13. Oublié (1)
"Une peur qui nous fait renoncer notre liberté d'action, profonde ombre impalpable à ses côtés."
L'odeur du sang qui s'imprègne, et qui pénètre la terre boueuse, qui s'empare de chaque crevasse, de chaque recoin . Une trace durable, un vestige tragique d'une prise de conscience d'une réalité trop lourde à porter.
A présent ce n'était plus qu'un simple chemin sinueux de couleur vermeil. Non, il s'était bel et bien accaparé l'espace et avait laissé place à la peur. Il avait pris pour otage son monde, mêlant terreur et deuil.Et avait dépouillé l'horizon de sa douceur, laissant place à cette peur profonde et viscérale.
Une peur qui nous fait renoncer notre liberté d'action, profonde ombre impalpable à ses côtés. Elle l'avait étreint et étouffée.
Siya, baignée de larmes, frissonna sur cette terre sauvage. Étendue de tout son long sur un fouilli de boue et de feuilles, elle ne savait pas combien de temps elle avait été inconsciente. Toutefois son réveil n'avait pas été des plus agréables car aussitôt que l'obscurité fit place à des reflets d'ombrées d'embranchements , les flots vécus lui rappelèrent qu'elle ne verrait probablement plus jamais son frère. Le présent comme une lame acérée, déchirait les fragments de son monde autrefois si plein d'espoir.
Un vide immense. Un chagrin sans rivages. Accouplé à cette peur, lui était insoutenable, comme une mer déchaînée submergeant son âme. Son frère, autrefois son roc, était maintenant un souvenir lointain, emporté par une réalité trop cruelle à supporter.
Elle l'avait perdu...
Les échos des souvenirs résonnaient dans son esprit tourmenté, chaque rire, chaque étreinte perdue dans le tumulte du temps. Les larmes qui coulaient le long de ses joues salées semblaient inondées par un océan de regrets et de douleur.
Le monde qui l'entourait avait perdu son éclat, terni par la morsure de cette meme peur. Siya ne reconnaissait plus son insouciance. Maintenant, chaque embranchement était une énigme sans réponse, une incertitude dévorante.
La jeune femme avait longtemps cru en sa liberté d'action, en la force de ses décisions, mais la peur, insidieuse, avait volé cette confiance. Elle se sentait prise au piège dans cette ombre impalpable qui l'accompagnait, déformant chaque pas qu'elle faisait et qu'elle ferait.
"Charles."
Dans le silence de la forêt, la jeune femme n'avait plus de force pour se relever. Tout lui paraissait irréel.
Elle s'était promis d'être brave, mais où était cette bravoure lorsque son roc était à présent une créature aussi immonde qu'effrayante ?
Ou était cette bravoure lorsqu'elle redoutait cette terrible constatation que de telles créatures pouvaient exister ?
Ou était cette belle bravoure alors que ces créatures de la nuit s'étaient emparés de ce qu'elle avait de plus précieux à ses yeux ?
Ou était-elle alors qu'elle l'avait lâchement laissé partir en sombrant dans l'agonie d'une sombre torpeur ?
Le vent glacial faisait davantage d'effet et s'immisçait dans ses membres frigorifiés.
La jeune femme du faire un effort surhumain pour se relever. Puis, elle hurla sa détresse dans l'obscurité , comme s'ils pouvaient l'entendre, comme si ses paroles faisaient écho à la tourmente de son âme :
- Prenez moi à sa place ! Par pitié prenez moi à sa place ! Ce serait un meilleur sacrifice ! Je vous suivrai jusqu'au bout du monde s'il le faut !
Le cri déchirant de Siya se perdit dans le silence de la forêt, absorbé par l'obscurité environnante. Les échos de sa douleur se dissipèrent sans réponse, laissant place à un silence glacial.
A bout de forces, elle rebroussa chemin, ses pas extrêmement lent la guidèrent vers la petite clairière aux milles lucioles ou le cauchemar avait débuté.
Le sang de Blanche était toujours là. Elle s'agenouilla alors près de l'endroit où sa jument avait été lacérée par son propre frère. Les larmes coulaient à flots sur ses joues alors qu'elle essayait de rassembler suffisamment de courage pour enterrer son compagnon fidèle dont la robe blanche était couverte d'un rouge séché. Se sentant dépassée par la situation, Siya se releva en titubant, incapable de trouver la force d'accomplir cette tâche funeste. Elle se retourna, les yeux embués de larmes, et fit demi-tour, reprenant le chemin qui la ramenait vers la taverne.
Seulement au loin, quelqu'un ou quelque chose avait bel et bien entendu sa supplication,
Sa supplication en vue de son propre sacrifice...
Et les lucioles dans l'obscurité ?
Elles luisaient en murmurant que l'ombre peut céder, que la nuit peut s'effacer...
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Ces prochains chapitres sont dur à écrire car j'essaye d'aborder avec profondeur ce sentiment de désespoir que Siya, la protagoniste vit durant les péripéties qui la touche à présent !
J'espère que c'est compréhensible et émouvant comme son message que j'ai voulu transmettre.
A+ pour un prochain chapitre !
P.s: le prochain chapitre et la continuité de celui-ci, je l'ai divisé en 2 pour que ça soit plus simple dans l'écriture et dans la forme du message :))
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