- LE SACRIFICE -
Plongé dans ses pensées, Otis voyait ses idées et ses souvenirs s’entremêlaient dans un fouillis émotionnel complexe. Perdu entre cette vision fade de lui, creusant la tombe de son propre fils et l’appension amère de ce qui pourrait bientôt arriver. Il réfléchissait à un moyen d’arrêter cette machinerie de l’enfer qui avait lui-même contribuer à mettre en route.
De multiples hypothèses vinrent alors frapper à la porte de son cerveau. Une seule retenue singulièrement son attention, un ultime recourt qui semblait pourtant être le dernier espoir de l’univers. La vie d’un seul homme pour sauver celle de milliard d’autres, il devait le faire. Se convaincant dans un premier temps de trouver une autre solution, son esprit y revenait sans cesse, persuadé d’y trouver la solution finale.
Lloyd partit à la recherche de Billy avec une petite escouade, ne laissant dans la pièce qu’Otis, le maire et trois soldats. Le professeur se releva et raccrocha ses lunettes à son nez. Il remit de l’ordre dans sa blouse tout en expirant bruyamment. En se rapprochant de l’ordinateur, il aperçut le pourcentage d’instabilité du noyau, il décida de le pousser encore plus dans ses retranchements. Le maire se rendit assez vite compte des manigances rusées de monsieur Kulzerwski.
Woodbrown, se rapprocha lentement de lui et lui chuchota :
Woodbrown – Je ne ferais pas ça si j’étais vous…
Otis – Il faut sauver tous ces gens…
Woodbrown – Ecartez-vous de ce clavier !
Otis – Non !
La maire attrapa alors le micro-ordinateur et le jeta contre le mur. L’écran fissuré continuait d’afficher les relevés informatique. Otis se rapprocha pour le ramasser, Woodbrown l’écrasa encore d’avantage avec son pied. L’ordinateur s’éteignit alors provoquant la panique chez Otis :
Otis – Vous venez de tuer des milliards de gens…
Woodbrown – Qu’est-ce que ça peut bien faire, bientôt, je serai immortel !
Otis – Non…Vous ne pourrez pas…
Woodbrown – Pourquoi ça ?
Vinci – Parce qu’il n’y a que le gardien qui peut être immortel.
Woodbrown – Il n’y a pas d’autre moyens ?
Vinci – Si le portail venait à être détruit, le gardien deviendrait vulnérable, mais cela entrainerait une explosion démentielle.
Au moment même où Vinci finit sa phrase, Otis se jeta sur l’un des soldats et se saisit de son pistolet. Il attrapa le militaire par le cou en le tenant en joue.
Les deux reculèrent alors doucement vers la trappe qui menait à la cuve d’isolation du noyau. Il demanda alors au soldat de l’ouvrir en pointant l’arme à la base de sa nuque.
L’écoutille s’ouvrit en se dépressurisant, une légère brume s’en échappa. Le militaire se releva et Otis l’abattu d’une balle dans la tête, il s’effondra face contre terre au pied de Woodbrown. Le professeur dirigea alors son arme sur le maire en s’adressant aux deux autres soldats qui avaient d’ores et déjà dégainé leurs armes :
Otis – Si vous faites un geste brusque, je le tue.
Woodbrown – M. Kulzerwski, veuillez poser cette arme et discutons plutôt
Otis – Non…C’en est fini de discuter.
Woodbrown – Qu’est-ce que vous comptez faire en descendant là-dedans ?
Otis – Faire ce que j’aurais dû faire depuis bien longtemps…
Woodbrown – Vous allez tout faire exploser ?
Otis – C’est bien plus qu’une simple explosion, c’est une purge. Je dois assainir la terre de ces horreurs, de ce mucus, et empêcher quiconque d’y retourner à nouveau.
Le maire arracha le pistolet de la ceinture de l’un des militaires et les abattu, provoquant l’incompréhension d’Otis. Le professeur n’ayant pas encore saisit la situation que déjà Woodbrown fonça sur lui et le plaqua au sol. Ils s’écroulèrent, tombant dans le large conduit qui menait en bas.
Une chute vertigineuse à travers ce long sas humide et froid où régnait une odeur d’azote les dirigeant tout droit vers le cœur de tous ces problèmes : le noyau.
Formé d’une matière étrange, le noyau était refroidi en permanence par de gigantesque lance qui l’asperge d’azote pour éviter un déséquilibre entre les protons et les neutrons qui entrainerait sa fission. L’énergie manquait cruellement et le phénomène de fission avait déjà commencé.
Les deux hommes continuait de se battre dans cette chambre froide, qui pourrait bientôt être leur dernier lieu de repos. L’arme d’Otis avait été perdue dans sa chute, à contrario, Woodbrown empoignait la sienne avec une main ferme.
Les balles partaient dans tous les sens, transperçant les canalisations d’où jaillissait alors une fumée blanche et un souffle polaire qui faisait encore d’avantage chuter la température. Le froid glacial fit s’enrailler l’arme, Otis en profita pour assener au maire un lourd coup de poing au visage, décrochant au passage les petites stalactites qui s’étaient formées dans ses fosses nasales.
Ce dernier s’effondra, totalement inconscient. Le moment était venu, le professeur grelotant se saisit d’un morceau de tuyau qui trainait par terre et avança les jambes tremblantes vers son destin. Il tremblait de tout son être alors que le noyau n’était plus qu’à quelques pas. Alors qu’il était sur le point de fracasser une bonne fois pour toute le cœur du portail, le souffle chaud d’une balle vint creuser la chair froide de sa hanche. Il s’effondra, le froid vint immédiatement dévorer les bords de sa plaie. Le maire qui avait repris conscience était parvenu à faire fonctionner son pistolet.
Dans un ultime geste de courage Otis arracha le noyau à main nue. Cette dernière fut immédiatement pulvérisée, la peau fondit, les tissus se déchirèrent. Le noyau s’éclata au sol provoquant une explosion sans précédent qui souffla toute la zone et emporta la vie des deux hommes. Le portail de verre vola en éclats tandis que la déflagration grignotait ce qu’il restait du laboratoire ne laissant au milieu de cette plaine qu’un gigantesque cratère sec.
Le destin des créature étant lié au portail, elles furent pulvérisées comme des statues de sel, l’armée de Vinci s’évapora presque instantanément avant qu’Edison et les autres ne furent détruit eux aussi. Tchad prit en main les cendres encore tièdes des créatures et hurlait à pleins poumons :
Tchad – Qu’est-ce qu’il s’est passé ?!
Oliver – Je l’ignore…
Tchad – Comment ont-ils pu disparaitre comme ça ?
Billy – C’est parce que le portail a explosé.
Tchad – Le portail ?
Billy – Otis s’est sacrifié pour détruire le portail.
Oliver – Et Lloyd, où est-il ?
Lloyd – Ici ! dit-il en sortant des fourrés.
Lloyd – C’est Billy qui nous a amené jusqu’ici.
Oliver – C’est vrai ce qu’il dit ? demanda-t-il à son ami.
Lloyd – Nous l’avons suivi et il nous a mené jusqu’ici, comment as-tu su que tes amis seraient là ?
Billy – Je ne le savais pas, je le ressentais…
Lloyd – Maintenant approche…
Le souffle de l’explosion fondait sur eux sous la forme d’un gigantesque nuage de poussière et de débris. L’épais brouillard aveuglait tout le monde, Billy titubait, sonné par l’explosion. Il toussotait en cherchant du regard ses amis. Il n’apercevait plus l’herbe sous ses pieds, c’est une terre sableuse et rocailleuse qui recouvrait le sol. Il avançait sans savoir où il allait.
Soudain, il aperçut une route, un peu plus loin il discerna la forme vague d’une maison. Très vite, il se rendit compte que c’était le ranch de son grand-père, qui était pourtant situé à plusieurs kilomètres de la butte. Il entendit derrière lui de légers gémissement de douleur. Oliver était allongé sous une plaque de tôle ondulé. Billy l’aida à s’en dégager en lui demandant :
Billy – Où est Tchad ?
Oliver – Qui ça ?
Billy – Oliver…Où est Tchad ?
Oliver – Gabe ?
Billy – Quoi ?
Oliver – Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Billy – Pourquoi est-ce que tu as dit Gabe ?
Oliver – Parce que c’est comme ça que tu t’appelles.
Billy – Non, je m’appelle William, William Davis, on est ami depuis qu’on a cinq ans.
Oliver – Désolé je ne connais aucun William Davis…
Billy était singulièrement étonné de cette discussion. Oliver l’avait appelé par le prénom de son père. Quelque chose d’anormal s’était produit pendant cette explosion. Il devait désormais retrouver Tchad tout en tentant d’éclaircir cette histoire. Pourquoi Oliver ne se souvenait de rien. L’explosion du portail avait-elle effacé ses souvenirs ? Malheureusement, Otis n’était plus là pour apporter des réponses à toutes ces questions.
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