Lapin - Dragon - Tigre - Serpent

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17 septembre 2019 – 19h17

" [...] Et toujours pas de nouvelles concernant l’identité du meurtrier dans l’affaire Millie Garrence. Pour rappel, cette joggeuse de trente-deux ans a été retrouvée assassinée dans un parc il y a deux mois, en pleine nuit…"

« Ah, ils ne peuvent pas s’empêcher de réciter des conneries à la radio » pense Mickaël, amusé. Arrivé dans son appartement, il jette dans le vide-poche ses clefs et ses écouteurs. « Un jour, ils relateront la vérité. La course poursuite de ma petite lapine dans ce désert, pieds nus, pendant une heure ». Les souvenirs du meurtre de Millie Garrence lui reviennent. Quel plaisir ! Cette femme narcissique n’a pas eu de veine d’être née en 1987. Son caractère et son année de naissance concordaient parfaitement au signe du Lapin. La cible idéale pour Mickaël. Elle est vite sortie du lot parmi tous les autres candidats.

C’était lors d’une douce nuit de juillet qu’il drogua Millie à la fin de l'un de ses entaînements pour le marathon. Il l’avait observée pendant plusieurs semaines. Elle était réglée comme du papier à musique . Un soir sur trois, elle courrait dans le parc de Misolat. Même itinéraire. Même horaire. Même souffle. Jetée dans le coffre de son véhicule, ils partirent en direction de la zone désertique de Signt Road. Il avait préparé une belle mise en scène. Dépossédée de ses chaussures, elle devait s’enfuir face à son agresseur dans ce paysage aride et froid. Elle chercha désespérément de l’aide, mais aucun être vivant en vue à des kilomètres. Mickaël, lui, la suivait en voiture, étouffant de petits rires sadiques. Alors qu’elle s’épuisait, ses plantes de pieds ensanglantées, et sa volonté filant dans la nuit, elle s’évanouit au bout de quarante-sept minutes. C’est à ce moment que notre tueur lui brisa le cou. Il ramena sa dépouille dans un parc pour que le monde puisse constater son œuvre. Le meurtre sous le signe du Lapin. Son huitième.

Puant la transpiration et le brûlé, Mickaël se dirige vers sa douche. Pour cette dernière oeuvre, il s'est dépassé. L’eau coulant sur son visage, il perçoit encore les flammes consumer la résidence de ce scientifique. Un véritable feu d’artifice. L'homme de quarante-trois ans vivait en solitaire ; son perfectionnisme le rendait infréquentable. Un inflexible en communauté. Personne ne pleurera sa mort. Mickaël sourit en revoyant la scène. Cet être pathétique, ligoté à son fauteuil, suppliant d’être épargné. Il répétait sans cesse que son génie ne devait pas être supprimé de cette Terre. Quelle prétention ! Le souffle du Dragon aura eu raison de lui, le réduisant en cendres. C’était le onzième. Plus qu’une seule composition mortuaire pour Mickaël, avant d'entrer dans la légende.

L’incendie apparaitra sûrement ce soir à la « une » du 20 heures. Mickaël quitte la salle de bain en direction de la cuisine. Il désire un bon plat pour accompagner l’allocution du présentateur de JT. Il attend toujours ce moment avec impatience. En effet, chacun de ses meurtres demeure une œuvre d’art. Une jouissance le traverse à chaque exécution. Une extase à chaque fois qu’il en entend parler après coup. Cette passion pour l’astrologie, et plus particulièrement pour celle provenant d’Asie, l'accompagne depuis sa jeunesse. Il savait depuis toujours qu’il créerait de grandes choses grâce à elle.

Sifflotant un petit air de musique improvisé, il passe devant son plan de travail. Il y trouve sa paire de gants griffés. Son outil conçu spécialement pour sa cinquième planche. Le meurtre de Jimmy Gooper, flic dans un quartier chaud de Fez Street. Un protecteur des plus faibles. « Si tu étais né deux mois plus tard, je t’aurais épargné, pas de chance ». Une belle représentation. Une arène. Un combat. Deux hommes face à face. Le policier à mains nues. Le tueur avec sa paire de griffes acérées. Bien sûr, Mickaël avait ajouté un handicap au valeureux guerrier. Il n’était pas stupide. Au meilleur de sa forme, Jimmy n’aurait fait qu’une bouchée de lui. Il se réveilla donc sur le ring drogué et déjà poignardé face à un monstre avide de sang. Un combat à la loyale ? Aucun intérêt. C’est de l’art, pas du sport. Vingt minutes suffirent à Mickaël avant de décider d’arrêter de jouer. Tel un prédateur, il se jeta sur l'homme et le lacéra violemment, à l'aide de ses griffes créées avec passion. Le meurtre sous le signe du Tigre.

Pour tous ces assassinats, le mode opératoire restait plus ou moins similaire. Tout d’abord, dénicher une cible correspondant à deux critères : année de naissance et caractère associé à l’animal. Par la suite, il analyse le temps nécessaire pour connaître parfaitement son quotidien, ses habitudes et surtout la faille pour attaquer. Une fois le plan élaboré, il trouve le moment opportun pour endormir sa victime à l’aide d’une injection préparée par ses soins. Il ne lui reste plus qu’à amener sa proie sur scène pour accomplir son acte macabre. Pour terminer, il dépose le cadavre afin qu’il soit toujours découvert dans les plus brefs délais et, si possible, par plusieurs témoins pour relayer son œuvre. Une exposition médiatique à retardement.

Une exception existe pourtant dans son historique. Le meurtre de décembre 2018. Le troisième. Celui du Serpent. Cette soirée enneigée, où Mickaël décida de tuer José Poity directement sur place. Ce jeune homme, ancien escort boy, profitait de ses charmes pour amadouer jusqu’au bout sa clientèle. Un expert en séduction et manipulation. Cependant, il suffit d'une erreur et d'une femme moins naïve pour le priver de ses avantages. Errant dans la rue depuis deux ans, il ne restait plus du bel Apollon qu’un Héphaïstos frigorifié. Abusant de son sommeil profond sous un pont, Mickaël le piqua à l’aide d’un poison mortel. Avec une rapidité et une dextérité à en faire frémir les plus grands assassins. José ne se réveilla pas au moment de ce baiser fatal, pas plus que le clébard allongé près de lui. Une discrétion dont le tueur était fier.

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