LE GALA DES BOURG-RAVAGE

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Bonjour à tous, 

Il me semblait important de préciser que ce texte est un premier jet. En conséquence, il traîne probablement beaucoup de fautes, merci d'être indulgent. Je suis d'avantage intéressé par vos impressions quant au récit lui même :) Je vous souhaite une bonne lecture ! 



1.

LE GALA DES BOURG-RAVAGE


La triste et merveilleuse histoire des Bourg-Ravage commence par un splendide gala et de nombreux invités, à l’image des plus beaux romans d’Agatha Christie. Il était organisé tous les ans par cette riche famille héritière de France, et constituait un événement particulièrement attendu dans toute la région. Alors que l’ensemble du pays se vantait de posséder un système démocratique exemplaire, cette réception était l’occasion pour les historiquement nobles Bourg-Ravage d’asseoir leur popularité et de rester des gens importants, car aucun d’entre eux ne souhaitaient devenir des individus lambdas. Pour l’occasion, la famille ne se refusait aucune extravagance et faisait de son Château de la Lyre Dorée un magnifique havre de paix. Plus que jamais, la façade du bâtiment était rafraichie, les imperfections de la cour en gravier étaient gommées et le parc verdoyant était choyé par une armée de jardiniers au service du moindre de ses caprices.

Cette année-là, il était à peine dix-huit heures lorsque les premières voitures firent leur entrée par le grand portail d’acier aux motifs floraux. Une à une, elles remontaient l’allée principale, bordée de statues à inspiration grecque et d’un blanc immaculé, et vinrent se garer au-devant de l’immense bâtisse du seizième siècle. Pour les invités non-initiés, la découverte du domaine était un véritable émerveillement et les Bourg-Ravage n’avaient pas lésinés sur les moyens pour rendre l’expérience plus plaisante encore. Ils avaient embauché un nombre important de voituriers, serveurs ou encore major d’hommes, mais le plus étonnant était à ne pas en douter la présence d’un troupeau de zèbres, pour lequel l’on avait spécialement aménagé puis fait pousser une pelouse, non loin de l’entrée principale. Ces animaux exotiques faisaient écho aux flamands roses que l’on pouvait apercevoir un peu plus loin, près du lac de la Lyre Dorée, et représentaient un divertissement original. Lorsque vint le temps de l’apéritif, une foule d’invités ne manqua pas, d’ailleurs, de se rassembler autour d’eux. Ceux et celles qui connaissaient un tant soit peu les Bourg-Ravage devinaient qu’il s’agissait là d’une folie de la maîtresse de maison. Mme Bourg-Ravage était une artiste et, à ce titre, se comportait comme telle ;  Mr Bourg-Ravage, quant à lui, était un homme très pragmatique, qui avait de nombreuses connaissances culturelles et politiques, mais aucunes ne concernaient sa femme.

Lorsqu’il vit la Mercedes d’Henry Pickword faire son entrée au travers d’une fenêtre, Mr Bourg-Ravage adressa un signe de la main à son épouse, qui discutait au loin avec un couple d’amis, et dégringola les marches menant à la cour avec une grande rapidité. D’un pas précipité et saluant au passage quelques nouveaux arrivants, il parvint à se hisser à la hauteur du véhicule à l’instant même où l’un des voituriers d’apprêtait à ouvrir la portière et remercia ce dernier, le priant d’aller s’occuper des arrivants suivant.

-         Quel prestige d’être accueilli par Monsieur Bourgue-Ravage en personne ! se réjouit Henry Pickword d’un accent américain tandis qu’il mettait pieds à terre.  Ne vous donnez pas tout ce mal, mon ami.

Henry Pickword était un gros monsieur à la moustache poivre et sel en forme de peigne. Il n’avait plus un cheveu sur la tête, mais était reconnaissable par ses yeux d’un bleu clair atypique, qui donnaient à ses interlocuteurs cette curieuse impression d’être mis à nu. 

-         C’est bien le moins que je puisse faire, répondit Mr Bourg-Ravage avec douceur.

Les deux hommes se donnèrent une accolade chaleureuse.

-         Je vais le signer votre satané contrat, Alexandre, s’amusa l’américain, alors épargnez-moi vos cérémonies et… let’s drink !

Alexandre Bourg-Ravage joignit ses rires bon enfant à celui de son futur collaborateur et, entourant ses épaules avec son bras, l’accompagna jusqu’au lieu des festivités. Sur le pas de la porte, sa femme l’attendait, accompagnée de trois garçons aux cheveux d’un noir corbeau, comme leur père. Les deux plus âgés affichaient un large sourire de convenance et avaient une tenue des plus irréprochable, en particulier le plus âgé qui avait pris soin de cirer ses chaussures et arborait une coupe de cheveux impeccable. Le plus jeune, en revanche, tentait de se dissimuler derrière les pans de la robe de sa mère qui n’avait de cesse que de le repositionner devant elle en le poussant dans le dos avec autant de discrétion qu’elle le pouvait. Le petit garçon, visiblement contrarié, faisait une mine boudeuse et regardait le gros moustachu avec beaucoup de méfiance.

-         Ah ! fit Alexandre Bourg-Ravage comme s’il était surpris de les trouver là, Mr Pickword je vous présente ma charmante femme, Anaïs.

-         Elle est bien plus jeune que vous, mon ami, vous devriez avoir honte, rétorqua l’américain d’un air malicieux.

-         Vous êtes trop gentil, mister Pickword, s’esclaffa Mme Bourg-Ravage un sourire en coin, mais Alexandre et moi-même sommes de la même année.

-         Ah… fit l’homme d’un air songeur, le Temps est mystérieux, il semble s’abattre différemment sur les hommes comme moi que sur les dames comme vous.

Les yeux perçants de l’américain descendirent jusqu’à croiser ceux du petit garçon qui l’observait d’un air féroce. Surpris par une telle défiance de la part d’un si petit bonhomme, il se pencha en avant pour rapprocher son visage du sien.

-         Et qui est donc le garnement qui garde cette jolie dame ?

-         Il s’appelle Armand, répondit l’un des deux autres enfants. Veuillez pardonner notre frère, monsieur. Son jeune âge aura eu raison de ses bonnes manières.

Le garçon qui s’avança avait les cheveux un peu plus longs que ses frères, mais néanmoins soigneusement entretenus, et des yeux couleur noisette dans lesquels une lueur luisait. A en juger par sa taille et des traces d’acnés juvéniles, sa naissance devait se situer entre les deux autres.

-         Quant à moi, reprit-il avec le même ton solennel, mon nom est Arthur. Arthur Bourg-Ravage.

-         Eh bien, répondit Pickword en se redressant difficilement, vous me semblez être un garçon prometteur, Monsieur Arthur.

Il tendit son bras au garçon. Le visage de ce dernier s’illumina d’un sourire sincère et, après avoir jeté un rapide coup d’œil à son père comme s’il souhaitait s’assurer de son approbation, il serra fièrement la main de l’homme. Néanmoins, ce dernier ne s’attarda pas et vint se placer face au plus âgé qui se tenait aussi droit qu’on le pouvait.

-         Vous êtes donc Anatole, si je ne m’abuse ? L’aîné de la famille ?

-         La perspicacité de monsieur m’empêcherait de pouvoir prétendre le contraire, même si je le souhaitais, répondit humblement le jeune homme.

-         Allons, allons, ricana Pickword, ne me flattez pas. Votre père m’a beaucoup parlé de vous.

-         Vraiment, monsieur ? questionna Anatole par politesse.

-         Oh oui, je vous prie de me croire. Tenez ! Pas plus tard que le mois dernier, il me vantait encore votre talent pour les chiffres.

L’américain se rapprocha de lui et vint lui glisser quelques mots dans l’oreille, s’assurant néanmoins d’être parfaitement entendu par les autres.

-         Ne le dites à personne, mais cela ne m’étonnerait pas si vous étiez bien meilleur comptable que lui.

Narguant Alexandre Bourg-Ravage, l’homme se mit de nouveau à ricaner d’un air malicieux, sous le regard amusé d’Anatole qui s’empressa néanmoins de rendre à son père ses lettres de noblesse.

-         C’est fort aimable de votre part, monsieur, cependant permettez-moi d’en douter. Tout ce que j’ai appris, je le tiens de mon père. J’ai encore beaucoup à faire pour espérer lui arriver à la cheville.

-         Certes, mon garçon, certes…

D’un geste amical, l’homme lui tapota l’épaule et le contourna par la droite, avant de s’engouffrer à l’intérieur du bâtiment, suivi de près par Mr Bourg-Ravage qui s’empressa de l’y accompagner. Anatole le suivi du regard, ignorant celui insistant que lui accordait son frère Arthur. Après avoir jeté un rapide coup d’œil à sa montre en argent, il dut aider sa mère à trouver la nourrice d’Armand, qui semblait avoir profité de ce rassemblement familial pour disparaitre.

 

            Sur les coups de vingt heures, les invités se rassemblèrent dans le hall d’entrée pour assister au discours que leurs hôtes leur avaient réservé. On y avait suspendu de nombreuses cages, à quelques mètres de hauteur, afin d’exposer à tout un chacun une grande variété de singes qui se montrèrent bien moins civilisés que la plupart des gens. Aussi, bien que la pièce ne se prêtait formidablement à l’exercice oratoire, en raison de son agencement en demi-cercle, les invités les plus éloignés eurent des difficultés à saisir les paroles d’Alexandre Bourg-Ravage. Après avoir souhaité la bienvenue à l’ensemble de ses convives et rappelé la présence d’un gigantesque buffet, il parla, bien sûr, de plaisir d’être ensemble et de bonheur partagé. Il évoqua également la réussite de ses affaires et fit une rétrospective du rayonnement des Bourg-Ravage au fil des siècles, remontant jusqu’à l’origine du domaine de la Lyre Dorée. Anatole et Arthur connaissaient cette histoire par cœur, pour l’avoir entendu à de nombreuses reprises et apprise à leur tour, raison pour laquelle ils ne se montrèrent pas très attentifs et préférèrent embêter Armand, lui racontant des histoires de fantômes et de diables vengeurs. Cela ne fut pas au goût de la nourrice qui n’hésita pas à leur donner un coup derrière la tête à chacun.

-         Cessez ces idioties, je vous en prie, leur gronda-t-elle en faisant les gros yeux. Quant à vous, monsieur Anatole, ne devriez-vous pas vous préparer, plutôt que de participer à ces enfantillages ?

Arthur lança un regard interrogateur à son grand frère, mais ces paroles eurent sur ce dernier un effet immédiat et il détourna le regard avec regrets. En une fraction de secondes, son visage rieur avait laissé place à une mine beaucoup plus soucieuse ; l’ainé de la famille avait repris son rôle de jeune adulte. Comprenant cela, Arthur s’éloigna en prenant soin de le bousculer et disparut au milieu de la foule. Anatole ne broncha pas, la gorge serrée.

-         Il comprendra, fit la nourrice aux cheveux crépus avec confiance, son âge viendra, à lui aussi, vous verrez.

Anatole haussa les épaules et ne daigna pas lui répondre. Pour ne pas se mettre en colère contre son propre frère, il s’en alla à son tour flâner au milieu des invités. Il y avait tout type de personnes : des fins, des gros, des petites, des grands, des barbus, des chauves, des atypiques, des couples heureux, des couples malheureux, des polygames et même un nain. Anatole reconnaissait la plupart d’entre eux : une année auparavant, si, il aurait été incapable de mettre un nom sur chaque visage, mais il avait cette fois-ci passé plusieurs mois à étudier l’histoire de chaque invité. Il y avait Hubert Dulain, l’éternel célibataire, monsieur et madame Kermond, de riches grognons qu’il ne fallait pas trop embêter, ou encore Elise Quimperon, dont le mari semblait s’être encore une fois évaporé. Lorsque que des convives le reconnaissaient et venaient se présenter à lui, Anatole les saluait poliment et leur narrait une anecdote les concernant que son père lui avait raconté. Cela était toujours du plus bel effet et l’on disait de lui qu’il était un jeune homme admirable.

A de nombreuses reprises, Anatole entendit le public rire aux mêmes plaisanteries que les années précédentes, celles que son père tenait lui-même de son père, qui devait les tenir d’ancêtres encore plus morts les uns que les autres. Néanmoins, Anatole s’efforçait de garder une oreille attentive, car plus le temps passait, plus il savait que son heure approchait ; et elle était aussi stressante qu’excitante.  Ce fut bientôt chose faite, lorsque son père évoqua l’avenir de la société Bourg-Ravage et qu’il annonça à tous et à toutes que son fils ainé venait de réussir brillamment son doctorat. Comme convenu, Anatole fut invité à s’approcher.

Se positionner au-devant de la foule était intimidant. Pour autant, les applaudissements chaleureux qu’il reçut ce soir-là lui mirent du baume au cœur et lui donnèrent l’impression d’être reconnu pour ses compétences. Son père l’attrapa par les épaules et lui serra la main avec une forte poigne, comme il l’aurait fait avec un proche collaborateur. Des flashs surgirent, éblouissant Anatole pendant quelques secondes, et bientôt, son père reprit la parole.

-         Anatole est une grande fierté pour la famille, dit-il sans lâcher la main de son fils, la preuve que tout réussi à un Bourg-Ravage ! Il a travaillé sans relâche pour aller au-delà de ses facilités naturelles, et c’est peu dire qu’il en a, et cela me rend, en tant que père, mais aussi ami, extrêmement heureux.

Heureux. C’était le mot qui qualifiait Anatole lorsqu’il arbora un grand sourire. C’était là le plus beau jour de sa vie. Une gloire dont il ne pourrait plus jamais se lasser.   

  Durant le reste de la soirée, Anatole dut, plus que jamais, jouer le jeu de la sociabilité. Il n’était plus seulement un enfant Bourg-Ravage aux yeux de tous, mais bien le futur de cette famille, il était un homme avec lequel il était bon d’avoir de bonnes relations. Cet exercice, il le maîtrisait désormais à la perfection et y trouvait même du plaisir. C’était une forme de jeu, un jeu au sein duquel il était préférable de ne pas commettre d’erreur au risque de créer un incident. Parce qu’il était au centre de toutes les attentions, Anatole vit les heures défiler à une très grande vitesse, plus encore qu’à l’ordinaire. Comme le souhaitaient ses parents, il s’assura de faire preuve d’une grande politesse, de démontrer subtilement son intelligence et sa culture et n’hésita pas à flatter qui le voulait. Il avait compris depuis plusieurs années les possibilités offertes par la manipulation subtiles des individus : être charmant pouvait lui ouvrir toutes les portes. Il dut d’ailleurs, à plusieurs reprises, faire la connaissance de jeunes filles aux âges parfois très éloignés du sien ou tout au contraire très proche. Anatole n’était pas dupe quant à l’utilité pour les familles de tels échanges, mais il s’en amusait beaucoup. L’entretien le plus marquant à ses yeux, cependant, fut sans conteste le second qu’il eut avec Henry Pickword.

Chaque année, Anaïs Bourg-Ravage profitait de la soirée de gala pour organiser une vente aux enchères dans la salle de repos.  Sculptrice, elle réalisait des œuvres en marbre blanc ou en plâtre qui avaient vocation à parler de l’Homme et de son rapport au monde, bien qu’aucun Bourg-Ravage n’en ai jamais vraiment compris le sens. La pièce dans laquelle se déroulait la vente était particulièrement agréable, parce qu’elle possédait un nombre important de fauteuils confortables et de canapés. Anatole avait décidé de s’y rendre après de nombreuses heures de discussions pour prendre l’air tout en continuant de se montrer ; dans une vente aux enchères, les discussions étaient rares. Pourtant, c’est là que l’américain vint le trouver. Le gros monsieur sentait l’alcool et le cigare, signe qu’il provenait des cuisines, et vint poser son arrière-train juste à côté de lui, malgré la présence d’un tas de prospectus qu’Anatole avait déposé sur le coussin voisin exprès, dans le but de ne pas être dérangé.

-         Votre mère est une femme de talent, commença-t-il plein de bonnes manières.

Anatole tourna son regard en sa direction, croisant ses yeux bleus d’un clair si particuliers. Amusé par cette tentative d’approche, il répondit que dans ce cas, il était possible de faire une offre d’achat, d’autant que personne ne semblait vouloir de la sculpture qui était en cours de vente. Cette réponse fit beaucoup rire l’américain qui lui donna une tape dans le dos, comme à un vieil ami.

-         Allons donc, vous avez le sens des affaires de votre père ! Lui non plus, ne rate jamais une occasion.

Puis il plissa les yeux pour mieux distinguer l’œuvre qui était présentée. Il s’agissait d’une femme nue allongée sur le dos d’une lionne.

-         My god, lâcha-t-il, mais quel est donc le problème de votre mère avec ces animaux d’Afrique ?

-         Aucun en particulier, répondit Anatole un sourire en coin, simplement elle s’y est rendue il y a plusieurs mois et depuis… l’Afrique l’obsède. Mais soyez-en heureux, Mister Pickword, l’année dernière, c’était les hérissons.

-         Les hérissonnes ?

-         Oui, mon cher monsieur, des hérissons… Hedgehog !

L’américain se mit à rire bruyamment, ce qui attira l’attention sur eux l’espace de quelques instants. Anatole vit sa mère, située non loin du commissaire-priseur, lui lancer un regard noir. D’un air désolé, il se redressa sur son siège comme s’il espérait que la reprise d’une bonne posture lui permettrait de passer inaperçu. Fort heureusement, la vente poursuivit son cours et l’incident fut rapidement oublié. Henry Pickword semblait ne pas s’être rendu compte du malaise qu’il avait provoqué, ou tout du moins il n’y prêta pas attention. Tandis qu’il séchait des larmes de joies, sa grosse moustache en forme de peigne s’agita de nouveau.

-         Pour être tout à fait honnête, ma présence à vos côtés n’a rien de la simple visite de courtoisie, dit-il. Je tenais à ce que vous sachiez que je vois en vous quelqu’un de très prometteur, de brillant, Anatole Bourgue-Ravage. Vous savez, votre père est loin d’être un sote et moi non plus. En m’invitant à ce gala, il tenait surtout à ce que je puisse voir de mes propres yeux de quelle chair vous êtes fait.

Les mots de l’américain prirent soudain un intérêt tout particulier pour Anatole qui était toujours en recherche d’informations sur ce que son père pouvait véritablement penser de lui. Cela dût se lire sur son visage, car Pickword s’empressa de détailler le fond de sa pensée, baissant un peu plus encore sa voix, obligeant Anatole à se pencher vers lui.

-         Comprenez… Le contrat que je vais de signer avec lui est un accord sur le long terme, qui devrait nous faire prospérer durant des années, l’un comme l’autre. Aujourd’hui, c’est avec votre père que je signe, mais demain, lorsqu’il ne sera plus là et occupé à d’autres… aspirations, ce sera avec vous que Pickword’s Factory traitera.  Et j’ai hâte.

Une nouvelle fois, l’américain lui donna deux petites tapes dans le dos. A la suite de ces encouragements, l’homme se leva, trainant avec difficulté sa bedaine, et salua Anatole d’un geste de la main. Juste avant de disparaître par la porte, il ajouta :

-         Votre père vous a forgé à son image et ce, depuis votre plus tendre enfance. Vous êtes perfect. En tout cas, perfect tel qu’il l’avait imaginé.

Il lui fit un clin d’œil et ce fut la dernière fois qu’Anatole vit cet homme. Il n’aurait su dire pourquoi, mais le vieil américain lui laissait un sentiment de sympathie et, à de nombreuses reprises au cours de la soirée, il tenta de le retrouver. En vain. L’ainé de la famille Bourg-Ravage n’eut pas le loisir de faire des recherches approfondis, car il avait un programme déjà défini pour le reste de la soirée. Après avoir fait le tour des invités, sa principale activité consista à rester dans la cuisine, là où les hommes d’affaires discutaient autour d’une musique douce, un ou deux verres et de gros cigares, afin de pouvoir échanger avec eux. Ils étaient ses cibles prioritaires et devait, une fois de plus, se montrer irréprochable : plus il en apprenait sur eux, mieux c’était. Ensemble, ils parlèrent de politique, d’économie, de stratégies pour l’international et de femmes. Sur ce dernier sujet, Anatole se faisait beaucoup taquiner par certains messieurs bien plus âgés que lui. Voyant que cela les amusait beaucoup, il n’hésita pas à exagérer ses méconnaissances en la matière, afin que chacun puisse se faire un plaisir de lui expliquer.  Pour finir, Anatole se vit convier à participer au traditionnel bal qui eut lieu dans le hall, durant lequel il fut amené à danser avec chacune des jeunes filles qui lui avait été présentées un peu plus tôt. S’il trouvait cela fort amusant au commencement, cette façon de faire lui parut petit à petit plutôt malsaine. Plus la soirée avançait, plus il se sentait las de participer à ces petits jeux. S’il avait la maitrise de l’art, Anatole n’avait pas encore toute l’endurance nécessaire pour garder le rythme de cette sociabilité exacerbée. Lorsque les quatre heures du matin sonnèrent sur l’immense pendule du salon, il adressa quelques mots à son père et décida de se retirer.

            Sur le chemin qui menait à l’aile où se trouvait sa chambre, Anatole croisa Arthur. Ce dernier, le visage tout aussi fatigué que lui, était assis sur une chaise et visionnait sur son appareil photo les clichés qu’il avait pris sur ordre de sa mère tout au long de la soirée. Lorsqu’il aperçut son frère, Arthur leva les yeux vers lui et lui lança un regard noir. Desserrant doucement son nœud papillon, Anatole resta immobile, à le fixer. Il lui adressa un regard dur.

-         Arrête de me fixer comme ça.

Mais Arthur ne détourna pas le regard, le visage rougissant. Il semblait véritablement remonté contre lui.

-         Arthur ! pesta Anatole. Tu sais bien que je suis grand maintenant, je dois faire des choses importantes.

A ces mots, Arthur descendit de sa chaise, appareil à la main. Il dévisagea son frère avec colère et hurla brutalement :

-         T’es vraiment qu’un con, Anatole !

Suite à quoi, il déguerpit en courant. Vexé parce qu’il venait d’entendre et fâché parce qu’il était persuadé que tout le château l’avait entendu, Anatole s’élança à sa poursuite pour lui mettre une bonne correction.

 

 Ce n’était pas là une bonne conduite, pour une soirée de gala.


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