La faille

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Boston, Massachusetts

Dimanche 3 juillet

Stuart Carter reposa la bouteille dans le seau à glace et tendit un verre à Elisabeth.

— En souvenir de nos années de jeunesse, prononça l’homme en guise de toast.

— Je dois reconnaître que nous en avons bien profité, répondit Betty.

— Je me souviens encore de la soirée où tu avais invité cette fille black. La tête de Will quand il a découvert qu’il venait de la dépuceler !

— C’est curieux que tu en parles, car je l’ai justement revue il y a peu. Elle avait quitté Montgomery à la suite de cette fête et elle est réapparue le week-end dernier.

— Que venait-elle faire ?

— Enterrer sa grand-mère, m’a-t-elle dit. Je l’ai croisée par hasard à la réception du Rotary Club et je l’ai invitée à un barbecue le dimanche. Je ne pouvais pas faire moins.

— Et alors ?

— Il semble qu’elle s’en soit bien tirée. Elle a fait sa vie en Californie. Elle a demandé de vos nouvelles !

— De nos nouvelles ?

— Enfin, elle a demandé si j’avais gardé des contacts avec vous trois.

— Qu’as-tu répondu ?

— J’ai dit que je n’avais plus de nouvelles depuis la fin du lycée, ce qui est vrai pour Will.

— Et tu as revu Marvin ? Tu ne m’en jamais parlé.

— C’est vrai, nous traitons des affaires pour HBC et leur filiale au Texas, comme nous le faisons pour toi, mais avec lui, ça reste strictement professionnel.

— La déontologie autorise les relations sexuelles entre une avocate et son client ?

— Pas vraiment, en fait je n’ai jamais vérifié, mais je crois que c’est interdit dans certains états.

— Après tout, il suffit que ça reste caché !

Carter prit la bouteille pour remplir à nouveau les verres.

— Bon, et maintenant, si tu me parlais un peu de ces fuites d’informations.

— Pour l’instant, nous n’avons pas de certitudes, répondit la juriste. J’ai personnellement parlé aux parents des enfants décédés durant la campagne d’essais. Les deux familles jurent leurs grands dieux qu’elles ne sont pas responsables et n’ont jamais entendu parler de ce journaliste.

— Tu crois qu’ils peuvent mentir ?

— Je leur ai rappelé les termes du contrat et les risques financiers au cas où ils le rompraient. Ils ont eu l’air sérieusement ébranlés. Aucune des familles n’aurait les moyens de faire face.

— Qui d’autre alors ?

— Je vois deux possibilités. Soit ça vient de chez vous, un employé licencié qui voudrait vous causer du tort ou quelque chose comme ça, sinon, une association de parents d’enfants malades qui pourrait avoir eu vent des incidents.

— Je ne gère pas le personnel, mais l’équipe en charge de ces essais était très réduite, et je crois qu’aucun d’entre eux n’a quitté l’entreprise depuis deux ans, au contraire, la plupart ont bénéficié de promotions ou de bonus.

— Il ne nous reste que les associations.

— Non, peut-être pas. Nous avons fait procéder à un audit de sécurité informatique, il y a quelques semaines, et le rapport était plutôt inquiétant. Les experts ont détecté plusieurs failles et vulnérabilités. En tout cas, c’est ce que j’en ai compris, ne m’en demande pas plus. Des hackers auraient pu s’introduire par là.

— Et vous avez réagi ?

— Nous n’avons pas de responsable des systèmes d’information chez SynBioLabs, c’est Valantis qui gère ça pour nous. Nous leur avons remonté le problème, mais je ne suis pas sûr qu’ils aient réellement pris ça au sérieux.

— Je rêve ! Tu veux dire que des pirates ont pu avoir accès aux dossiers des patients enrôlés dans vos essais ? Et vous n’avez rien fait ?

— Nous ne sommes pas des techniciens, notre job c’est la chimie et la biologie, pas l’informatique.

— Si ce que tu dis est avéré, vous risquez d’avoir de sérieux problèmes. Si ce journaliste balance ce qu’il a trouvé, vous avez votre Julian Assange, et là, nous ne pourrons rien faire pour vous.

— SynBioLabs ne s’en remettrait pas et Valantis risquerait de plonger avec nous. On ne peut pas laisser faire ça.

— C’est curieux, Marvin m’a dit la même chose il y a deux jours.

— Ah bon ! et pourquoi ?

— Et bien lui aussi fait face à des menaces extérieures pouvant impacter la notoriété de son entreprise. Je ne peux pas en dire plus.

— Tu crois qu’il peut y avoir un lien ?

— Je ne sais pas. Dans son cas, c’est une femme qui l’a menacé au nom d’une organisation écologiste.

— On ne réglera pas ça ce soir, rien ne sert de se faire du mauvais sang pour le moment. J’ai bien l‘intention de profiter de cette soirée. J’ai réservé une table chez Ostra, sur Park Square à dix neuf heures. Tu aimes toujours les fruits de mer ? Les huitres sont réputées aphrodisiaques.

— Pour autant que je puisse juger, tu n’en as pas besoin.

— Ensuite, on pourrait se trouver une boîte sympa pour aller danser ?

— Mon Dieu, ça fait si longtemps que je ne suis pas sortie dans une boîte de nuit. Je me demande si je sais encore à quoi ça ressemble.

— Et bien, tu verras si tu es encore dans le coup.

— Laisse-moi le temps de me changer. Tu n’as qu’à finir cette bouteille en m’attendant.

Melinda sortit de sa valise les accessoires requis pour modifier son apparence, puis elle appela chez Ostra pour réserver une table au nom de Maria Dominguez. Lorsque Betty Stanton sortit de la salle de bain, elle était déjà dans le hall de l’hôtel. Les images de la chambre étaient déjà largement assez compromettantes, mais elle prit malgré tout soin de photographier les deux amants lorsqu’ils sortirent de l’ascenseur en se tenant par la taille. Elle ne manqua pas non plus le moment où ils échangèrent un baiser en attendant le voiturier. Lorsque le couple fut enfin parti, elle attendit encore quelques minutes avant d’appeler un taxi pour la conduire chez Ostra.

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