05h40
Kenji observe rapidement la moitié restante de brioche sur la table où des miettes sont désormais présentes, avant de regarder Michel dans les yeux. Cette cuisine me semble si familière maintenant.
« Alors, comment tu vas t’organiser aujourd’hui, Michel ? »
« Je vais récupérer mon épée à la forge, puis j’irai m’entraîner avec Richard, Mike, et Katsuya. »
« Cet entraînement sera ton premier trois contre un, c’est bien plus complexe qu’un duel. »
« Je sais ! Je vais devoir gérer simultanément plusieurs opposants capables de se coordonner. »
« Un conseil, n’en fixe aucun et garde un champ de vision global. »
« Tu as raison, Papa, mais au fait, tu vas à Ardentia aujourd’hui ? »
« Oui, je dois régler plusieurs tâches administratives. »
(La table a besoin d’être lustrée.)
Kenji a des pensées fugaces malgré cette conversation. Michel est très attentif quant à lui.
(Papa s’est égratigné la main, on dirait.)
« Quand est-ce qu’on commencera ma formation, Papa ? »
« Dans la semaine, donc, commence par tenir un registre des flux monétaires du village. »
(J’aime bien la coupe de cheveux comb over de Papa, mais je préfère, les coupes de shaggy cut.)
Michel admire encore son père, mais prouve aussi qu'il est lui-même.
« Très bien, j’en commencerai un ! »
« On dirait que quelque chose t’intrigue, Michel ? »
« Je me demandais juste pourquoi tu avais décidé de sucrer ton café ? »
« Parce qu’un jour, ta mère m’a dit d’un doux murmure. »
Kenji adopte une voix pleine de mélancolie.
« Le café est comme l’amour, il faut le sucrer pour le rendre mémorable et révéler sa vraie saveur. »
« Elle a réussi à te faire changer d’avis ? »
« Elle avait sa propre façon de persuader les gens d’agir comme elle le désirait. »
« J’aurais aimé la connaître. Maman devait être une femme formidable. »
« En effet, mais on doit rester fort pour honorer sa mémoire. »
Kenji regarde Michel dans les yeux, avec un sentiment de fierté inexorable.
« Ta mère avait un caractère inébranlable, et elle serait fière de toi. »
« Merci de m’avoir dit ça, Papa. Sur ce, je vais y aller. »
« Passe une bonne journée et tâche de rester prudent. »
Kenji se lève doucement, puis attrape les tasses vides en souriant. Michel quitte la cuisine d’un pas serein et déterminé, et alors que mes perceptions passent sur ses sens, je fais un point rapide de ma situation et de ce que j'ai compris.
Je suis l’observateur d’un Chishiki, mais j'ignore son nom. Ces êtres qui conservent la mémoire de toute l’humanité sont aussi nommés "les gardiens de la connaissance." Sauf que je ne devrais avoir aucun souvenir, juste une programmation mémorielle de mes capacités et de mes instructions. Mes déplacements devraient être contrôlables, sauf si… Non, c’est impossible ! Pourtant, ai-je moi-même été… Oublions cela, mais mes perceptions sont partiellement influencées par la personne dont je perçois les sens. Ce qui est illogique vu mon rôle neutre !
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