le ventre de son cadet pour le faire reculer. Étourdi, le jeune homme posa un genou au sol, et l’aîné poussa Erel de l’épaule. Red-An était proche du Vexen, il avait réussi à passer. Il plongea tête en avant vers le corps flottant d’Hadès et, alors qu’il aurait dû déjà l’avoir saisi, tout son corps passa au travers de la silhouette. L’être éthéré était immatériel. Rien ne pouvait l’atteindre.

Gaven avait rejoint Erel et Lysandre, son épée dressée contre son maître. Vaik lui adressa un regard empli de dégoût et de condescendance, il ne le pensait pas capable de faire quoi que ce soit. Les Astéens poursuivaient leur combat alors qu’Ainhoa, Red-An et Duskara cherchaient un moyen d’atteindre le Vexen.

Bahn observait toute la scène d’un air désespéré, secoué par des spasmes de douleur et encore nauséeux de la montée qu’il avait subie. En voyant son frère lutter contre Vaik, seul, il s’élança à son tour dans la mêlée. Désarmé, blessé, c’était peut-être un élan de folie, un acte désespéré. Bahn utilisa le poids de son corps pour déséquilibrer le représentant Astéen, qui bascula en avant et se heurta à la lame du juge master qui le traversa de part en part au niveau de l’abdomen. Le temps sembla s’arrêter, les yeux écarquillés et les mains tremblantes, Gaven lâcha son arme, laissant retomber lourdement son maître sous les yeux larmoyants de Lysandre, qui poussa un cri de désespoir abominable.

Erel se précipita sur Bahn, redressa son capitaine mais fut poussé par Gaven qui saisit le col de la veste de l’autre Caelistis. Il hurlait, les yeux injectés de sang, la belligérante crut qu’il allait le tuer. Elle les sépara tant bien que mal alors que Lysandre s’était traîné jusqu’à son frère et le tenait dans ses bras en pleurant.

Cet événement ne perturba pas les contrebandiers et la reine du Daflad qui se trouvaient derrière Hadès. Les runes s’allumaient les unes à la suite des autres alors que le Vexen avait eu tout le temps nécessaire pour terminer son incantation. Un nouveau geste désespéré mais un nouvel échec. Toutes les runes brillaient enfin, le creux dans le mur explosa et projeta les trois humains en arrière. Un liquide visqueux et épais, ressemblant à du fer fondu, avait rempli l’espace entre les runes.

Hadès changea de formule, le liquide se déforma, se crispa, se contracta puis cracha un cocon cristallin aux multiples couleurs. Il n’avait plus qu’à forger l’être éthéré qui allait en sortir, lui donner un rôle, une fonction et lui rendre son nom.

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