Emma

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Emma :

"Ne pas parler, ne pas le regarder

Ne pas le regarder, ne pas parler"

Que dois-je faire? Je ne sais pas. Quel comportement veut-il que j'ai? Qu'est-ce qu'il attend de moi? Pourquoi Monsieur n'est pas là? Il m'a puni, comme à chaque fois que je fais une bêtise mais il est toujours venu me détacher pour me ramener à ma chambre Mais cette fois-ci, il m'a laissé plus longtemps que d'habitude. Qui est celui qui m'a libéré? Pourquoi me sortir de la maison?

Je ne suis pas sortie depuis...... Que je vis ici!

Quand j'ai entendu la porte s'ouvrir, mon cœur a fait une embardée, une sensation étrange comme à chaque fois qu'il me libère de cette cave, le soulagement de retrouver ma chambre et la peur de ses actes malveillants. Pourtant, je n'ai pas bien compris pourquoi il m'était tant de temps à me libérer, jusqu'à ce que je comprenne que l'homme accroupi devant moi n'était pas Monsieur. Alors pour seul refuge, je suis restée immobile espérant qu'il me laisse tranquille, qu'il ne me fasse pas de mal. J'ai senti mon corps se soulever et ma tête est venue se poser contre son torse. J'ai respiré son odeur, un mélange de fragrances boisées et de sueur. Très différente de Monsieur, qui lui sent fort l'aftershave. Un parfum entêtant qui me dérange mais qui a au moins le mérite de m'avertir de sa présence.

Mes bras engourdis sont coincés entre lui et moi, je n'ai pas la force de me débattre et puis il a l'air fort, il peut me faire du mal si facilement.

Je ne l'ai pas regardé, je n'ai pas le droit.

"Ne pas parler, ne pas le regarder".

Mon corps s'est crispé quand j'ai senti l'air frais du dehors, mais j'ai respiré à plein poumon. Lui a resserré sa prise autour de moi. Pour... me rassurer? Me réchauffer?

Je ne sais pas ce qu'il se passe mais le temps que j'ai passé dans ses bras, contre lui, son corps réchauffant le mien, je me suis senti...bien. Jusqu'à ce qu'il me pose, assise dans un siège en cuir froid. Je ne bouge pas, les yeux toujours clos et la tête baissée. J'ai mal aux bras, aux jambes. Partout en fait. Je sens sa présence contre moi, il attache ma ceinture et je me surprends encore à respirer son odeur.

Je sursaute quand la voiture démarre, elle avance vite et mon ventre n'aime pas ça. Une boule s'installe dans ma gorge, la bile me monte aux lèvres, un voile de sueur recouvre ma peau, j'ai terriblement chaud tout d'un coup. Je ne vais pas tarder à vomir. Je porte mes mains jusqu'à ma bouche, mes yeux sont toujours fermés.

"Ne pas le regarder, ne pas parler".

L'air frais de la nuit s'engouffre dans l'habitacle quand la vitre descend. Je laisse le vent rafraichir mon visage et apaiser mon envie de vomir. Je respire goulument cet air frais et au bout de quelques instants les crispements de mon ventre s'apaisent.

- Ça va mieux? La voix de l'homme me fait sursauter, elle est grave et résonne en moi. Je remonte mes jambes et entoure mes genoux avec mes bras encore douloureux. Je pose ma tête contre la portière toujours à la recherche du vent.

"Ne pas parler, ne pas le regarder".

Pourquoi je suis là? Où est Monsieur? Va-t-il venir me chercher? Va-t-il me punir? Suis-je enfin libre? Ma tête va exploser avec toutes ses questions. La pression dans mon crâne augmente, Un bourdonnement incessant s'est installé, j'ai mal et je suis épuisée.

Je tourne la tête vers l'extérieur et m'aventure à ouvrir les yeux. La lumière des vitrines éclairées me brûlent la rétine. Mes paupières papillonnent et ça me fait mal.

Au bout de quelques minutes, je commence à m'habituer à ces éclats vifs de lumière. Je suis vite fascinée par l'agitation qui règne dans la rue. Il y a tellement de gens dehors malgré le ciel noir de la nuit.

Le ciel justement! Je relève la tête et aperçoit enfin la lune. Ca fait si longtemps que je ne l'ai pas vu. Elle est magnifique.

La voiture continue d'avancer jusqu'à ce qu'elle ralentisse devant un immense bâtiment. Je regarde plus attentivement autour de nous. Un grand parking sur le côté de la devanture. Tout l'immeuble est éclairé. Où suis-je? Je le découvre rapidement avec terreur. Je me fige, les battements de mon cœur s'accélèrent, j'ai envie de hurler mais je n'ai pas le droit.

"Ne pas parler, ne pas le regarder".

La voiture s'arrête devant l'entrée. Je ne veux pas y aller, je ne veux pas y retourner. C'est ici que mon cauchemar à commencer. Alors non. Je ne veux pas y retourner. Même le temps, les coups et la privation n'ont pas effacé ce souvenir.

Je me détache avec frénésie, en panique. L'homme à côté de moi tente de me calmer ou m'aider à sortir de la voiture, je ne sais pas mais quand ma ceinture de sécurité est enfin détachée, je le repousse et saute à l'arrière de la voiture et m'assoie au sol derrière son siège. Je me blotti en boule. Tout mon corps me fait mal, j'ai peur et je n'arrive pas à retenir le flot de larmes qui se déverse sur mes joues. Non je ne veux pas y retourner.

- Calme-toi! On est à l'hôpital, tu ne risques rien. Sa voix caverneuse semble inquiète.

"Ne pas parler, ne pas le regarder".

Pourtant l'homme ne crie pas, il ne paraît pas en colère après moi. C'est ici que tout a commencé pour moi et je refuse d'y retourner.

- Ok j'ai compris. Pas d'hôpital. Dit-il en soupirant.

La voiture redémarre mais je ne bouge pas. Je reste dans cette position, l'angoisse disparait doucement au fur et à mesure qu'il m'éloigne de cet endroit et puis je ne tiens plus, je m'endors, bercée par les mouvements de sa conduite avec pour seule et unique pensée.

"Que va-t-il m'arriver?"

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