- LE DÉBUT DE LA FIN -

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Tchad et Olie arrivaient à bout de force, ils étaient couverts de boue et frigorifiés. Pataugeant depuis plusieurs heures dans la boue et la crasse comme des porcs. Edison et le reste du groupe ne faisaient pas non plus fier allure, ils étaient tout autant extenués et éreintés.

Le petit groupe parvenait à la butte Peyton, seul endroit de la ville qui avait l’air d’être resté au sec. Ils grimpaient la pente presque à quatre pattes, se servant de leur bras pour se hisser en haut. Ils s’accrochaient aux racines, aux branches, aux rochers pour pouvoir atteindre le sommet qui semblait toujours plus loin.

Tchad, extenué, fondit presque en larme, la fatigue rongeait les corps mais aussi les têtes qui semblaient devenues très difficiles à porter. Des images pénétrantes avait marqué leurs mémoires, le traumatisme des bombes qui tombent du ciel par dizaines, le tonnerre qui éclate et le ciel qui se déchire sur des scènes de corps mutiles et de cadavre qui flotte à la surface d’une eau devenue impure.

Les cris de détresse, le bruit des os qui éclate vibraient en lui comme une note trop grave qui vous retourne les entrailles et vous donne la nausée.

Il n’y avait personne sur la butte, la population avait désertait la ville, le monde semblait s’être arrêté. Ceux qui n’avaient pas pu fuir avaient péris sous le déferlement inarrêtable des flots ou le feu virulent des ogives que le ciel pleuvait.

Le serpent géant s’était faufilé partout dans la ville et tournoyait autour des bâtiments. L’eau trouble et noire qui l’avait formée s’évaporait et s’échappait vers le désert, laissant paraitre les atrocités de la guerre.

Ils s’écroulèrent sur l’herbe verte et délicate de la colline, une douceur qui contrarié le gigantesque paysage lunaire qui avait pris place au pied de la butte. Des cratères et de ruines fumantes avaient remplacé la paisible ville de Phoenix.

On ne l’entendait plus la douce mélodie du marchand de glace qui parcourt la ville en quête d’enfant à combler. On ne l’entendait plus dans le micro, la voix du speaker qui annonçait un rabais sur les fruits et les légumes. On ne l’entendais plus grouiller, on ne voyait plus le fourmillement ininterrompu des milliers de gens qui s’en vont au travail à bord de leurs voitures de bon matin.

On ne la voit plus la douceur de vivre, les bornes incendies qui giclaient à chaque coin de rue pour rafraîchir les jeunes âmes asséchées par la chaleur pesante. Le ballets des centaines de camions qui alimentaient les boutiques et les quincailleries.

On ne les voyaient plus le joggeurs, les cyclistes, les épiciers en tablier, les hommes d’affaires en costume, mallette en cuir a la main et montre de luxe au poignet.

On ne les voyait plus les petites vielles avec leurs chiens pouponnées, les femmes aux foyers qui reviennent des courses avec leurs sac en papier. On ne voyait plus les couples sur les bancs dans le parc ni même les jeunes qui sortaient du centre commercial avec le nouveaux vêtements de marques.

La vie était perdue ici-bas, Phoenix n’était plus qu’un gigantesque amas de gravats au milieu du désert. Bientôt le sable ensevelirait toutes ces ruines et la ville disparaitrait peu à peu des cartes, les gens ignorant la vérité.

Tchad observait inquiet sa ville mourir à ses pieds, il rentra sa tête dans ses genoux et se laissa chavirer sur le flot délicat de ses larmes qui arrosaient encore d’avantage cette nature verdoyante.

L’espoir était perdu, anéanti, détruit, plus rien ne semblait pouvoir le réjouir. Il avait vu son meilleur ami en vie mais le verrait-il à nouveau, Lloyd l’avait-il tué ? Les bombes l’avaient-elles emportée… ?

Oliver s’arrachait des mèches par dizaines, des petits poignées de cheveux bouclés venaient parsemer la belle nature. La peur l’avait gagné et elle se jouait de lui, profitant de ses failles, elle teintait son cœur d’une couleur ébène.

Billy marchait toujours, le couinement de ses baskets détrempée jouait avec ses nerfs déjà bien abimés. Il se dirigeant étrangement vers le ranch familial, cet endroit qui grouille de souvenirs doucereux, cet endroit gardé par un homme qu’il ne reconnait plus. Il arpentait l’autoroute à pied, remontant cette longue ligne d’horizon jusqu’à cette vieille bicoque solitaire.

Arrivé devant la porte, il se ravisa, une étrange hésitation pris le contrôle de sa volonté. Il resta planté la quelques minutes, cherchant des excuses, inventant des prétextes. Peu importe, sans réfléchir, il ouvrit la porte.

Dans le vestibule, il tomba nez à nez avec son grand-père. Un échange de regard inédit commença, jamais son grand-père ne l’avait regardé de cette manière. Il lisait dans ses yeux la douleur, les regrets. Billy se tenait là, ses vêtements ruisselants encore quelques peu sur le tapis de l’entrée.

Horace était pâle, il ne savait quoi dire, perdu dans ses pensées entre le pardon et les regrets. Il balbutia :

Horace – Tu n’as rien… ?

Billy – Tu t’inquiètes pour moi maintenant ? dit-il en rabattant une mèche humide.

Horace – Je croyais t’avoir perdu…

Billy – Tu aurais voulu…

Horace – Billy, je t’en prie…

Billy – Tu ne penses pas que je vais te pardonner aussi facilement… ?

Horace – Je suis vraiment désolé de tout ce qu’il s’est passé…Viens là, dit-il en lui tendant les bras. Billy s’avança et enlaça son grand-père.

Ce dernier le serra très fort en hurlant :

Horace – C’est bon messieurs vous pouvez venir !

Billy – Quoi ?

Horace – Je suis désolé…

Lloyd et plusieurs de ses hommes sortirent de la cuisine. Le militaire attrapa le jeune adolescent et le plaqua contre le mur. Il se débattait en hurlant :

Billy – Papi ! Pourquoi… ?

Horace – Il le faut…

Billy – Qu’est-ce qu’il t’a promis ?

Horace – vingt mille dollars…

Billy – Tu m’as vendu pour vingt mille dollars ?

Lloyd – Cher payé n’est-ce pas ?

Billy – Vous, lâchez-moi ! grogna-t-il en se débattant encore d’avantage.

Lloyd – Reste tranquille petite merde ! hurla-t-il en appuyant son genou sur son ventre.

Lloyd – Faites le monter dans la voiture ! ordonna-t-il à ses hommes.

Horace – Ne lui faites pas de mal…

Lloyd – Ne vous inquiétez pas monsieur Davis, il ne souffrira pas.

Horace – Donnez-moi l’argent maintenant

Lloyd – Pas d’inquiétude, je suis un homme de parole, les voici. Rassura-t-il en sortant de sa poche une épaisse liasse de billet tenue par un élastique.

Lloyd – Bonne journée monsieur, toujours un plaisir de faire affaire avec vous.

Les deux soldats poussèrent Billy jusqu’à la jeep. L’un d’eux ouvrit la portière et le balança à l’intérieur comme une poupée de chiffon, il se cogna violement la tête et s’évanoui. Quelques minutes plus tard, il reprit doucement conscience, une douleur atroce comprimait sa boite crânienne. Les petites imperfections de la route faisait sautiller la voiture et le secouait dans tous les sens.

Complètement désorienté, il observait tout autour de lui, le soleil de plomb traversait la vitre grillagée de la jeep. Il était allongé sur la banquette arrière, Lloyd qui était assis sur le siège passager se retourna. Le militaire lui adressa un clin d’œil tandis qu’il fumait un cigare. La fumée grisâtre s’échappait par la fenêtre et s’évaporait dans l’air sec du désert.

Le caporal Mills conduisait, les yeux fixant l’horizon, il semblait totalement imperturbable. Lloyd alluma la radio, la bande FM passait la chanson Carrie du groupe Europe, Billy se releva instantanément fixant l’autoradio. Le militaire comprit là que l’adolescent portait un intérêt particulier à cette chanson, il décida alors de couper la radio en s’exclamant :

Lloyd – Il ne connaissent vraiment plus rien à la musique ces jeunes…Pas vrai Ben ? dit-il en s’adressant à Mills.

Mills – Bien vrai monsieur !

Lloyd – Pas vrai gamin ? rigola-t-il en regardant Billy.

Ils arrivèrent à nouveau sur les ruines du laboratoire, un accès direct menait au parties inférieures. Il pénétra une fois de plus dans cette salle maudite ou résidait désormais un gigantesque portail, si grand qu’il avait perforé la dalle de béton qui se situait au-dessus.

Billy traversa la pièce la tête basse. Il leva légèrement le regard et croisa celui du maire, ce dernier ne savais quoi pensé, comment un adolescent avait-il réussi tout cela ?

Billy s’assit sur une chaise, les mains attachées dans le dos. Lloyd enleva son béret laissant apparaitre des cheveux châtains courts aux tempes légèrement grisonnantes. En face de Billy se dressait une toile blanche tendue. Un militaire poussa un chariot sur lequel était posé un projecteur. Le militaire s’accroupit devant l’adolescent en lui disant :

Lloyd – Il est temps que tu saches…

Billy – Quoi ?

Lloyd – Tu es diffèrent…

Billy – Qu’est-ce que j’ai de plus que les autres ?

Lloyd – Nous ne connaissions pas ton nom, mais quand je t’ai vu descendre les escaliers de ce fort, j’ai tout de suite su…

Billy – Su quoi ?

Lloyd – Que c’était toi…Tu as les yeux de ta mère…

Billy – Qu’est-ce que vous en savez…

Lloyd – J’en sais plus que tu ne le crois…

Billy – Parlez !

Lloyd – Je sais qui sont tes parents…Je sais qui tu es…Ce n’était pas un accident…Ils ont été assassinés

Billy - …, les yeux du jeune homme s’écarquillèrent tout en se voilant d’une fine pellicule humide.

Lloyd – Ce que tu vas voir, c’est la vérité sur ta vie. Nous te cherchons depuis des années…

Billy – Qu’est-ce que j’ai de plus… ?

Lloyd – Billy…Tu es un gardien…

Billy – Non…Je ne suis pas un gardien.

Lloyd – Tu n’es pas un gardien, tu es LE gardien. Ce qui te confères l’immortalité…

Vinci – C’est bien plus que ça…

Billy – Vous…

Vinci – Que tu le veuilles ou non, tu es le gardien.

Billy – Vous etes le mal…

Lloyd – Non, nous, nous sommes les gentils

Billy – Vous mentez ! Edison m’a parlé de vous…Vous les avez trahis…

Vinci – Il t’a dit ça…, dit-il en poussant un rire inquiétant.

Billy – Je peux savoir ce qu’il y a de si marrant ?

Vinci – Disons que tu t’es fait avoir mon garçon…

Billy – Quoi ?

Vinci – C’est moi Edison…

Billy – Vous mentez encore…

Vinci – Il s’est servi de toi.

Billy – Non ! Edison voulait mon bien.

Vinci – Il veut se servir de toi pour conquérir cette piteuse planète…

Billy – Pourquoi ferait-il ça

Vinci – La Terre est neuve, une planète encore riche de ressources et qui ressemble trait pour trait à la nôtre.

Lloyd – Maintenant, regarde.

Le militaire fit défiler une série de diapositive, la voiture de ces parents, Lloyd et Horace qui posent ensemble, l’adolescent constatait impuissant le plan machiavélique dans lequel il a été embraqué depuis toujours.

Une profonde colère bouillonnait en lui, la rage remontait le long de son dos comme le magma brulant d’un volcan. La pièce se mit à trembler, les murs se fissuraient, le verre éclatait.

Les pupilles de Billy se dilataient tandis que l’épaisse corde qui lui liait les mains s’effilocher comme une simple ficelle. Il se libera de ses chaines en explosant la chaise. Son corps s’éleva et se mit à léviter à quelques centimètres au-dessus du sol. Il retomba au sol après quelques secondes. Une légère fumée violette s’échappait de ses yeux blanc.

La pièce s’arrêta tout à coup de trembler. Habité d’une force bestiale, Billy enfonça chacune des portes avec une facilité infantile. Il remonta à la surface, le ciel orageux continuait de poser un voile obscur sur les décombres de la ville.

Il écarta légèrement les jambes et serra les poings. Doucement, les centaines de tonnes de débris s’élevèrent dans les air. Une puissante énergie le traversait tandis qu’il hurlait à gorge déployée :

Billy – EDISOOOOOON !

Tchad et la bande aperçurent la ceinture de débris léviter au-dessus du centre-ville. Le rugissement de Billy traversa la ville, porté par le vent.

Billy relâcha ses poings et les milliers de blocs de béton s’émiettèrent, une poussière blanche et opaque se dispersa dans l’air. Tchad et Olie ne voyait à leur pieds plus qu’un brouillard de chaux blanche.

Peu de temps après, le nuage s’effondra, laissant apparaitre un trou béant, dans lequel se tenait Billy. Plus aucun bâtiment n’était encore debout, plus aucune route n’était praticable.

Dans la salle du portail, Otis devait continuer de maintenir le portail en état jusqu’à ce que Billy ai été perverti par la matière noire. Le professeur suait, la transpiration perlait sur son front et le contour de ses yeux. Le froid glacial de la pièce avait laissé place à une explosion de chaleur inédite. Otis, alarmé par les événements en fit part à Lloyd et Woodbrown :

Otis – General…M. le maire…Nous avons un problème.

Lloyd – Quoi encore ?

Woodbrown – M. Kulzerwski aurait-il de mauvaises nouvelles à apportées ?

Otis – Je crains bien que ce pic de chaleur ne soit dû à la fusion du cœur

Lloyd – Une fusion du cœur ? Soyez clair je vous prie.

Otis – L’instabilité du noyau a entrainé un déséquilibre dans les fluides ce qui entraine une poussée d’énergie effroyable…

Woodbrown – Et bien, c’est génial, nous pourrons même alimenter toute la ville en électricité.

Otis – Il ne reste plus rien de la ville.

Lloyd – Quelles sont vos prévisions professeur ?

Otis – Il ne nous reste plus que deux heures, trois dans le meilleur des cas…

Woodbrown – Vous venez nous dérangez parce que votre « cœur » fonctionne à deux fois sa puissance nominale ?

Otis – Ce n’est pas une bonne chose monsieur…

Woodbrown – Et en quoi c’est mauvais ?

Otis – Demandez donc au soviétiques.

Woodbrown – De quoi parlez-vous ?

Otis – Il y a trois mois, le réacteur d’une central nucléaire soviétique a explosé en Ukraine, les conséquences vont être effroyables…Si nous ne faisons rien l’explosion qui pourrait survenir dans quelques heures serait selon moi, deux à trois fois pire en termes de pertes humaines.

Le professeur se jeta en arrière sur une chaise en cuir et enleva ses lunettes. Il se frotta longuement les yeux en se crispant de peur. Jamais il n’avait eu affaire à ça, il n’était pas prêt. Alors que le début venait à peine de s’achever, tout le monde devait être prêt à un épilogue catastrophique…

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