Côme ne s’était jamais considéré comme cruel.

Il avait grandi dans une maison lumineuse, avec une mère douce et un père discret. Il avait appris à sourire, à être gentil, à éviter les conflits. Et c’est peut-être pour ça qu’il ne comprit pas tout de suite l’impact de ses silences.

Quand Marie-Louise lui avait parlé ce jour-là, sous la pluie, il avait senti son cœur ralentir. Elle tremblait. Sa voix était fine, tranchante, comme un fil tendu prêt à rompre. Il avait su, dans cette seconde-là, que rien de ce qu’il dirait ne pourrait réparer ce qui se brisait.

Il avait essayé d’être honnête, doux, respectueux.

Mais on n’apprend pas, à dix-sept ans, comment rendre un refus supportable à quelqu’un qui aime profondément.

Il pensait qu’elle allait aller mieux avec le temps. Il ne savait pas qu’elle était déjà en train de couler.

Quand Pauline l’avait appelé, paniquée, deux jours après, il était resté figé, incapable de parler. Elle l’avait traité d’idiot, de lâche, de garçon qui ne voyait rien sauf ce qui brillait fort et bruyamment. Il n’avait pas su répondre.

Et c’est là qu’il avait compris.
Il avait été gentil. Mais la gentillesse peut être une arme, quand elle n’est pas claire. Il lui avait laissé croire, un peu. Par lâcheté. Par inconscience.

Alors il avait écrit cette lettre. Ce n’était pas un aveu. C’était un morceau de vérité.
Il l’avait toujours trouvée différente. Marie-Louise ne ressemblait à personne.
Elle ne cherchait pas à plaire. Elle observait. Elle pensait fort. Et il avait senti, au fond de lui, qu’elle pouvait être quelqu’un de très important dans une vie. Mais pas dans la sienne. Pas à ce moment-là.

Plus tard, peut-être, il comprendrait mieux.
Plus tard, peut-être, il lui dirait ce qu’il n’avait pas su dire en face.

Mais ce jour-là, il écrivit ces mots :

"Tu m’as vu comme personne ne m’a jamais vu.
Et même si je ne t’ai pas aimé comme tu l’espérais,
je te dois quelque chose :
le respect éternel pour ce que tu m’as donné, sans rien demander."