- DESTIN(S) -
Billy continuait de déambuler difficilement, transportant le corps de son ami vers un lieu sûr. Au même moment, à quelques kilomètres de là, à l’intérieur du gymnase, la chaleur grimpait tout comme l’angoisse. Tchad et Oliver s’était assis en tailleur dans un coin, cherchant à tout prix un peu de fraîcheur. Le temps et la distance avaient bien trop estompé leur lien. Tchad cherchait un sujet de discussion, de quoi alimenter la conversation et ne pas devoir faire face à d’étranges et inhabituels moments de flottement.
Les pompiers avaient enfin fini par débarquer au laboratoire. Le feu avait déjà bien entamé la structure du bâtiment. Les flammes grignotaient les murs, les meubles, mais épargnaient étrangement le sous-sol. Une équipe des guerriers du feu commença à déployer une grande lance pour venir à bout du brasier infernal. Otis s’était refugié à l’étage inferieur afin de permettre la stabilité du portail et empêcher une fracture du noyau de distorsion inter-dimensionnel.
Afin de faciliter le passage de l’armée de Vinci, Otis avait volontairement fait exploser une dizaines de bonbonne de propane, créant ainsi une gigantesque brèche dans le toit du laboratoire. Une équipe de scientifique s’affairait à garder le portail à une température convenable pour éviter la fission du noyau. Une réaction inattendue se produisit quand le cœur du noyau entra en fusion. Le portail était désormais dans un état d’instabilité majeur. Otis devait continuer de le maintenir en équilibre afin d’éviter qu’une déflagration lourde comme la bombe d’Hiroshima fassent voler en éclats toute la ville de Phoenix.
On entendait désormais les légions de Vinci arriver derrière le miroir. Lloyd traversa le portail en premier, accompagné d’une petite escouade. Le militaire s’approcha du professeur et lui dit d’une voix basse :
Lloyd – Vous savez ce qu’il vous reste à faire professeur…
Otis – Monsieur, le noyau est très instable.
Lloyd – Professeur, c’est un ordre !
Otis – Je ne peux pas vous garantir sa stabilité pendant toute la durée de la manipulation.
Lloyd – Agrandissez ce foutu portail !
Otis – Le noyau risque de s’effondrer sur lui-même…, Lloyd dégaina son arme et la plaqua contre le dos du professeur. Ce dernier pouvait sentir la froideur du métal glisser sur ses lombaires et l’orifice du canon à travers sa blouse.
Le scientifique s’exécuta et manipula l’ordinateur afin de permettre au portail de s’agrandir, provoquant d’autant plus d’instabilité.
Billy, qui avait fini par être à bout de forces, déposa son ami près d’un arrêt de bus au carrefour de la 39e rue. Les pompiers qui luttaient toujours courageusement contre les flammes virent ces dernières s’éteindre comme des bougies d’anniversaire. Le bruit de la charpente qui craquait, le barouf du métal qui se dilatait, fut remplacé par un silence de mort.
Tous se regardèrent en refermant leurs lances, subjugués par la singularité de l’événement. Certains commençaient même à se réjouir quand d’autre comprenaient que ce calme annonçait une tempête d’une violence incomparable. Un vrombissement sourd comme le tonnerre déchira ce silence agréable mais suspect.
Le ciel sombra dans l’obscurité et un vent violent souffla à travers toutes les grandes artères de la ville. Le sol vibrait et se fissurait sur la totalité de Glendale Avenue. Les voitures garées le long de la grande rue s’écroulèrent dans les profondeurs de la Terre. Dans le quartier de Downtown, les façades des bâtiments s’habillaient de centaines de petites fissures. Les fondations craquaient et menaçaient déjà de céder.
Billy debout au milieu de St-Patrick Boulevard regardait sa précieuse citée tomber en miettes. Le ciel vira à l’orage dans un tumulte incessant.
Des nuages sombres comme l’âme de Vinci se mêlèrent à des éclairs violacés et frappaient le sol avec la vélocité et l’impact d’une pluie d’obus.
Sans une seule hésitation, Billy releva Stanley et le déposa sur son épaule. Piloté par la peur, le cœur piqué d’adrénaline, il courait à grandes enjambées à Glendale Avenue. Alors que les éclairs continuaient de tomber du ciel et que le sol tremblait toujours, il courrait. Derrière lui, l’entièreté de la rue croulait dans d’immenses failles jusqu’à des profondeurs effrayantes.
Dans le gymnase, c’était l’anarchie la plus totale. Tchad, fidèle à lui-même, se voyait déjà mourir frappé par une voiture que le vent aurait soufflée.
La toiture s’était affaissée et menaçait maintenant de tomber sur leurs misérables âmes. Par chance, elle créait également un puissant bouclier face aux terribles éclairs qui tombaient sur la ville depuis une demi-heure maintenant. La tôle absorbait les chocs, mais faiblissait vite, ils leur faillaient d’ores et déjà un nouvel abri.
Otis travaillait toujours activement afin de pouvoir agrandir le champ de distorsion du portail. L’étrange mucus noir continuait de s’écouler des murs et recouvrait maintenant une bonne partie de la pièce. Il lui fallait agir vite, car les propriétés thermiques de la substance étaient terriblement néfastes. Un froid glacial empli soudainement la pièce.
Le professeur Kulzerwski grelottait de tout son être. Ses doigts gelés tapotaient lentement sur chaque touche du clavier.
Billy arrivait presque jusqu’au gymnase quand un camion, emporté par le souffle du vent fonçait droit sur lui. Billy se jeta en avant et protège Stan avec son propre corps. Le camion fut dévié par une force invisible et percuta finalement la devanture d’une boutique de chaussures. Stan, toujours à moitié assommé ne comprenait pas le miracle qui venait de leur sauver la vie.
Dans le gymnase, Tchad et Oliver devaient désormais déplacer les quatre créatures en évitant d’attirer l’attention. Misant sur l’atmosphère dantesque qui régnait à l’extérieur pour se faufiler dans les rues sans croiser quiconque. Ils quittèrent alors l’enceinte par la porte annexe. Les immenses créatures se courbaient, tentant de passer inaperçues.
Otis parvenait enfin au bout de son méticuleux travail. Lloyd, qui commençait à s’impatienter, hurla alors :
Lloyd – Ça vient ou non ?
Otis – J’y travaille monsieur !
Lloyd – Accélérez le mouvement si vous ne voulez pas vous retrouver avec un pruneau dans le bocal !
Otis – Monsieur, sauf votre respect nous ne pouvons pas agrandir la zone de distorsion en quelques secondes.
Lloyd – Tapez donc sur ce foutu ordinateur, qu’on en finisse !
Otis – Je dois d’abord prévoir les calculs dans l’éventualité d’une fission du noyau et seulement là je pourrai appuyer sur ce bouton que vous voyez là.
Lloyd – Combien de temps encore ?
Otis – En prenant en compte plusieurs éventualités ainsi que leurs dérivations, je dirais une vingtaine de minutes.
Billy arriva au gymnase. Il ne restait plus rien, la structure s’était totalement effondrée. Ils croyaient ses amis morts et avec eux, leurs chances de victoire. Il continua alors d’avancer, laissant derrière lui cette douloureuse image.
Tchad et Oliver continuaient de transporter le précieuse cargaison jusqu’à un endroit plus sûr. Tchad qui commençait à s’inquiéter demanda alors :
Tchad – Le problème c’est que nous ne savons toujours pas où aller.
Oliver – Et que l’on transporte 4 spécimens extra-terrestres avec nous…
Tchad – On est au croisement de Yorkshire et Benton donc la salle des congrès est à quelques centaines de mètres par-là, assura-t-il en pointant du doigt le nord.
Oliver – Tu ne crains pas que ça soit plein de politiciens ou de flics ?
Tchad – Tu as une meilleure idée ?
Oliver – Le centre nautique est à trois bornes dans cette direction, indiqua-t-il tout en pointant le doigt au sud.
Tchad – Quelle direction alors ?
Oliver – La piscine est une bonne option !
Tchad – Mais la salle des congrès est juste là !
Oliver – Je maintiens mon idée.
Edison – Vous connaissez mieux la ville que nous mais je ne peux qu’insister sur la vitesse à laquelle vous allez devoir trouver un compromis.
Tchad – Rien compris…
Oliver – Il te dit de gentiment te magner !
Tchad – Suivez-moi ! Habité d’un charisme qui lui était inconnu, Tchad prit la tête du groupe et dirigea la petite bande vers la salle des congrès.
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