02 : Cauchemar, réflexion, planification (flashback n° 2)

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Finalement... Oui, elle était décidée. Simple, rapide, efficace. Sans souffrance... La souffrance, tiens, un mot qu'elle ne connaissait que trop bien.

Elle souffla. Rapide. Oui, ça le sera. Personne ne s'en rendra compte après tout.

Elle fermait la porte de sa chambre à double tour. Elle fermait les volets, et la fenêtre, avant de tirer les rideaux. Elle éteignait la lumière.

De la sueur perlait sur son front. Un sourire nerveux s'étirait sur ses lèvres. Enfin ! Elle allait en finir avec cette vie. Elle y avait pensé à maintes reprises, et aujourd'hui elle se lançait, se jetait dans le vide. Pourquoi ne pas s'être décidé plus tôt ? Fini cette vie merdique, fini les insultes. Adieu vie cruelle, adieu monde cruel. Pourquoi Dame nature n'avait qu'observé sans agir ? En voilà le résultat. C'était donc ça que tout le monde voulait pour elle ? Et bien tant mieux. Que vos rêves soient réalisés.

"BANG !"

Et elle s'étala au sol.


                    ***



 Sursaut. Frayeur. Riley avala une bouffée d'air intense lorsqu'elle se releva. Son cœur battait la chamade à lui exploser la poitrine. Des perles de sueurs dégoulinaient, son lit était trempé. Un énième cauchemar. Encore. Quelle stupidité ! Même son inconscience la poussait à cet acte. Et tout ça était lié à la fin d'année du lycée. Le lycée... Une période atroce pour Riley. Elle s'était jurée de garder ce "fils de pute" de Kévin pour la fin, comme elle se plaisait à le nommer. Pour la fin oui, lorsqu'elle pourra se venger.

 Ce jour arriverait, elle le savait. Il lui fallait juste encore du temps. Du temps pour finir ce fichu plan qui lui prenait la tête depuis quelques mois maintenant. Des ébauches étaient parsemés ça et là dans toute la pièce, des boulettes de papier débordaient même de la petite corbeille au pied de son bureau. Le bureau qui, lui, était recouvert de notes, de gribouillis, de quelques photos et du fil à coudre. C'était un véritable foutoir, digne d'une enquêtrice bordélique, mais prête à tout pour se venger de ceux qui lui ont fait tant de mal depuis toutes ces années.

 Elle avait presque tout planifié. Elle savait déjà l'ordre de passage de chacune des personnes, en gardant soigneusement le meilleur, ou pourrait-on ainsi dire le pire, pour la fin, Kévin.

 Elle les avait tous surveillé. Elle avait précautionneusement noté chaque information sur chacun de ses harceleurs. Elle savait pratiquement donc, où, quand et comment elle s'y prendrait. Ne manquait plus que la bonne stratégie. Et un peu de fil à coudre.


 Entretemps, Riley avait décidé de changer. Physiquement. Terminé la petite fille fragile avec un destin qui n'existait pas. Fini de se lamenter sur son sort. Riley voulait s'affirmer, et ne plus se laisser marcher sur les pieds. En parfaite rebelle, elle décida donc d'être quelqu'un d'autre. L'avantage avec son prénom, est qu'il était mixte, alors qu'elle ne fut pas sa "joie" quand elle eut la merveilleuse idée de se faire passer pour un gars. Un sorte de caïd qui n'a peur de rien mais que tout le monde craint.

 Enfin, idée merveilleuse, c'est vite dit : Riley a commencé à traîner dans les bars, et à adopter un comportement de mec de son âge. Boire de l'alcool, fumer, gueuler, et insulter. Un vraie descente aux enfers.

 Riley avait refait sa garde robe. Elle s'était soigneusement coupé les cheveux en une coupe courte, laissant une épaisseur de quelques centimètres sur le dessus. Elle avait abandonné sa trousse de maquillage et son nécessaire à épilation. Ensuite, fini la mode féminine, bien apprêtée et soignée. Dorénavant, c'était jean troué délavé tombant sur des grosses baskets, t-shirt bouffant, veste à capuche, voire bonnet et écharpe pour la saison froide. Un véritable garçon manqué.

 Riley a également fait comprendre à son petit entourage qu'elle fréquentait au bar, qu'elle souhaitait que l'on utilise le pronom masculin pour la désigner. Ainsi fait, hormis son sexe, et sa voix légèrement plus aigüe que les autres gars, la plupart des inconnus pouvait facilement la prendre pour un homme. Et Riley était ravie, car depuis, elle se faisait moins embêter.

 Enfin... Ne parlons pas trop vite.



 Toujours assise dans son lit, à regarder en face d'elle, Riley se remémorait le chemin parcouru.

 Dix-neuf ans trois quart... Et voici où tout ça l'a menée. Jamais elle n'aurais pensé que sa vie prendrait ce tournant, un virage beaucoup trop rapide pour elle qui l'a emmenée tout droit vers les profondeurs d'un milieu que personne ne voudrait connaître.

 Elle repensait à elle-même, nostalgique d'un temps qui n'avait que trop peu duré. La petite Riley qui rêvait de grandeur, d'être au devant de la scène, d'être connue du monde entier. Jamais elle n'avait eu d'idée précise sur son avenir, mais elle le savait, elle voulait qu'on la connaisse, et qu'on la respecte. Quitte à ce qu'on l'adule, qu'on se mette à genoux devant elle ou que l'on scande son nom haut et fort. Une foule dense qui hurlerait juste pour elle.

 Mais tous ses plus beaux rêves avaient été brisés. Et même pas par ces harceleurs. Non, eux, ils sont apparus bien plus tard. Ici, nous parlons bel et bien des parents de Riley.

 Et oui ! Quelle cruauté, de voir des parents détruire les rêves de leurs enfants. Tout aussi cruel de dire à un petit bout de chou de deux ans que le Père Noël n'existe pas. Et pourtant, c'est bien ce qu'il s'était produit.

 Riley a toujours eu des rêves. Faire du sport, être une princesse, faire tel ou tel métier. Chaque petite chose qu'elle souhaitait, ses parents le lui refusait. Et quelles en étaient les raisons ? "Ce n'est pas un métier ça", "Tu ne pourras pas gagner ta vie en faisant ce genre de chose !", "Ce sport est trop dangereux pour toi". Voilà ce qu'elle pouvait entendre à longueur de journée. Et quand bien même ils ne pensaient pas à mal, simplement à vouloir la protéger ou le meilleur pour elle, il était trop tard. En effet, allez dire tout ça a un enfant de moins de 10 ans. Jamais il n'ira vous dire que ce n'est pas grave. Non, intérieurement, il pensera que vous avez cassé un rêve. Et bien c'est exactement ce qu'a ressenti Riley.

 En réalité, jamais personne ne s'est intéressée à elle. Pas même ses propres parents. De quoi se tirer une balle.

 Et pourtant... Elle respirait encore. Même si apparemment Mère Nature a voulu l'enterrer plus bas que terre, Riley était encore et toujours debout, à se battre. Même si elle se demandait pourquoi, et qui a voulu que sa vie ressemble à un karma constant. Parce qu'elle ne connaissait personne qui aimerait avoir ne serait-ce que le quart de ce qu'elle a vécu. Beaucoup se seraient donné la mort pour moins que ça. Mais pas Riley. Quelle était donc cette force qui lui permettait à ce jour de tenir ? Elle-même ne le savait pas.

 Et malgré tout, maintenant qu'elle était une adulte libre, Riley avait décidé de repartir à zéro. Passant de petite fille victime d'atrocités à garçon manqué rebelle et limite caïd.


 Et quoi de mieux pour repartir sur de bonnes bases, que de s'éloigner tout d'abord du domicile familial qui tombait en ruines.

 Bon, il est vrai qu'elle aurait aimé intégrer une faculté pour s'assurer des diplômes et un avenir plutôt serein, mais ses parents sont déjà au ras des pâquerettes, et puis elle ne savait plus réellement quoi faire de sa vie. Alors elle avait cherché du travail pour obtenir des revenus. Et elle s'était jurée que lorsqu'elle commencerait à gagner sa vie, elle ne donnerait pas le moindre centime à ses parents. Riley savait que s'ils apprenaient, ils lui sauterait dessus pour réclamer leur part pour "aider" à financer ce qu'ils devaient. Mais il n'était pas question qu'elle les laisse faire. Il s'agissait de son argent, et comme ils n'avaient jamais rien fait pour Riley, et bien elle ne ferait rien pour eux. Plutôt logique, non ? Cet argent était pour elle, et uniquement pour elle.



 Riley était finalement descendue pour se faire un thé au citron, son péché mignon lorsqu'elle faisait des cauchemars. Puis, elle remonta dans sa chambre, pris une veste, et sortit de sous son lit une malle en bois verni, qu'elle ouvrit pour en sortir un coffret où elle avait laissé des bijoux qu'elle ne portait plus ; elle fouilla et extirpa une petite boîte métallique qu'elle fourra dans sa poche. Enfin, elle redescendait les étages et sortait de la maisonnée.

 Elle ressortait la petite boîte qu'elle ouvrit avec difficulté à cause du froid qui engourdissait ses doigts. Une fois fait, elle en sortit une clope. En effet, elle cachait les cigarettes dans sa chambre. Je pense qu'il n'y a pas besoin d'expliquer pourquoi...

 La cigarette lui permettait d'évacuer le stress permanent, la peur, l'angoisse de se faire harceler ou agresser chaque minute qui passait. Elle n'avait connu que ça : les émotions et les sentiments négatifs.

 Jamais elle n'avait connu l'amitié, le bonheur, le bien-être et la protection, le sentiment si chaleureux lorsqu'elle se retrouvait en famille. Et l'amour, ce n'était qu'un simple mot pour elle. A peine un mot. Juste des lettres mélangées. Tout ce qui appelait au positif, ça n'existait pas. Pas forcément chez Riley, mais elle en faisait une généralité. Quand elle croisait un couple s'amourachant l'un l'autre, elle y voyait qu'une façade pour cacher une âme en perdition.

 Quand Riley se voyait dans le miroir, elle pensait être un diablotin. Son visage n'exprimait aucune joie, ses zygomatiques étaient toujours tirés vers le bas. Démon incarné. Aucun ange en elle. Cupidon était mort depuis longtemps, Lucifer règne en maître. Et elle était l'avatar, il n'y avait que ça en elle. De la haine, de la colère, du dégoût. On pourrait même voir des cornes pousser sur le haut de son crâne et des ailes rouges et noires sortir de ses omoplates. Mais pourquoi une fille aussi innocente qu'elle pouvait se voir ainsi ? Son passé était le coupable, ce qui avait forgé son caractère de diablesse.

 Et finalement elle s'était fait une raison, se disant que, le monde n'était rempli que de personnes malfaisantes, cherchant à réduire les plus faibles à l'état de poussière. Après tout, les Hommes, dans leur évolution, ont montré qu'ils étaient capables des pires folies pour parvenir à ce qu'ils souhaitaient : guerre, sang, désolation, haine, colère, et ainsi de suite. Et même si une immense partie prônait la paix et l'amour entre les peuples, la guerre finissait toujours par revenir.

 Alors Riley s'était dit qu'il valait mieux se mêler à ce genre de personnes. Ainsi, elle avait fait une croix sur la gentillesse et le silence. Dorénavant, elle deviendrait insolente, et irait crier sur tous les toits sa haine envers et contre tout et tout le monde. Mais malheureusement, ou peut-être même heureusement, cela n'avait duré qu'un très court instant.

 Riley avait changé de stratégie : rester discrète, tout en préparant ce plan merveilleux qui émergeait de son crâne. Elle était décidée à rayer de la carte toutes les personnes malintentionnées voulant s'en prendre à elle, ou qui s'en était déjà pris à elle. Et cela commencerait par ses harceleurs. Elle les ferait payer un par un, peu importe les conséquences. C'était ancré, et elle n'y démordrait pas. Quelque chose de non-négociable. Lorsque Riley avait une idée fixe, elle n'hésitait pas une seconde : elle fonçait dans le tas.

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