Transfert

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Saint-Domingue, République Dominicaine

Jeudi 7 juillet


Le co-pilote avertit Mick Brown du proche atterrissage. L’avion avait quitté North Palm Beach trois heures plus tôt, au lever du jour, et l’unique passager de l’aller en avait profité pour achever sa trop courte nuit. Le Piper Cheyenne se posa sans encombre et roula jusqu’au terminal d’aviation générale, à l’écart des gros porteurs des compagnies internationales. Dès qu’il eut débarqué, les pilotes allèrent parquer l’avion dans l’attente du vol de retour. Brown franchit le contrôle d’immigration sans problème, précisant qu’il repartait le jour même accompagné d’un groupe de musiciens invités à enregistrer aux Etats-Unis. L’américain se dit qu’il ne coûtait rien de flatter un peu la fierté nationale et que si le fonctionnaire était le même à son retour, le passage n’en serait que facilité.

Brown avait prévu un minibus pour la journée, afin de véhiculer sans problème le groupe et son matériel, ainsi que les deux valises prévues pour le transport de la marchandise. Il retrouva son chauffeur dans la zone d’attente du terminal. Ce dernier prit les deux guitares dans leurs flight cases et les déposa à l’arrière du van.

— Où allons-nous, Monsieur ? demanda-t-il en prenant place derrière le volant.

— Vous pouvez m’appeler Mick. Au studio d’enregistrement Rondon Music, c’est dans la zone coloniale.

— Pas de soucis, je connais. Au fait, moi c’est Ramon.

— Très bien Ramon. Je ne sais pas précisément pour combien de temps j’en aurai au studio. Ne vous éloignez pas trop après m’avoir déposé. Je vous appellerai pour que vous veniez nous reprendre.

— C’est bien compris, Mick.

— Il faut combien de temps pour rejoindre le studio ?

— Selon le GPS, une petite heure, il y a un peu de circulation ce matin.

Le chauffeur alluma la radio, une station locale qui diffusait un air entrainant.

— Ils jouent quoi vos musiciens ? Du bachata ?

— Non, merengue je crois. Ce n’est pas moi qui les ai engagés, c’est mon patron. Je ne les ai jamais vus.

— Le merengue, ça bouge bien. J’espère qu’ils ont une bonne danseuse.

— Une danseuse ?

— Oui, le merengue, c’est très rythmé, si vous voulez faire un bon clip, il faut au moins une fille qui se trémousse !

— Je crois que c’est prévu, répondit Brown en repensant au commentaire que lui avait fait Rochambault quelques jours plus tôt. Une vraie bombe m’a-t-on dit.

Le convoyeur sortit son téléphone et jeta un coup d’œil à l’heure locale, en avance d’une heure par rapport à la Floride. Il composa un numéro qui le dirigea sur une boîte vocale.

— C’est Mick Brown. Je serai au studio vers onze heures. Je vous attends sur place.

Ramon gara le van juste devant l’entrée du studio et attendit que Brown soit descendu avec ses deux valises avant de repartir. L’américain se présenta auprès de la première personne rencontrée et demanda si Gato Negro était arrivé.

— Si Senor, il est dans le studio 1 avec les musiciens.

— Muchas gracias.

Mick posa ses flight cases à l’extérieur et entra dans la cabine d’enregistrement. Il jeta un coup d’œil à travers la vitre et comprit tout de suite pourquoi Will avait flashé sur ce groupe. La musique avait un rythme envoutant, mais surtout, la fille qui remuait les fesses tout en chantant était à deux doigts d’éveiller un désir sexuel chez lui, ce qui ne s’était quasiment jamais reproduit depuis qu’il avait découvert qu’il prenait beaucoup plus de plaisir avec les hommes jeunes et vigoureux.

— Bienvenue Senor, vous devez être l’ami de Monsieur Rochambault. Je suis le manager du groupe. Tout le monde m’appelle Gato Negro.

— Mick Brown, c’est moi qui suis chargé de convoyer vos protégés et leur matériel.

— J’espère que vous prendrez soin de Lucia, elle est encore mineure et j’ai eu du mal à obtenir l’autorisation de son père.

— Elle ne risque rien avec moi, répondit l’américain, si vous voyez ce que je veux dire.

— Les musiciens, eux, ont l’âge de faire ce qu’ils veulent de leur corps !

— J’attends un ami de Will, qui doit me remettre un colis à son attention. Dès qu’il sera là, nous pourrons prendre la route pour l’aéroport.

— Entendu, je vais leur dire de ranger leur matériel.

— On peut boire une bière ou un soda quelque part ? demanda Mick.

— Vous avez un petit salon au bout du couloir, répondit l’ingé-son. Il y a un frigo et une machine à café.

À onze heures dix, deux hommes se présentèrent au studio, l’un d’eux portant deux petites valises. Mick les fit entrer dans le salon dont il ferma la porte. Le porteur ouvrit les deux bagages, permettant à l’américain de vérifier le contenu.

— Avec les compliments de Juan Pablo. C’est notre meilleure qualité. Nous avons honoré notre part du contrat. C’est à vous de faire le complément.

Mick sortit une tablette et lança une application de trading. Son interlocuteur fit de même tandis que le porteur de valises restait adossé à la porte close.

— C’est parfait, le transfert a bien été validé. La marchandise est à vous.

— Pouvez-vous m’aider à la ranger dans mes bagages ? demanda Mick, ainsi vous pourrez repartir avec vos valises.

Les deux hommes répartirent les sachets de poudre dans les double-fonds des flight cases puis le lieutenant de Juan Pablo prit congé.

— Je vous souhaite un bon retour aux Etats-Unis, Senor, et je vous rappelle les consignes. Il ne faut en aucun cas que l’on puisse établir un lien entre cette marchandise et notre organisation. Juan Pablo en serait très contrarié et dans ces cas là, il peut être très dangereux.

Mick rappela le chauffeur. Quelques minutes plus tard, ils avaient réussi à caser tous les instruments et les bagages à l’arrière du véhicule. Lucia demanda s’il était prévu de déjeuner avant de partir ou s’il y avait des plateaux dans l’avion. L’américain expliqua que le vol se faisait sur un petit avion privé et qu’il n’y aurait pas d’hôtesse pour faire le service à bord. Il trouva tout de même la demande pertinente et suggéra à Ramon de trouver un endroit permettant au groupe de se restaurer avant de prendre l’air.

— Après le circuit automobile, un peu avant l’aéroport, il y a une zone où nous pourrons nous arrêter. Vous préférez des hamburgers ou la cuisine dominicaine ?

— Des hamburgers, déclara Lucia. Comme ça je me croirai déjà arrivée aux Etats-Unis.

— Comme vous voudrez, concéda Mick avec une grimace.

Les quatre musiciens installés à l’arrière se plongèrent dans la musique diffusée dans les casques qu’ils avaient chaussés par-dessus leurs casquettes à visière et ne dirent pas un mot durant tout le trajet. Lucia, par contre, bombarda son guide de questions sur leur destination, demandant si elle pourrait aller à Disney World et faire du shopping dans un mall de Miami. Brown fut heureux lorsqu’il vit l’indication de l’aéroport apparaitre sur le bord de l’autoroute espérant que, le temps du vol, la jeune fille le laisserait somnoler. Ramon stoppa le van devant le hall d’embarquement et alla chercher un manutentionnaire muni d’un chariot pour transférer le matériel vers le Cheyenne. Les formalités d’embarquement furent réduites à l’apposition d’un tampon sur les passeports et le petit groupe se retrouva sur le tarmac. Lucia tournait la tête dans tous les sens, émerveillée, tapant des mains comme une enfant après le passage de Santa Claus. Lorsqu’ils arrivèrent au pied de l’escalier du petit bimoteur, elle fut néanmoins un peu surprise.

— C’est notre avion ? Je croyais qu’ils étaient beaucoup plus gros pour aller en Amérique.

— Celui-ci est rien que pour nous, précisa Brown, et il vole très bien. Je suis arrivé avec ce matin et il emporte assez de carburant pour aller jusqu’en Floride.

— Asseyez-vous au premier rang, à droite, suggéra le commandant de bord, comme ça vous pourrez voir comment on pilote un avion.

— Je peux ? demanda Lucia à Brown.

— Bien sur, le commandant est le maître à bord.

Les musiciens donnèrent un coup de main pour entasser les instruments à l’arrière de l’appareil avant de prendre place à bord. Il était un peu plus de seize heures lorsque le pilote lança les moteurs et amena le petit appareil sur la piste d’envol. L’avion n’utilisa qu’une petite fraction de la piste conçue pour accueillir les plus gros avions commerciaux. Lorsqu’il eut terminé sa montée et pris son altitude de croisière, le commandant annonça une vitesse de 400 km/h pour une altitude de 8.000 mètres, l’heure d’arrivée prévue étant 19 heures, heure de Floride. Lucia se glissa entre les sièges des deux pilotes et commença à poser toutes une série de questions sur l’utilité de la multitude d’écrans et cadrans du tableau de bord. Mick Brown sortit un masque qu’il appliqua sur ses yeux et se cala dans son fauteuil. Cinq minutes plus tard, il était endormi.

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