- ASCENSION -
Épuisé d’avoir hurlé, Billy senti sa voix le quitter, son souffle inquiet et saccadé témoignait de son immense fatigue. Fatigué d’avoir gambadé aux quatre coins de la ville, d’avoir bravé les terres arides d’une planète inconnue et lointaine. D’avoir vu mourir des gens qu’ils aimaient, de s’être découvert des pouvoirs surnaturels et d’avoir tout fait pour en finir avec ce maudit portail. Objet de convoitise doté d’un gigantesque pouvoir, il n’aura engendré que malheur et désolation.
Tout cela ne semblait rimer à rien, cette aventure sans but était pourtant sur le point de se clore. Des questions restait tout de même en suspend dans son esprit. Une farandole de souvenirs et d’images défilaient devant lui comme un film amer. Il ne semblait plus faire partie du scenario, mis hors-champ par Lloyd, plus proche que jamais de toucher au but : s’emparer des pouvoirs du gardien.
Un ultime affrontement semblait se profiler. Lloyd se servait de la colère de Billy pour alimenter ses pouvoirs et pour les faire grandir afin de les lui subtiliser. Le militaire ne sachant pas que les pouvoirs de Billy avaient disparus lorsque le portail avait été détruit. Ce qui devait être un combat symbolique risque de dégénérer dans un bain de sang effroyable.
Le claquement régulier des gouttes d’eau sur le carrelage pâle était pour tout dire le seul son qui régnait dans cette chambre d’hôpital.
Billy examinait la pièce, cherchant désespérément une issue. Il entendait le tonnerre gronder à l’extérieur, les aller-retour sans cesse du garde devant la porte.
A l’autre bout du complexe, Tchad et Oliver était attachés à des chaises dans une salle obscure et froide. Ils reprenaient tout juste conscience, un bourdonnement vrillait leurs boites crâniennes. Tchad se tourna vers son ami en lui demandant :
Tchad – Olie ?
Oliver – Tu vas bien ? demanda-t-il d’une voix basse.
Tchad – J’ai mal au crâne…
Oliver – Pareil…Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Tchad – Je me souviens avoir vu le nuage de poussière arriver sur nous et après, plus rien.
Oliver – Ils nous ont drogué tu crois ?
Tchad- Y’a des chances.
Oliver – Où est Billy ? Tchad se retourna, cherchant des yeux sont meilleur ami.
Tchad – Les enfoirés…
Oliver – Cette fois, c’est la fin…
Tchad – Non.
Oliver – Tchad, on est prisonnier, sans aucune idée de l’endroit où nous sommes.
Lloyd – Vous etes dans un complexe militaire de secours en dessous de la mairie, affirma le militaire qui venait de débarquer dans la pièce accompagné de deux hommes.
Tchad – Détachez-nous !
Lloyd – Quoi, vous voulez déjà nous fausser compagnie ?
Oliver – Où est Billy ?!
Lloyd – Votre ami est en sécurité, ne vous en faites pas pour lui.
Tchad – Qu’est-ce que vous lui faites ?
Lloyd – Nous allons le tester.
Tchad – Quel genre de test ?
Lloyd – Votre ami est doté de capacité « spéciales ».
Oliver – Des capacités « spéciales » ?
Lloyd – Il est comme qui dirait habité d’un pouvoir extraordinaire.
Tchad – Je vous conseille de nous détachez immédiatement !
Lloyd – Sinon quoi ?
Tchad – Vous risqueriez de le regretter.
Lloyd – Messieurs, détachez-les, ordonna-t-il aux deux soldats. Les deux adolescent furent libérés mais Lloyd les avertit :
Lloyd – S’ils essayent de s’échapper, abattez-les sans réfléchir.
Soldat Bryan – Très bien monsieur.
Lloyd – Maintenant emmenez-les à la salle BT-159.
Soldat Bryan – Aller bougez-vous les mioches !
Tchad – Ne me touchez pas ! hurla-t-il avant de se prendre une grande gifle par Lloyd.
Lloyd – Tais-toi ! Je t’ai assez entendu !
Oliver – Vous allez voir, vous allez voir.
Tchad et Oliver avançait la tête baissée à travers le gigantesque complexe, sous les ordres et les gestes oppressants des deux soldats. Les doigts tremblants, Olie paraissait de plus en plus pâle. Tchad voyait la confiance quitter le corps de son ami, persuadé que leur fin était proche. Ses petites boucles brunes suintait d’une transpiration grasse synonyme d’une intense insécurité. Le contour humide de ses yeux avait viré au bleu tout comme l’intérieur de ses lèvres. Le soldat Bryan s’adressa à son homologue :
Bryan – Emmène le par là-bas.
Romero – C’est pas ce qui était convenu
Bryan – On doit se débarrasser d’un des deux, pour que l’autre soit coopératif.
Romero – Lloyd nous a dit de les emmener en BT-159, on suit les ordres.
Bryan – Fais ce que je te dis !
Romero – Je suis désolé mais c’est non.
Bryan – D’accord, il dégaina son arme de poing et l’abattu avant de voir Oliver se jeter sur lui et le mordre au visage. L’arcade dégoulinante de sang, il recevait de multiple coup de pied dans les côtes de la part de Tchad tandis qu’Oliver continuait de déchirer sa chair avec ses incisives.
Olie été revenu à un état primaire, il avait l’air d’un animal enragé, affamé et rempli de haine. Sa mâchoire puissante attaquait le pauvre militaire qui subissait les morsures acharnés. Il le mordit soudainement au cou et y arracher un épais morceau de viande.
Le précieux liquide rouge se mit alors à couler comme un torrent infini, entachant les murs et le sol blanc du bâtiment.
Tchad fut effrayé par l’expression grave de son ami, les dents et les tour des lèvres recouvert de sang, il lui rappelait étrangement un vampire ou un mort vivant tout droit sorti de ses films d’horreur préférés. Oliver attrapa le fusil d’assaut qui trempait dans une mare de sang et ils bravèrent les couloirs froids et incertains de ce complexe souterrain.
Chaque coin de mur pouvait laisser apparaitre une troupe de garde armée jusqu’au dent, peu importe, ils couraient, leurs foulées raisonnaient fortement dans ces coursives longues et étroites. Ils sprintaient sans savoir où chercher leur ami, en risquant de se trouver nez à nez avec ce colosse d’1m90.
Au détour d’un couloir Tchad attrapa Olie par l’épaule et lui chuchota :
Tchad – Doucement…
Olie – On doit trouver Billy…
Tchad – Ce n’est pas en courant comme des demeurés qu’on va y arriver et puis j’ai ma petite idée d’où il le cache.
Olie – Où ?
Tchad – Le garde qui est assis la bas doit surement monter la garde, à moins qu’il cache un autre portail secret ici, ça ne peut être que Billy.
Olie – On y va !
Tchad – Attends ! malgré l’avertissement de Tchad, Olie se jeta dans la coursive en dégainant son arme. Il ouvrit le feu sur le garde, le perçant d’une vingtaine de balles, il s’effondra. Tchad arriva en courant, ramassa rapidement le badge et ouvrit la porte.
Lloyd se tenait debout derrière la porte, les bras croisés, la tête légèrement en arrière. Olie dégaina à nouveau, en voulant tirer il s’aperçut qu’il était à court de balle. Le militaire agrippa l’adolescent par le gorge et le souleva contre le mur. Alors qu’il était presque à court d’air, il réussit à bredouiller :
Olie – Tchad, détache Billy et échappez-vous ! Tchad réussit à se faufiler entre les jambes du militaire et atteindre son ami. Oliver appuyait ses pouces de toutes ses forces dans les yeux de Lloyd alors que Billy et Tchad prenaient leurs jambes à leurs cou.
D’un élan de rage, Lloyd brisa la nuque du jeune homme et le laissa retomber, sa tête frappa le sol. Tchad tenait son meilleur ami par l’épaule et tentait de traverser ce labyrinthe blanc le plus vite possible. L’alerte avait été donnée, ils échapper alors à une déferlante de balles qui creusaient le plâtre et sifflaient partout autour d’eux.
Au bout de cet étroit passage se tenait leur ticket de sortie : l’ascenseur. Ils coururent à toute vitesse en rentrant leur tête et en esquivant la piqure mortelle de chacune des balles.
Tchad appuya sur le bouton d’appel, en se retournant, une des balle frôla sa joue et l’entailla légèrement. La chaleur intense brula la chair, il se tordit de douleur. La porte s’entrouvrit et ils se jetèrent à l’intérieur de la cage d’ascenseur.
L’énorme cage de fer remonta vers la surface à très grande vitesse. L’intérieur vibrait et les deux amis s’était laissé tomber par terre, assis, fixant le numéro de chaque étage qui s’allumait très successivement.
Tchad compressait sa joue avec sa paume droite, il serré les dents et fermait les yeux. Billy passa une main dans ses cheveux châtains et agrippa quelques mèches. Ils étaient à mi-chemin, Tchad gémissait légèrement quand le sang traversait cette partie de son visage. Billy lui demanda :
Billy – Ça va ta joue ?
Tchad – J’ai affreusement mal.
Billy – Fais-moi voir, Tchad enleva sa main, laissant apparaitre une petite balafre néanmoins profonde.
Tchad – Qui aurais cru que cet été serait si…
Billy – Fou…
Tchad – J’allais dire dément.
Billy – J’aurais préféré ne jamais être entré là-dedans.
Tchad – Tout est de ma faute…
Billy – Ne dis pas de bêtises…
Tchad – Si je n’avais pas été aussi curieux, Stan, Olie et monsieur Kulzerwski seraient encore en vie.
Billy – Tchad tu n’y es pour rien et puis nous étions deux, si je suis ton raisonnement, c’est aussi ma faute.
Tchad – Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ?
Billy – Lloyd va sûrement vouloir nous tuer.
Tchad – On doit s’en aller loin de cette ville.
Billy – Non ! On va rester et je vais l’affronter une dernière fois.
Tchad – C’est de la folie.
Billy – Alors soyons fou ! affirma-t-il alors que les portes de l’ascenseur s’ouvrèrent sur un long couloir gris.
Billy franchit le pas et traversa lentement les quelques mètres qui le séparaient d’une porte en bois. En voulant l’ouvrir, il se rendit compte qu’elle était horriblement lourde. Il attendit que son ami arrive à sa hauteur. Ils se positionnèrent, épaules contre la porte et poussèrent de toutes leurs forces.
Cette dernière s’ouvrit d’un coup sec, laissant les deux amis au bord d’un abrupte précipice. Billy écarta les bras pour empêcher Tchad de tomber dans ce gouffre. Les ruines fumantes de la ville entourait les restes de la mairie, seule vestige encore debout au milieu de ce cratère visqueux.
Ils entendirent derrière eux l’ascenseur redescendre, surement appelé par Lloyd. Un frisson les parcourut, ils se mirent aussitôt à descendre la petite falaise en prenant garde de chaque rocher sur lequel ils allaient s’appuyer. Tchad agrippa une grosse racine noire, il essaya de se balancer pour atteindre l’autre côté.
La racine céda sous son poids et il tomba dans le vide, rattrapa in extremis par Billy qui empoigna sa cheville. Billy était dans une fâcheuse position, cherchant son équilibre. Cramponné à un rocher coupant, il tenait la cheville droite de son ami d’une main fébrile. Sentant ses forces le quitter, il hurla :
Billy – Tchad ! Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps comme ça !
Tchad – Ne me lâche pas !
Billy – Il va falloir que tu essayes de te redresser pour que j’attrapa ta main !
Tchad – Je ne peux pas !
Billy – C’est ça ou alors tu préfères finir en bouillie trente mètres plus bas ? Tchad s’efforça de remonter son torse vers Billy. Il tendait ses mains, effleurant du bout des doigts le bras de son ami. La main de Billy commençait à faiblir, la transpiration la faisait glisser. Le bras tremblant il brailla :
Billy – Attrape mon poignet, je vais lâcher ta jambe !
Tchad – Tu es sûr de toi ?
Billy – Absolument pas ! gloussa-t-il très nerveusement.
Tchad se redressa encore d’avantage et empoigna très fortement le poignet de son meilleur ami. Ce dernier pris une longue et profonde respiration avant de lâcher la jambe. Le poids du corps s’inversa et Billy fut projeter en avant, relâchant dangereusement ses appui sur le rocher.
Lloyd ne devait plus être loin à présent, les trouver dans cette posture serait une aubaine pour lui qui n’aurait plus qu’à écraser sauvagement les trois doigts de Billy encore accrochés au solide caillasse. L’adolescent redoubla d’effort et tira de toute ses forces pour faire remonter ses amis, les pieds dans le vide au-dessus d’un gouffre infernal.
Après quelques minutes de lutte acharnée, ils étaient hors de danger mais complétement émoussés. Fatigué d’avoir crié et de s’être débattu contre une force invisible qui semblait pourtant vouloir emporter Tchad vers les entrailles de la Terre.
Ils étaient étendus sur le dos, les bras et les jambes écartés, comme des étoiles. Scintillante d’un courage qu’ils ne se connaissaient pas et qu’ils avaient appris à découvrir à travers toutes ces épreuves. Billy referait se dire que c’était de la chance et Tchad ne se rendait peut-être pas compte du chemin de croix qu’ils avaient parcouru. Bravé des tempêtes et traversé l’immensité d’un désert de conscience et de sentiment.
Toute cette histoire semblait arriver à son terme, un dénouement fatidique auquel ils ne sont pas préparés et qui risque de leurs coûter encore quelques litres de transpiration, un peu de sang et quelques larmes.
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