Emma

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Je me réveille complètement perdue dans un lit que je ne connais pas, un oreiller moelleux, une couette épaisse et des draps qui sentent bon, qui sentent lui, ça y est je me souviens... Je me redresse brusquement et constate que je suis seule dans la pièce, dans la chambre. Je m'étire doucement et découvre que tous mes muscles sont endoloris. Mais une voix de femme me surprend derrière la porte.

Le jour est déjà bien levé et des rayons de lumière traversent les interstices des volets en bois. Même les voiles de rideaux les laissent passer. Je sors du lit et m'approche de la porte pour écouter, je l'entends très clairement parler d'une voix douce et inquiète.

- Tiens! J'ai eu ton message ce matin. Je t'ai ramené ceux qui ne me vont plus. Comment va-t-elle?

- Elle dort dans ma chambre. Lui faire prendre un bain a été sportif mais au moins elle est propre.

Le bain, je me souviens. Quand il en a parlé, j'ai paniqué et j'avoue que je ne m'attendais pas à ce qu'il soit chaud. Je me suis débattue mais ça ne l'a pas mis en colère. Etonnant!

- Des blessures? La femme est vraiment inquiète pour moi, pourquoi?

- Je ne sais pas, elle ne se laisse pas si facilement approcher. Tu devrais aller la voir, tu auras peut-être plus de succès que moi pour la faire parler.

L'angoisse me submerge en entendant ça, qui est cette femme? Que me veut-elle? Pourquoi je dois parler?

"Ne pas parler, ne pas le regarder".

Je me retourne et cherche où me cacher, je ne veux pas la voir, pas parler, par regarder, je n'en n'ai pas le droit. C'est interdit, la règle est simple. Je l'ai apprise par cœur, je n'avais pas le choix.

Je me dirige silencieusement jusqu'à la fenêtre, me cache derrière le rideau et m'assoie en boule. Je ne bouge plus. Avec un peu de chance, ils vont me laisser tranquille bien qu'il ait été gentil avec moi jusque-là. Mais pour combien de temps encore?

J'entends la porte s'ouvrir doucement, la lumière reste éteinte.

- Elle n'est pas là. Dis la femme soucieuse. D'autres pas raisonnent dans la chambre, plus lourds, c'est lui.

- Elle doit se planquer... Tiens! Elle est là.

Les pas se rapprochent de moi, je resserre ma prise sur mes jambes repliées, j'enfouie ma tête entre mes genoux.

"Ne pas le regarder, ne pas parler".

Le rideau s'ouvre, il se met à ma hauteur et sa main se pose sur ma jambe, je frémis sous son contact.

- Tu ne risques rien, je te l'ai dit. Personne ne te fera du mal ici. Allez relève toi, j'ai amené une amie. Elle est médecin et elle veut t'aider aussi.

Une amie? J'en avais une avant, Lucie. On ne se quittait jamais, jusqu'à......

Je relève la tête sans le regarder et sa main s'enroule dans la mienne. Elle est chaude, légèrement rugueuse. Pourquoi est-il si gentil avec moi? C'est pour mieux me frapper ensuite? Je dois me méfier, je n'ai pas confiance mais je suis tellement fatiguée de subir, de penser que peut-être si je me laisse faire, il ne m'arrivera rien comme il me l'a dit.

Ma main se resserre sur la sienne et il m'aide à me redresser. Nous nous éloignons de la fenêtre pour nous diriger dans le salon. Je passe à côté de la femme, ne la regarde pas mais je sens son parfum floral. Elle sent bon, vraiment très bon.

Il m'installe sur une chaise et s'assoit face à moi. Sa main se pose sous mon menton et il le relève doucement. Je tourne la tête, ferme les yeux, les battements de mon cœur s'accélèrent. Il soupire et son souffle vient caresser ma peau. Il a bu un café. J'aime le goût du café.

- Regarde-moi.

Non pas ça!! Je n'ai pas le droit, je ne peux pas. Chaque tentative d'avoir regardé mon bourreau m'a tant coûté. Pourtant hier je n'ai pas réussi à détourner le mien quand nous sommes tombés et il ne m'a rien fait. Peut-être que....

- Regarde-moi s'il te plaît. Il insiste sur un ton plus ferme mais la femme intervient.

- Vas-y doucement, il se peut qu'on lui ait interdit de regarder quelqu'un dans les yeux. Ca expliquerait pourquoi elle nous fuit.

Elle a raison, c'est interdit ou était? Je ne sais plus qui croire, j'angoisse de nouveau, mes mains sont moites et mes jambes se mettent à trembler. Mon souffle s'accélère, les larmes remontent à la surface et se déversent sur mes joues. Une boule douloureuse s'installe dans ma gorge. La panique me gagne, je ne sais pas quoi faire, ce que je dois faire, ce que j'ai le droit ou pas de faire. J'ai besoin qu'on me le dise. Je n'ai pas le droit de prendre des décisions, des initiatives. Il faut me le dire, mais qui croire?

- Elle panique, il faut que tu la calme.

- Moi? Je suis sûr que tu ferais mieux.

- Non, elle a besoin que tu l'aides, c'est toi qui la sortit de cette cave, qui lui a fait prendre un bain, qui la coucher. Continue. Fais-moi confiance.

Le son de leur voix est étouffé par le bourdonnement dans mes oreilles et puis ses mains entourent mon visage. La chaleur qui s'en dégage calme les pulsations dans mes tempes. Il force légèrement pour que je me retrouve face à lui et je ferme immédiatement les yeux.

- Non! Ouvre les yeux et regarde-moi. Sa voix raisonne, le ton est ferme mais pas colérique. Je m'aventure à obéir et une fois de plus je le fixe. Ses prunelles noires si intenses me fascinent. Il est beau, terriblement beau.

Ses cheveux mi long bruns retombent en boucles légères dans sa nuque et sur son front, ses yeux sombres me sondent, il a un nez fin et une bouche pleine. Une barbe naissante ajoute à cette image une touche de virilité supplémentaire. J'imprime ce visage dans ma mémoire pour ne jamais l'oublier. Sa bouche se tord légèrement en un timide sourire ce qui me surprend. Je n'ai aucune idée de l'image que je renvoi, je n'ai pas osé me regarder dans le miroir hier.

Il ne me lâche pas du regard et moi non plus jusqu'à ce qu'un raclement de gorge dans mon dos le détourne de moi, je fronce les sourcils tout en continuant de l'observer.

Il revient vers moi et pour la première fois je le vois me parler.

- Comment tu t'appelles?

pourquoi me demande-t-il tout ce que je n'ai pas droit de faire? Je fais non de la tête et me détourne de son regard si intense. Mais il me ramène vers lui encore une fois.

- Tu ne crains rien, je te le promets. Parle-moi. Nous voulons t'aider mais tu dois nous parler.

Cette fois-ci c'en est trop pour moi. Je ne supporte plus ses yeux rivés sur moi, cette femme qui attend dans mon dos et la peur me gagne encore mais c'est mon corps qui réagit, je m'effondre de ma chaise. Mon esprit a dit stop et je sombre.

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