01 : Saleté de lycée (flashback n°1)

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 L'après-midi touchait à sa fin. Nous étions dans les alentours de dix-sept heures, fin des cours pour Riley. Elle venait, une fois de plus, de passer une journée horrible dans ce lycée "pourri". Des mauvaises notes à faire signer par les parents, ayant pour conséquences un sermon de la part de son père. Ce qui engendrerait également une privation de portable et de sortie. Pourtant, elle avait besoin de ça : de sortir, pour faire le vide, partir pour oublier ces journées répétitives apportant son lot de moqueries de la part de ses "connards" de camarades de classe. Immatures, ils s'en prennent à plus faible qu'eux.

 Tiens, aujourd'hui même, à la cantine, le gars le plus réputé du lycée, qui d'ailleurs se trouvait dans la même classe qu'elle, répondant au nom de Kévin, s'est amusé à balancer le plateau de Riley au sol, brisant le verre et l'assiette, avant de piétiner la nourriture avec ses énormes Nike, achetés la veille. Il avait ensuite bafouillé un semblant d'excuse, rigolant à moitié, et redonné le plat à la jeune fille, en l'obligeant à manger, et en la menaçant, au quel cas la semaine allait être atroce : vol de portable, enfermement dans les vestiaires, intimidation, et on en passe.

 Le résultat de cette mésaventure avait fini dans les toilettes impropres du lycée, sentant la merde, car encore bouchées.

 La fin de la journée avait fini sur une note très amère, avec un combat entre un groupe de filles se moquant de la tenue de Riley, et elle-même, tentant de se défendre du mieux qu'elle pouvait. Personne ne lui était venue en aide, si ce n'est un surveillant qui les as séparé après un bon quart d'heure, parlant d'une voix trop douce pour être suffisamment respecté. Riley était passé au bureau de la CPE, qui n'en avait que faire des problèmes de l'adolescente, exaspérée de la voir se plaindre une vingtaine de fois par semaine, et ce depuis la Seconde.

 En somme, une belle journée de "merde".

  • Tout va bien Riley ?

 Sa professeure de Sport arrivait vers elle. Sûrement la seule qui s'inquiétait un tant soit peu pour la petite. Cela lui faisait plaisir, puisque même ses propres parents ne s'occupaient pas d'elle. Ils ne remarquaient pas son mal-être. Les seules conversations entretenus avec ses parents se limitaient à des "bonne journée !", "comment s'est passé ta journée aujourd'hui ?", ou encore "quelle note as-tu eu à ton contrôle ?". Ses parents se concentraient uniquement sur leur boulot respectif, ainsi que la gestion des nombreuses dettes et autres impayés. Des choses que Riley ne comprenait pas réellement, puisque la priorité selon son point de vue était de s'occuper de son ou ses enfants avant les histoires dites "d'adultes". Ce que souhaitait Riley, au plus profond d'elle-même, était que quelqu'un la remarque enfin, qu'une seule personne ressente qu'elle avait un problème, qu'elle était mal dans sa peau, que l'on se rende compte à quel point sa vie était remplie de merde, à ras bord. Et jusqu'à présent, seule sa professeure de Sport semblait se soucier d'elle. Même si cette dernière n'était pas la mieux placée pour gérer ses soucis, et même si cela n'améliorait pas franchement ses problèmes.

  • Mouais, ça peut aller, répondit Riley très froidement.
  • Encore Kévin qui t'embête ?
  • Pfff... Soufflait Riley. Madame Lecoq, vous savez, la CPE, elle...

 Riley ne pu aligner un mot de plus. La professeure, répondant au nom de Madame Lecoq, venait de poser délicatement un index devant la bouche de la jeune fille. Puis, elle s'agenouilla à sa hauteur, une main sur son épaule.

  • Riley. Je suis au courant. Tu es de nouveau allée voir à la CPE, je t'ai aperçue dans la cour. Et cela sert à rien que tu me dises une nouvelle fois qu'elle ne fait rien pour que les choses changent. Je le sais. Je suis allée en personne parler de ton cas, et à peine ai-je eu le temps de prononcer ton nom qu'elle m'a coupé la parole. Elle m'a suppliée de ne plus lui parler de toi, car d'après elle, et ce sont ses propres mots, elle considère que tu en fais trop, que tu es dans l'abus, et même parfois que tu mens. Ce que bien évidemment je ne partage pas. Je crois à tout ce que tu me dis. Si tu te plains autant de Kevin, ce ne peut pas être de la pure invention. C'est que forcément, il te mène la vie dure. Et cela se voit à des kilomètres.

 Elle fit une pause, observant son élève dans les yeux.

  • En as-tu parlé à tes parents ?

 Riley roula des yeux. Elle se doutait que cette question viendrait.

  • Pfff... Ils s'en foutent, tout ce qui les intéresse, c'est leur boulot et les bonnes notes que je ramène. Enfin les bonnes notes... Y en a peu...

 La professeure exprima une légère moue, accentué de surprise. Comment des parents peuvent ignorer le mal-être de leur fille ? C'est insensé !

  • Vraiment ?? Excuse-moi de te le dire Riley, mais c'est d'une irresponsabilité... Ecoute, je vais parler de ton cas à la direction. Il y aura sûrement quelqu'un pour se saisir du problème et envoyer Kevin en conseil de discipline. En attendant, est-ce que tu voudrais que je convoque tes parents dans mon bureau pour leur en parler de vive voix ?

 En effet, Madame Lecoq pouvait se permettre de convoquer les parents de Riley : non seulement d'être sa professeure de sport, elle était également sa professeure principale. Et Madame Lecoq avait Kévin dans sa ligne de mire, et elle était décidée à aider Riley jusqu'au bout.

  • Je ne pense pas que ça changera quelque chose à ma vie m'dame, mais si ça peut vous faire plaisir, allez-y, répondit Riley d'un ton détaché.
  • Bon... Très bien. Je ferais le nécessaire. Oh, et si tu remarques qu'il va trop loin, n'hésite surtout pas à porter plainte, ou même à appeler le numéro d'urgence, le 119. Il y aura toujours quelqu'un pour t'écouter.
  • Mmh...
  • As-tu d'autres choses à me dire ? Je suis là pour ça.
  • Non m'dame.
  • Sûre ?
  • Oui.. Dit Riley, au bord de la crise de nerfs.
  • Très bien. Allez, le soleil commence à se coucher, ne tarde pas à rentrer chez toi. Ce n'est pas bon pour une jeune fille de ton âge de rentrer seule la nuit.
  • Mmh. Merci.

 Riley se dégagea de la prise de sa professeure, avant de s'éloigner d'un pas rapide, courant presque pour passer juste avant que le portail du lycée ne se ferme.

 "Quelle journée" ! Se dit-elle pour elle-même. Elle se demandait encore pourquoi sa professeure s'entêtait à régler cette affaire, qui, pour elle, ne se finira jamais. Elle était persuadée que la situation se détériorait. Depuis sa plus tendre enfance, le même scénario se produisait : dès qu'un adulte se mêlait de l'affaire pour l'aider, Riley subissait deux fois plus de brimades. Et elle en avait eu, elle avait subi énormément de choses : vol de portable, moqueries lors de ses premières règles, cartable vidé du haut d'un escalier, affaires scolaires déchirées ou volées, voire cassées. Et encore d'autres, comme être enfermée dans les toilettes, avec tentative d'attouchement, ou alors vol de sac de sport, avec ses affaires de rechange... Où elle a dû rester quelques heures enfermée en sous-vêtement le temps qu'on lui ramène de quoi se vêtir. Et l'on pouvait en citer des vertes et des pas mûres pendant des heures encore...

 Et en y réfléchissant, elle se disait que le pire, était un mélange de tout ça. La globalité des évènements : des personnes abjectes qui sont capables de faire subir ça sans aucun motif légitime, sans se rendre compte du mal qu'ils faisaient. Des injures et des moqueries gratuites, incessantes.

 Tout cela avait nourri en elle une haine, une rage profonde, qui ne demandait qu'à sortir, qu'à être dévoilée à la lumière pour faire comprendre à ces ignobles personnes la souffrance qu'elle avait enduré. Depuis l'enfance, on lui avait fait comprendre qu'elle n'était une moins que rien, une faible, qu'elle ne méritait pas sa place dans ce monde. Alors que cette petite fille si innocente ne demandait que ça, de vivre. Vivre pleinement, vivre joyeusement. Et au lieu de ça, on lui faisait vivre un enfer, sans qu'elle n'en sache la raison. Et à force, elle avait fini par y croire. A force de lui répéter chaque matin, chaque jour, elle s'était dit que... Et bien oui, peut-être, peut-être qu'elle ne méritait pas de vivre. Une mise au monde inutile, après tout il y en avait d'autres comme elle, non ?

 Alors elle se demandait à quoi servait la vie, à quoi cela servait qu'elle continue à se lever chaque latin avec l'angoisse au ventre et l'envie pressante de déglutir. Et dire... Qu'il suffisait d'une balle... Un revolver... Ou une corde, voire un pont. Quelque chose qui la pousserait à dépasser le danger, quelque chose qui lui ôterait la vie, mais sans souffrance...

 Mais elle était encore là. Elle marchait et elle respirait. Alors que de nombreuses fois ces idées malsaines lui avaient traversé l'esprit, au lieu de les suivre, elle marchait. Elle continuait à subir. Pourquoi ?

 Peut-être... Une soif de vengeance nourrie depuis plusieurs années ? Oh... Oh oui, ce devait sûrement être la raison pour laquelle elle marchait encore. Elle se le jurait encore maintenant, remontant une ruelle. Elle se jurait qu'un jour, elle se vengerait. Elle se vengerait de toutes ces personnes qui lui ont fait subir toutes ces choses immondes que personne ne devrait connaître ou subir. Tous ceux qui ont nourri sa haine, sa hargne, sa colère profonde.

 Et seulement après tout cela, deux choix pouvaient s'offrir à elle : continuer à marcher la tête haute... Ou s'en aller et quitter ce monde qu'elle haïssait tant, pour un coin paisible ou personne ne l'atteindrait : Il Paradiso.

 Elle n'avait pas exactement la solution exacte, l'idée ou l'ébauche même d'une idée qui la pousserait à se venger. Mais elle tiendrait parole. Elle le ferait.

 Riley était prête à en découdre pour rayer de la carte ceux qui lui ont souillé son existence.

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