II
Père que je n’ai pas connu. Martin, archéologue,poète, sculpteur
et aventurier, qui ne pouvant supporter la rupture d’avec son
amoureuse mettra fin à ses jours trois mois après ma naissance.
La chevelure et la barbe précocement blanchies, Irène ne lui
ayant, pour des raisons obscures, jamais dévoilé où se trouvait
l’enfant qu’il avait conçu et aidé à mettre au monde.
Ainsi, un père apparaissait.
Ne connaissant rien de mon histoire, je me les étaient tous
imaginés. Les caractères, les métiers, les visages.
Mon préféré était ‘ le voileux’, remportant tout jeune une transat
en solitaire sur un quarante pieds. L’identifiant sans vergogne à
Bernard Moitessier dont je dévorais les récits.
Dans ma tête d’enfant ils auraient pu se rencontrer en Polynésie.
Quand j’appris qu’il faisait de la voile j’eus comme un puissant
pincement au cœur, suivi immédiatement par le sentiment que
je le connaissais, que je le connaissais bien et qu’il avait toujours
été là pour moi.
Ce père qui a choisi de disparaître de façon peu ordinaire.
Parti en haute mer, de nuit, quelques heures avant l’arrivée d’un
coup de vent annoncé force huit, en plein golfe de Gascogne, avec
son cotre, équipé pour seule voile d’une trinquette.
Cotre sur lequel, aux dires de Lucie, je fus conçu.
Pierre, ce soir là, ne parvint pas à l’en dissuader.
Bien entendu ni le voilier ni le marin ne furent jamais retrouvés.
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