Miller Stanton et associés

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Montgomery, Alabama

Samedi 25 juin 2022

Comme je m’y attendais, je n’avais rien appris de bien important sur Elisabeth Stanton en consultant les moteurs de recherche classiques. J’avais trouvé de nombreux articles à caractère professionnel relatif à des affaires dans laquelle elle-même ou son cabinet avaient été partie prenante. J’avais ainsi pu apprendre que le cabinet Miller Stanton et associés travaillait surtout pour de grands acteurs de la construction et de l’immobilier. Les plus gros dossiers étaient face à l’administration de l’état ou de la ville. Plus récemment, ils étaient intervenus dans quelques affaires relatives à des litiges environnementaux ou écologiques. Le cabinet employait une vingtaine d’avocats et à peu près autant d’assistants et secrétaires. Une belle affaire pour une ville comme Montgomery.

Côté vie publique, Elisabeth Stanton faisait l’objet de nombreuses citations au titre de ses actions caritatives ou à propos des multiples associations ou fondations où elle figurait dans les conseils d’administrations. Sa candidature à la présidence du Rotary faisait l’objet des publications les plus récentes.

Betty était plus discrète sur sa vie privée. Son profil Facebook était des plus réduits et elle n’y avait qu’un très petit nombre d’amis, la plupart d’intérêt mineur. Je ne trouvai pas de compte Twitter lui correspondant. Pas de photos, pas de récits de voyages, pas de recommandations de restaurants ou hôtels.

Pour Jack Stanton, ce n’était guère plus développé. Je retrouvais les mêmes liens vers les pages juridiques. Quelques citations le mentionnaient sur le site web du Cypress Tree Golf Club, dont il était membre et administrateur depuis plusieurs années, ayant acquis un index très honorable de 9, ce qui indiquait une pratique ancienne et assidue.

Jack était le premier mari de Betty. Ils s’étaient mariés à Montgomery dix ans plus tôt et n’avaient pas d’enfants, mais je n’avais pas trouvé de trace illustrant la cérémonie. Nul doute qu’elle avait dû être brillante.

Je m’étais couchée sur cette maigre moisson, après avoir demandé au room service de me monter le petit déjeuner à sept heures trente. L’inhumation de ma grand-mère était prévue à dix heures et je ne pouvais pas me permettre d’arriver en retard. À l’heure dite, le garçon d’étage frappa à ma porte et entra avec un chariot chargé de mets appétissants. D’ordinaire, lorsque je suis seule chez moi, le petit-déjeuner se limite à un café expresso et un fruit frais, mais à l’hôtel, j’apprécie de démarrer la journée avec un vrai premier repas.

Un coup d’œil à mon mobile m’avait appris que Louis m’avait adressé le résultat de ses recherches. Je décidai d’en différer la consultation, le temps de prendre une longue douche et de déguster mon breakfast.

Louis avait visiblement bien travaillé. Le dossier qu’il avait préparé comprenait une note de synthèse et de nombreuses annexes, pour l’essentiel des documents PDF, ainsi que de nombreux liens.

Je parcourus rapidement le résumé. J’aurais tout le temps de revenir sur les détails après la cérémonie.

Je commençais par la partie personnelle. Je ne trouvais pas de ragots sulfureux ni d’affaires de cœur, que ce soit du côté de Betty ou de son mari. Le couple semblait solide et les époux fidèles, du moins pour ce que Louis avait pu apprendre, mais je lui faisait confiance, il était très doué de ce côté-là. Louis avait ajouté une note en bas de cette section :

« Plusieurs consultations en 2018 dans une clinique spécialisée dans la fertilité à Birmingham, Alabama ».

Le couple semblait avoir des difficultés pour avoir un enfant et ils ne souhaitaient pas que cela s’ébruite. Sans doute était-ce la raison pour laquelle ils avaient préféré aller consulter à cent cinquante kilomètres de chez eux.

Le côté professionnel était plus fourni. Louis avait noté quelques dossiers majeurs dans lesquels le cabinet était intervenu. Dans les affaires portant sur des conflits liés à la construction, je constatais qu’il n’y avait pratiquement jamais de procès. Les avocats arrivaient pratiquement toujours à des compromis, qui me paraissaient le plus souvent être conclus au bénéfice des entrepreneurs. Pour les dossiers portant sur des sujets environnementaux, il en allait différemment. Plusieurs procès avaient été assez largement médiatisés, du moins à l’échelon de l’état, pas au point d’en faire un film comme Erin Brockovich. Dans toutes ces affaires, le cabinet Miller Stanton représentait des entreprises accusées de pollutions ou de nuisances environnementales, jamais les plaignants ou les organisations écologistes. À une exception près, les sociétés défendues par Miller Stanton avaient eu gain de cause. Louis avait ajouté une note :

« La plupart des témoins de l’accusation se rétractent peu avant le procès ».

J’enregistrais ces éléments tout en me préparant pour aller au cimetière. Je ne savais pas encore à quoi pourraient me servir ces éléments, mais j’étais convaincue que la façade du couple Stanton n’était pas aussi lisse et propre qu’elle le paraissait.

Le cimetière de Oakwood n’était qu’à quelques blocs de mon hôtel, mais je ne pouvais tout de même pas y aller à pied. Du lobby, je commandai un Uber Green qui arriva en quelques minutes. Je m’excusai auprès du chauffeur pour la brièveté de la course, mais au vu de la destination, c’est lui qui me présenta ses condoléances.

À l’entrée du cimetière, il y avait déjà beaucoup de monde qui attendait le convoi funéraire. Je retrouvai ma tante Nancy entourée de nombreux jeunes gens que j’avais pour la plupart déjà vus la veille à l’église.

— Tu n’es pas venue avec ta caisse ? me demanda l’un d’eux. J’aurais aimé faire un tour. Il parait que les accélérations sont bluffantes.

— Je le confirme, c’est un avion de chasse, répondis-je.

L’arrivée du corbillard interrompit notre conversation. Un cortège informel se forma derrière la voiture jusqu’à la sépulture préparée pour Mary LeBeau. Le pasteur dit quelques prières, ma tante Nancy et une personne très âgée, un ami de ma grand-mère prononcèrent quelques mots puis ce fût terminé. Nancy me prit par le bras.

— Tu veux venir prendre un verre chez moi ?

Je n’avais rien de plus urgent à faire, j’acceptai son invitation.

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