Matt :

Encore dix secondes avant le départ, l'aiguille de ma montre trottine, mon oreillette est déjà en place. La mission est simple. J'entre par la fenêtre de la cuisine, à l'arrière de la maison. A gauche, trois pas, un quart de tour sur la droite, six pas encore à gauche, deux de plus pour me retrouver face au boitier de l'alarme. Je colle mon smartphone dessus, déverrouille le mécanisme et me voilà pénard pour ce que je dois accomplir.

Direction le salon, j'ouvre la baie vitrée pour que Cameron entre, Il se charge des chambres et moi du bureau. Il fait passer notre intrusion pour un cambriolage de bas étage, piquant tout ce qui lui fait plaisir, pendant que moi j'ouvre le coffre et me procure les documents convoités, commandés, voilà notre mission.

Le plan est simple, préparé depuis des semaines, facile!

Alex supervise depuis le fourgon assis devant son pc. Nos caméras embarquées, fixées sur les sangles contre nos torses, il voit tout et enregistre tout.

Ma voiture est garée quelques mètres derrière eux, une obligation. Nous ne pouvons pas compter que sur un seul véhicule en cas de problème et de fuite.

Je les préviens.

- J'y vais!

Je sors de ma caisse, caché sous le lampadaire éteint grâce à Alex et sa gâchette rapide, je cours tête baissée jusqu'à la haie que je longe. Le portillon n'est pas difficile à enjamber mais je dois faire vite avant que les détecteurs ne se mettent à enregistrer les mouvements. Je reste à l’abri de ses petits boitiers bien cachés. Je sais exactement où ils se trouvent.

Je me colle contre le mur de façade et longe la propriété jusqu'à atteindre la fenêtre de la cuisine. Aucune lumière à l'intérieur, aucune ombre. Il n'y a personne comme prévu.

Le propriétaire est sorti il y a une heure pour se rendre au théâtre. L'info a été vérifiée par Alex.

- Allez!! Bouge ton cul on n'a pas toute la nuit! Voilà Cameron et son franc parler.

- Détend-toi mon chaton, c'est bientôt ton heure de gloire. Il déteste ces petits surnoms qui suintent la guimauve et moi, je m'éclate, rien que pour l'entendre grogner. C'est devenu un jeu entre lui et moi.

Je sors mon compas à diamant et fait une ouverture sur la vitre, je pousse le rond de verre et déverrouille rapidement le loquet de la fenêtre pour pénétrer dans la villa. Cameron doit m'attendre côté jardin mais je dois m'occuper d'abord de l'alarme.

Je compte mes pas et rapidement je me retrouve dans l'entrée face au boitier qui clignote. Je sors mon smartphone, mets en route l'application qu'Alex m'a installé et le plaque contre l'écran de contrôle de l'alarme. Deux bips retentissent et les lumières passent au vert. On peut circuler librement dans la maison.

- Alarme ok!

- Putain dépêche!! Cameron est impatient et ça me fait sourire.

- J'arrive mon ange! Je viens t'ouvrir les portes du paradis.

- Tu fais chier, Matt. Bouge!!

J'arrive dans le salon et vois Cam derrière la baie vitrée qui trépigne, je ne peux m'empêcher de rire et lui de se renfrogner. Je lui ouvre et il s'engouffre à l'intérieur me bousculant au passage.

- Je fonce à l'étage, dépêche-toi de t'occuper du coffre. Je constate qu'il n'est pas venu les mains vides. Deux bidons d'essence sont posés par terre. Il a prévu de faire cramer la baraque, ce qui me laisse toute liberté de ne pas utiliser de gants.

Je fonce en direction du bureau qui se trouve le long du couloir après le salon, je passe devant une porte close et me dirige jusqu'à la suivante. D'après les plans de la villa, le bureau se trouve au fond.

J'entre et ne prends pas le temps de visiter les lieux, de regarder les photos accrochées au mur ou même posées sur le bureau. Je me fous royalement chez qui je me trouve. Je ne suis pas payé pour m'informer mais pour prendre. J'ouvre la grande armoire et me retrouve face à un Hartmann Deluxe.

Il ne me faut que trois minutes pour en venir à bout. La porte blindée s'ouvre et j'attrape la liasse de documents qui s'y trouve, ma mission. Je laisse une clé rouillée et deux montres. Je glisse les papiers sous mon tee-shirt.

- C'est ok pour moi.

- Sortez maintenant, on rentre. La voix d'Alex raisonne dans ma tête.

- Deux minutes encore, je fais le plein. Cette fois-ci c'est Cam qu'on entend et au son de sa voix, il a trouvé de quoi se faire plaisir. Ce mec est un amateur de bijoux.

Je fais demi-tour et arrivé devant la porte close avant le bureau, un léger gémissement se fait entendre.

- Attendez-moi, c'est le jackpot ici!! Cam continue de s'extasier et de faire le plein.

- Shut! Ce léger son de voix m'intrigue. Ai-je rêvé?

Non. Ça recommence. Je pose ma main sur la poignée, l'ouvre et devant moi s'étend un escalier qui descend.

- Bougez-vous les mecs, je vous accorde deux minutes pas plus. Alex se crispe, je sais que sa place est derrière l'écran mais il déteste les imprévus.

Je descends doucement, je n'entends plus rien et allume ma frontale. Ce qui me choque ce n'est pas le bordel qui se trouve en bas mais l'odeur. Une véritable puanteur. Acre qui me serre la gorge et me donne limite envie de gerber.

Ca sent si fort que je ne peux m'empêcher de porter ma main contre ma bouche. Arrivé en bas je tourne la tête pour observer tout ce qui s'y trouve. Des cartons entassés, des meubles empilés mais mon Dieu, cette odeur!! Qu'est-ce que ça peut être?

Je tourne sur le côté de l'escalier et au fond de la pièce j'aperçois un matelas dégueulasse, un seau juste à côté et là, mon sang ne fait qu'un tour. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Je suis incapable de faire un mouvement de plus. Ma frontale éclaire un corps enchainé au mur.

Si l'odeur est pestilentielle, ça ne sent pourtant pas le cadavre. La fille est vêtue de ses sous-vêtements avec un sac en toile de jute sur la tête. Elle ne bouge pas. Si elle est morte, ça ne fait pas longtemps.

Je m'approche lentement. Je n'ai aucune raison de flipper parce qu'elle est attachée, les poignets réunis et relevés au-dessus de sa tête. Mais pourtant, je ne suis pas tranquille.

Une fois devant elle, je m'accroupis, j'empoigne le sac et le soulève doucement. J'entends mon cœur qui tambourine, je n'entends que lui et il me donne l'impression que même mes amis peuvent l'entendre.

Je découvre son visage, les yeux clos. Elle est morte certainement. Son corps est d'une maigreur à faire pâlir un macchabée. Pourtant quand j'approche ma main et que mes doigts frôlent son visage, elle sursaute. Je tombe en arrière par la surprise. Putain elle respire!!

- Vous faites quoi les gars? Bougez-vous!!! Matt laisse la, c'est trop tard pour elle. Alex s'impatiente mais moi, je suis sous le choc.

Je me relève et fonce à l'étage. Je croise Cameron qui me regarde bizarrement.

- Qu'est-ce qu'il se passe? Y a un problème?

- Non, donne-moi une minute. Je me dirige vers le bureau et le coffre dont la porte est encore ouverte. Je m'empare de la clé rouillée et fais demi-tour. Je ne sais pas comment mon cerveau s'est souvenu de ça. Cam est toujours en travers de mon chemin, immobile, inquiet.

- Prépare nous un feu digne de Salem!!

- Matt!!! Tu fais quoi? Alex fulmine mais je m'en fous, je ne peux pas partir et la laisser là. Je sais qu'il l'a vu, la caméra lui montre ce qu'il y a devant moi.

- Démarre on arrive. Je ne trouve que ça à lui dire pour le rassurer. Je déboule dans la cave et me dirige vers la fille.

Elle se crispe quand elle sent que je lui touche les poignets, j'insère la clé et la libère. Ses bras tombent contre son corps. Elle ne les sent plus, ça doit faire un moment qu'elle est attachée ainsi, sa tête toujours baissée, elle ne m'a pas regardé une seule fois.

- Putain c'est quoi cette odeur? Cam est là, il n'a pas pu s'empêcher de descendre et voir. J'attrape un plaid posé à côté d'elle, il empeste mais je l'enroule dedans. Je glisse un bras dans son dos et l'autre sous ses genoux et la soulève. Merde!! Elle est vraiment trop légère. Je me dis à l'instant que peut-être ce que je fais est inutile parce que vu dans l'état qu'elle est, elle va mourir mais je ne peux me résigner à l'abandonner ici.

Je détale et sors de la maison. Un instant plus tard la lumière du brasier qu'a allumé Cam illumine la ruelle.

Je cours vers ma voiture et vois Cam se diriger vers le fourgon.

- C'est quoi ce bordel Matt? Intervient Alex.

- Un imprévu. Je suis à bout de souffle quand j'arrive à ma voiture mais pas à cause de la fille que je porte. Non, c'est de l'avoir vu enchainée à ce mur dans cet état qui me cloue au sol.

- Putain Matt, tu fais quoi? Alex insiste.

- Pas de meurtre sans contrat, c'est ma règle. Et cette règle, j'y tiens.

Je l'installe côté passager, ses yeux sont toujours fermés et pourtant je parirais qu'elle est éveillée. Je l'attache et rapidement je prends ma place derrière le volant. Le fourgon démarre et je m'engouffre dans la ruelle derrière lui.

- Alex! Débriefing demain, treize heures avec livraison. Je l'entends soupirer.

- Ok. A demain.