- LE GARDIEN -

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Billy se rassit dans le pick-up sans un bruit, seulement son souffle saccadé qui témoignait d’un profond sentiment de déchirement. Otis resta quelques minutes à côté du petit monticule de terre. Il regarda longuement le sol et semblait discuter seul. Il balbutiait d’étranges paroles décousues et flottantes que Billy ne parvenait pas à déchiffrer. L’adolescent avait le teint blafard ce qui contrastait étonnement avec le contour de ses yeux, irrité par ses pleurs.

Otis rebroussa durement chemin, laissant derrière une part de lui-même. Il s’écrasa dans le siège conducteur de tout son poids. Le professeur scruta longuement Billy avant de parvenir à lui demander :

Otis – Qu’est-ce qu’il s’est passé… ?

Billy - … Billy planait, les yeux légèrement écarquillés, les paroles du professeur lui parvenait comme de petits bourdonnements insignifiants.

Otis – Billy…

Billy – Oui monsieur ? extirpa-t-il difficilement de sa gorge.

Otis – Qu’est-ce qui s’est passé ?

Billy – Stan a été percuté par une voiture…

Otis – Comment s’est arrivé ?

Billy – Le toit du laboratoire venait d’exploser. J’ai tout de suite compris que quelque chose de terrible allait arriver. J’ai décidé de venir vous prévenir alors je suis allez chez vous et Stan m’a accompagné. Votre femme m’a informé que vous veniez de partir. On a donc rebroussé chemin jusqu’au gymnase et au carrefour de McMillan, un chauffard désorienté a percuté Stan alors qu’il traversait la rue.

Otis – Il ne s’est pas arrêté ?

Billy – Personne ne prêtait attention à nous, nous étions seul, livrés à nous-mêmes.

Otis – Et après qu’as-tu fait ?

Billy – Etant donné que personne ne semblait vouloir porter secours à votre fils, je l’ai porté et j’ai traversé la moitié de la ville avec Stan sur mes bras. Et c’est là que le sol a commencé à vibrer et à s’ouvrir.

Otis – Billy…

Billy – Les vitres explosaient, les façades des bâtiments se fissuraient.

Otis – Billy…

Billy – Oui monsieur ?

Otis – C’est moi qui ai fait sauter le toit du laboratoire…

Billy – Quoi ?

Otis – Lloyd m’a ordonné d’agrandir le champ de distorsion du portail, ce qui a causé la déstabilisation du noyau. Pour pouvoir faire passer leur armée, il leur fallait beaucoup plus de place. J’ai donc dû faire exploser la réserve de propane.

Billy – Ils sont là ?

Otis – Inéluctablement…

Billy – Que devons-nous faire maintenant ?

Otis – Je l’ignore…

Billy – Je m’en remettais à vous, mais j’ai bien peur que personne ne sait vraiment à quoi nous allons devoir faire face…

Otis – J’ai vu cette armée de mes propres yeux et je dois t’avouer que nos chances de victoire sont infinitésimales…

Billy – N’y a-t-il aucun moyen de prendre l’avantage ?

Otis – Avoir une plus grande force de frappe.

Billy – L’armée s’est allié à eux…

Otis – Alors nous sommes perdus…, expira le professeur en baissa gravement la tête. Billy eut un léger moment de réflexion avant de demander curieusement :

Billy – Que cherchent-ils réellement sur Terre ?

Otis – Une ressource.

Billy – Quel genre de ressource ?

Otis – Une ressource que seul la Terre peut procurer.

Billy – Mais encore ?

Otis – Nous.

Billy – Nous ?

Otis – Toi, moi, l’humanité.

Billy – Pourquoi ont-ils besoin de tout ce monde ?

Otis – Pour trouver le gardien du portail…

Billy – Le gardien ?

Otis – Le portail est un objet mystique doté d’étranges pouvoirs éléctromagnetiques. Une ancienne légende fait mention d’un être pur et invincible aux pouvoirs presque divins. Ils le surnomment : le gardien.

Billy – Quel est le but du gardien ?

Otis – Guider cette espèce sur la voie de l’immortalité et de la toute-puissance psychique.

Billy – Pourquoi ce gardien serait-il ici ?

Otis – Je l’ignore…

Billy – Ils se certainement trompés de planète.

Otis – Non, aucun doute, le gardien est sur Terre.

Billy – Et ensuite ?

Otis – Nous devons impérativement détruire le portail. Le noyau est trop instable et il risque d’ensevelir la planète tout entière. Faire exploser le portail reviendrait à concentrer la majeure partie du souffle dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres. Des secousses pourront être ressenties jusqu’à San Diego mais personne ne saura ce qu’il se sera passé.

Billy – Qu’est-ce que nous attendons ?

Otis – Tu as raison, en route…, le professeur démarra la voiture et parti en trombe vers le laboratoire.

L’orage faisait rage dans un périmètre de quelques centaines de mètres autour de la structure. Des éclairs, une pluie diluvienne et des rafales de vent d’une extrême violence empêche quiconque de pénétrer dans le secteur. Otis freina de toutes ses forces pour éviter à la voiture de pénétrer dans ce no man’s land.

On discernait à peine le contour difforme du laboratoire à travers cette brume épaisse et lugubre. Billy descendit de la voiture et s’approcha de la barrière invisible qui le séparait d’une terrible tempête. Tout doucement, Billy aperçut une silhouette avancer à travers ce nuage fumant. Puis une autre, l’armée de Vinci traverserait bientôt ce maigre bouclier. L’adolescent se retourna et ordonna au professeur :

Billy – Professeur ! Faites demi-tour, ils sont là !

Otis – Viens par-là mon garçon !

Billy – Non ! Je dois les affronter !

Otis – Tu es complètement fou, viens par ici !

Billy – Mettez-vous à l’abri monsieur ! l’adolescent fit un pas de plus en avant, laissant le professeur bouche bée.

Il prit une profonde respiration et expira bruyamment. Il posa un pied dans ce territoire maudit. Le ciel se déchirait en permanence, le vent en rafales le poussait vers l’avant. L’épais nuage l’entourait et bloquait les quelques rayons de soleil qui s’y aventuraient. Il ne pouvait fuir, il ne pouvait faire machine arrière, il était prisonnier de ce cauchemar éveillé.

Il arpenta tête baissée ce sordide paysage. Une main devant son visage le protégeait de la poussière dense qui se promenait dans l’air et qui s’accrochait d’ores et déjà à ses vêtements. Il toussotait et fermait presque entièrement les yeux, irrités par la poudre volatile.

Il percevait de plus en plus le pas grave et synchronisé de cette sombre armée. Bientôt il lui ferait face, seul contre tous.

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