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La pluie tombait sans bruit, fine comme une dentelle de brume. Tout semblait figé dans un demi-sommeil, sauf ce sentier recouvert d’un tapis de feuilles, aussi éclatantes que des braises. Margot avançait à petits pas, attirée par une chose qu’elle n’avait pas vraiment vue — mais pressentie. L’air avait une odeur de bois mouillé, de secret ancien.

Elle s’était éloignée du chemin principal du parc, happée par une brèche dans la haie, invisible aux yeux distraits. Derrière, un autre monde.

Un cabanon.

Abandonné, semblait-il. Le bois noirci, les vitres opaques de crasse. Et pourtant… De la lumière filtrait sous la porte.

Margot hésita, main sur la poignée rouillée. Elle avait toujours été curieuse — trop, disait sa mère. Le genre de curiosité qu’on paie tôt ou tard. Elle poussa doucement. La porte s’ouvrit sans un bruit.

À l’intérieur, une pièce unique. Des murs couverts d’étagères, mais au lieu de livres, des bocaux. Des dizaines. Tous identiques. Aucun étiqueté.

Dans l’air flottait une musique. Faible. Comme un vieux tourne-disque oublié dans un grenier. Une valse. Celle qu’elle avait entendue la nuit passée… en rêve. Comment était-ce possible ?

Un mouvement. Elle se retourna.

Une femme, immobile au fond de la pièce. Silhouette longue, maigre, enveloppée d’un manteau couleur rouille. Le visage flou, presque effacé, comme si l’automne lui-même l’avait sculptée dans le brouillard.

— Tu l’as trouvée, dit-elle simplement.

— Trouvé quoi ? demanda Margot, la gorge sèche.

La femme montra un objet posé au centre de la table : une clepsydre en verre, remplie non pas d’eau, mais de feuilles. Petites, mordorées, frémissantes comme si elles respiraient.

— Chaque fois qu’une feuille tombe, quelqu’un s’oublie, souffla la femme. Et toi, Margot, qu’as-tu oublié ?

Margot voulut répondre. Mais rien. Un vide. Son nom même glissa de sa mémoire comme une feuille emportée par le vent.

Et dehors, le silence redevint total.