- PARA BELLUM -
Les deux amis se perdaient dans le trafic engorgé et bruyant de la ville. Le souffle de l’explosion avait dispersé une épaisse fumée noire dans ce ciel bleu et pur. La secousse avait levé de grands mouvements de paniques. Les habitants, croyant à un tremblement de terre avaient commencé à fuir leurs habitations et prirent la route pour rejoindre Tucson, au sud. Billy ouvrait la marche, Stanley le suivait du regard, un peu déconcentré par toute cette agitation et le bruit assourdissant des klaxons.
La police avait commencé à déployer des barrages sur tous les grands axes. Les forces de l’ordre indiquaient simplement que la situation était sous contrôle et qu’aucun tremblement de terre n’avait eu lieu. Certaines personnes, complètement terrifiées n’avaient que faire de tous ces barrages. Certains forçaient la voie avec leurs pick-up surchargés, densifiant d’avantage la circulation et les gaz d’échappements nauséabonds qui s’agglutinaient au carrefour des grosses artères.
Le quartier des Kulzerwski était sens dessus dessous, les poubelles étaient renversées dans la rue, la circulation était là encore totalement surchargée. Les gens avaient abandonné leurs voitures et s’enfuyaient désormais à pied, bagages à la main.
Ils arrivèrent devant la maison de Stan, ils jetèrent leurs vélos dans l’allée et ils entrèrent dans un fracas monumental. Stanley accourait dans chaque pièce de la maison, cherchant à tout prix son père. Billy tomba nez-à-nez avec Kathleen, la mère de Stan. Un peu essoufflé et transpirant, il demanda :
Billy – Madame Kulzerwski...Madame Kulzerwski…
Kathleen – Billy ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
Billy – Où est votre mari… ?
Kathleen – Stanley est avec toi ?
Stanley – Maman ! Où est papa ? s’exclama Stanley qui venait tout juste de descendre les escaliers.
Kathleen – Et bien, il est parti.
Stanley – Où ça ?
Kathleen – Écoute Stanley, ton père à des choses à faire, je pense que tu peux attendre ce soir pour lui dire.
Stanley – On n’a pas jusqu’à ce soir !
Kathleen – Il est sorti il y a quinze minutes environ.
Billy – Il ne vous a pas dit où il allait ?
Kathleen – Non, il ne m’a rien dit.
Billy – Qu’est-ce qu’on va faire Stan ?
Stanley – Tant pis, il faut y aller !
Kathleen – Qu’est-ce qu’il se passe les garçons ?
Stanley – Rien maman, ne t’en fais pas ! rassura-t-il brièvement tandis que lui et Billy s’éloignaient déjà vers la porte d’entrée. Ils remontèrent sur leurs vélos. Stanley était sur le point de partir quand Billy lui accrocha le bras. Il se regardèrent dans les yeux. Ce regard semblait signifier quelque chose entre eux. Billy était complètement perdu, il réfléchissait çà et là.
Où pouvait être le professeur Kulzerwski ? Plusieurs pistes étaient possibles mais une lui parut évidente :
Billy – Stan…
Stanley – A quoi tu penses ?
Billy – Il est là-bas c’est certain.
Stanley – Où ça ?
Billy – Ton père est retourné au laboratoire.
Stanley – Pourquoi serait-il allé là-bas ?
Billy – Stan…Ton père travaille pour eux…
Stanley – Quoi…
Billy – Ça fait maintenant 15 ans qu’il y travaille en secret.
Stanley – Je suis vraiment sous le choc…
Billy – Je sais que c’est difficile à entendre mais tu dois me croire.
Stanley – Tu en es bien sûr ?
Billy – Aussi sûr que deux et deux font quatre
Stanley – Selon toi, il est là-bas ?
Billy – C’est certain, c’est là-bas que nous le trouverons.
Stanley – Une urgence tu penses ?
Billy – Le toit du laboratoire qui explose, c’est suffisant ?
Stanley – Qu’est-ce qui se passe Billy…
Billy – La guerre, elle se prépare.
Stanley – Et que devons-nous faire ?
Billy – « Si vis pacem, para bellum »
Stanley – Et en français ?
Billy – Si tu veux la paix, alors, prépare la guerre.
Stanley – Tu veux qu’on se batte ?
Billy – C’est et ça a toujours été mon destin.
Stanley – Ton destin ? Tu connais ces créatures depuis seulement trois jours alors ne me parle pas de destinée.
Billy – Tu as deux possibilités, te battre, sacrifier ce que tu as dans le cœur et sauver ton foutu pays et peut-être même la planète toute entière.
Stanley – Ou bien ?
Billy – Restez ici, la tête entre les jambes et prier pour qu’ils ne te trouvent pas ou tu risques de passer un sale quart d’heure.
Stanley – C’était quoi la première option déjà ? Billy sourit tout en prenant son ami dans ses bras.
Le vent fouettait le bitume et laissa présager un avenir obscur. La fumée noire continuait de s’échapper du trou dans le plafond du laboratoire. Recouvrant la ville et intoxicant l’air. Des militaires vinrent alors de plus en plus remplacés les forces de l’ordre sur les barrages routier. Renforçant la sécurité et instaurant une discipline inébranlable.
On voyait à nouveau nos deux amis slalomer à travers cette cohue. Se frayant un chemin tantôt sur les trottoirs bondés, tantôt sur la route, elle aussi comble de véhicules. Ils filaient à toute vitesse dans une atmosphère pesante de fin du monde. Au carrefour de McMillan Avenue, une voiture complétement déboussolée arrivait de l’autre côté du boulevard. Stanley qui ne l’avait pas vu continuait à déambuler au travers de la rue pour rejoindre le trottoir d’en face.
Billy, légèrement en retrait, vivait la scène comme le spectateur impuissant d’un film. Il hurlait à son ami : « STANNNNN ! » Ce dernier ne semblait pas l’entendre dans ce désordre symphonique. Les cris de détresse se perdaient dans l’air, étouffés par le grondement lourd des centaines de moteurs, le jacassement incessants des klaxons et les hurlements assourdissants de cette foule sans âme.
La voiture n’eut pas le temps de freiner, Stanley fut propulsé sur plusieurs mètres après un choc effrayant. Il était étendu sur le sol comme un animal mort. Du sang recouvrait légèrement certaines parcelles du bitume. Stan semblait complétement inanimé, Billy craignait déjà le pire, il s’approcha. Le capot de la voiture était tordu et crachait une épaisse fumée blanche. Il revivait son accident de l’extérieur, un frisson sournois parcouru son dos. Les prunelles humides, il continuait d’avancer vers le corps sans vie de son ami.
Il agrippa ses épaules d’une main tremblante et lui susurra à l’oreille : « C’est fini, je suis là, tu n’as plus rien à craindre… » Ces mots que ce pompier lui avait susurrer onze ans plus tôt. Ces mots qui resonnaient pourtant toujours dans sa tête dans un écho infini. Stanley respirait à peine. Un souffle court et sifflant s’échappait de sa gorge comme un soupir.
Personne n’accourait pour leur porter secours. Stanley agonisait seul au milieu d’une foule grouillante. Billy continuait de le maintenir conscient tandis que le sang de son ami continuait de s’écouler quelques peu par de fines entailles et des éraflures plus profondes. Les yeux de Stanley étaient révulsés et clignaient vivement.
Billy tentait tant bien que mal de contenir la flamme dans les yeux de son ami alors que son âme faisait tout pour s’échapper. Il se remit en route en le portant.
Laissant derrière lui son vélo, fidèle monture, symbole de sa liberté passée…
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