Henri et Georges

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Ce fut l’été le plus chaud qui ne se soit jamais vu dans la région. Dans la chaleur de ce mois d’août, Henri et Georges passaient le plus clair de leur temps libre au bord de la piscine, bien qu’ils n’étaient pas plus occupés le reste de l’année. Ils ne manquaient certainement pas d’argent, ayant hérités de leurs parents une fortune considérable ; ils n'avaient également jamais manqué de rien dans leur enfance. Cette année-là, le jeu qu’inventa Henri se révéla être un véritable cauchemar pour les personnes concernées. Georges était assis sur sa chaise longue au bord de la piscine, sirotant sa boisson préférée quand Henri l’avait rejoint.

— Eh ! Viens donc t’asseoir vieux, lui lança-t-il. Joseph n’a pas dû s’apercevoir que tu étais rentré. Joseph ?

Lorsque celui-ci s’avança vers eux, Georges adressa en sa direction un regard plein de reproches.

— Tu veux bien apporter à boire à mon frère ?

— Ah oui, j’en ai bien besoin.

— Bien messieurs.

— Je me demande parfois où Joseph à la tête, avait dit Georges suivant du regard le domestique qui se dirigeait vers la cuisine ; puis se tournant vers son frère installé sur l’autre chaise longue :

— Alors ? Tout va comme tu veux ?

— C’est encore mieux que j’espérais.

— Je dois avouer qu’une fois de plus, tu ne t’es pas trompé.

— Je ne me trompe jamais petit frère.

Joseph refit son apparition sur la terrasse qui longeait la piscine, un plateau à la main contenant de quoi dessoiffer ces messieurs. Nul besoin de lui préciser ce qu’ils voulaient boire, il connaissait les habitudes des deux frères étant à leur service depuis bien longtemps, bien avant qu’ils ne soient les grands patrons de cette société. Il déposa le contenu de son plateau sur la petite table entre les deux chaises longues. Nul besoin non plus que Monsieur Georges lui réclame son deuxième verre, il y était habitué. Les jeunes messieurs, comme les appelaient son père, ne devaient jamais se retrouver un verre vide devant eux, une leçon qu’on lui avait souvent répétée.

— Avez-vous encore besoin de mes services ?

— Non, lui répondit Georges, tu peux retourner à ton travail.

Joseph tourna les talons et regagna la porte de la véranda. Georges poussa un soupir.

— Quelle chaleur aujourd’hui, c’est incroyable.

Henri prit son verre.

— Ouais, ça me donne vraiment envie de rien faire.

— Je m’ennuie quand même un peu, confessa Georges.

— Qu’est-ce que tu veux faire, un jeu de cartes peut-être ?

Henri suggéra ceci en plaisantant sachant parfaitement que son frère n’était pas un passionné de jeu de cartes, bien au contraire. Georges haussa les épaules.

— Mais non ! J’aimerai… Je ne sais pas… Quelque chose d’un peu plus…

— … Un peu plus… passionnant ?

— Oui c’est ça, passionnant ! Toi au moins tu t’es occupé ces derniers temps.

— Crois-moi, rien de bien passionnant. Ce qui m’intéresse c’est que ça me rapporte.

— Toujours aussi sentimental, ironisa Georges. Je voudrai faire quelque chose aussi, sans me fatiguer évidemment.

— Évidemment.

— Tu n'aurais pas une idée par hasard ?

— Tu manques cruellement d’imagination petit frère, ça a toujours été ton problème.

— Et toi tu en as pour deux. Alors une idée ?

Henri, le frère aîné, était également celui des deux qui avait toujours eu une imagination débordante. Enfant, il avait tous les jours un nouveau jeu à proposer.

Une idée lui traversa soudain l’esprit.

— Un pari peut-être… marmonna-t-il entre ses dents, allongé sur sa chaise longue.

Georges l’ayant entendu fut quelque peu surpris.

— Quoi, un pari tu as dit ? Et sur quoi tu voudrais parier dis-moi, les chevaux peut-être ?

Il reposa son verre l’air visiblement déçu.

— Franchement je m’attendais à autre chose.

Une lueur étrange passa dans les yeux d’Henri.

— Non, une toute autre sorte de pari…

Georges se redressa de son siège examinant attentivement son frère aîné.

— Oh toi, tu as le regard de quelqu’un qui a une idée derrière la tête. Parle mon vieux, je t’écoute.

Il savait parfaitement que lorsque Henri avait une de ses idées lumineuses, elle se révélerait sûrement intéressante. Très souvent n’étaient-elles pas très orthodoxes mais Georges s’en moquait, suivant toujours son frère même dans les histoires les plus abracadabrantes.

Henri répondit comme si il s’adressait à lui-même.

— Hum… Je ne sais pas si ça va vraiment t’intéresser. C’est peut-être pas une bonne idée après tout.

— On peut savoir ce que tu marmonnes ?

— Je pensai… Non rien.

Georges se réinstalla sur sa chaise longue finissant son verre. Après quelques instants de silence, Henri s’enquérait auprès de son jeune frère :

— Dis-moi, tu as entendu parler du meurtre de cette pauvre femme ?

Georges réfléchit un instant.

— Celle qu’ils ont retrouvée brûlée ? Moche histoire.

— Tu te serais douté de qui était son assassin ?

— Non pas du tout. J’ai même été surpris.

Henri se redressa, s’asseyant sur le bord de sa chaise longue. A ce moment Joseph, comme à son habitude, s’avança vers eux. Henri attendit que celui-ci s’éloignât pour continuer.

— D’après moi, n’importe qui peut être un assassin poussé à bout.

— Je n’en suis pas si sûr.

Henri enfonça le dos dans sa chaise longue s’installant confortablement. Il prit le verre que lui avait apporté Joseph.

— C’est exactement de ça que je voulais te parler.

Georges le dévisagea de plus en plus perplexe, prenant son verre à son tour.

— Décidément, je ne vois vraiment pas où tu veux en venir.

— Tu vas comprendre, laisse-moi t’expliquer.

Henri marqua une pause sous l’œil interrogateur de Georges. Il joignit le bout des doigts, signe chez lui qu’une grande idée germe dans sa tête.

— Tout d’abord, prenons un homme, tout à fait commun. Cet homme est marié, il aime sa femme…

— Tout à fait normal, l’interrompit Georges. Je ne comprends toujours pas…

— Laisse-moi finir ! Donc cet homme aime sa femme pardessus tout, un peu jaloux même, mais supposons qu’un jour…

Georges s’était redressé de son siège écoutant attentivement son aîné, fasciné par tant d’imagination.

Ce que tous deux ignoraient encore à ce moment-là était que quelqu’un d’autre écoutait leur conversation, horrifié par ce qu’il venait d’entendre. Comment pouvaient-ils seulement penser faire une chose pareille ? Ils s’ennuyaient, d’accord, mais au point de jouer un jeu aussi cruel que celui-ci… ?

— Alors, tu as compris maintenant où je voulais en venir ?

Georges réfléchit.

— Oui, je crois que ça pourrait être intéressant à la fin. Mais où trouverons-nous quelqu’un…

— Ne t’en fais pas, j’y pense.

Suite à un long moment de silence, Henri s’exclama.

— Mais oui, j’ai trouvé ! Il fera sûrement l’affaire.

— Tu en es sûr ?

Henri acquiesça d’un signe de tête.

— Et pour l’autre ? demanda Georges.

— J’ai trouvé aussi.

Il affirma ceci sûr de lui.

— Tu m’épateras toujours, tu penses à tout.

Henri sourit satisfait.

— … Et tu as raison, ça va être vraiment intéressant…

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