04h36
Plusieurs minutes se sont écoulées. Je suis cette fois dans la bibliothèque, au rez-de-chaussée de la maison des Mayer. Cela me fait penser à la carte sur le livre de Michel. Je ressens sa queue de cheval qui frotte sur sa nuque, tandis que Linda ajuste ses lunettes sur le bout de son petit nez délicat. Mon ERA a diminué de quinze points une nouvelle fois, mais rien d’inquiétant pour le moment.
Les pensées de Linda sont assez calmes.
(J’ai déjà bien avancé, mais il faut que je reformule.)
Elle écrit d’une main assurée avec rapidité, son écriture est méticuleuse et très soignée. Depuis son regard, je lis son texte, pendant qu’elle retouche rapidement certains passages.
/Firinus, de ton nom savant, mais firin, c’est bien plus commun. Tu es un minuscule insecte nocturne, volant haut dans le ciel, qui éclaire nos nuits telle la lune. Aucune température ne te dérange, mais le soleil est bien trop brillant pour toi. Heureusement, un miracle naturel te permet de savoir quand il se lève./
Linda trempe rapidement sa plume dans l’encrier, puis observe chaque mot méticuleusement. Je ressens l’amour qu'elle investit dans les lettres qu’elle trace sur les pages de ce papier légèrement jaune. Ce n'est pas de l'usure, mais sa conception. Il n’est pas fait avec des arbres, mais avec du chanvre. D’ailleurs, le livre de Michel aussi était dans cette matière.
/Cher ovipare si mignon, bien que tu ne vives que le temps d’une année, c’est toujours agréable de te rencontrer. Surtout quand, pour nous, ensemble, vous jouez, cette douce mélodie qui nous fait rêver et vous permet également de communiquer./
Le firin n’est pas une créature terrestre, mais j’ai cette impression de similitude avec la luciole. Les pensées de Linda viennent encore.
(J’aime le rythme, je vais enchaîner directement !)
Son sourire m’est perceptible, tandis que je lis la suite.
/Je peux ajouter que quand tu te nourris, les plantes t’en remercient, elles aussi mangent bien, c'est votre lien commun !/
Cette description m’évoque une réminiscence liée à la pollution lumineuse des éclairages publics. Les firins sont le moyen de les supprimer, mais aussi de nourrir et renforcer les plantes par un lien symbiotique. La chaîne alimentaire à double sens ? Où est-ce que j’ai entendu cela. Linda écrit encore, tandis que la flamme produite par la lampe à huile éclaire plusieurs pages griffonnées.
/Laisse-moi te décrire, toi qui as six pattes, quatre ailes, une paire d’antennes et deux yeux noirs, le tout sur un corps allongé. D’une couleur oscillant entre bleu et vert, mais écarlate pour ta reine. Une pointe fine termine ton abdomen. Cher ovipare d’une année, je te souhaite une bonne journée./
La bibliothèque est d’une taille moyenne, remplie d’étagères pleines de livres. Tout est nettoyé avec soin, les fenêtres closes ne laissent entrer aucun son si ce n’est le griffonnement de la plume sur le papier. Tout est bien agencé, les chaises sous les tables rendent le cadre encore plus calme. Alors que l’encre sèche déjà, Linda, souffle légèrement dessus et laisse ses pensées s’exprimer.
(J’aime vraiment écrire, cela m’offre une liberté incroyable. Tout devient possible avec les mots, aucune entrave n’existe plus, et je peux tout dire et écrire. La plume est mon reflet.)
Tandis que mes perceptions basculent de nouveau sur les sens de Michel.
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