06h02

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Mizuki est face à son miroir et pose une main sur son ventre dénudé. Je ressens chez elle de la contrariété alors que ses pensées prennent le pas sur les miennes.

(Mes muscles sont fermes, mais tellement discrets.)

Elle se compare visiblement à Michel et Kenji. Il est maintenant plus de six heures du matin. Ses pensées continuent d’affluer, ce qui m’empêche d’analyser.

(On est le vingt-deux, donc je vais bientôt avoir mes règles. Je déteste cette période !)

Mizuki marche vers sa commode d’un pas léger, puis trempe ses mains dans la vasque.

(Ce n’est pas évident d’être une fille, mais les garçons aussi ont sûrement leurs problèmes.)

Elle soulève l’eau dans ses mains d’un geste rapide, tandis que les aquinas s’éloignent. Après s’être rincée le visage, elle les observe puis murmure d’une voix admirative.

{Les aquinas repèrent ma présence à chaque fois ! Je vais les observer un peu !}

Les sens de Mizuki laissent place à ceux de Thomas.

*** *** ***

La chambre de Thomas est au premier étage de la maison des Bélim. Une pièce très ordonnée, avec un tableau noir gribouillé de notes. La vue de Thomas me permet de voir le document qu’il lit, puis il relève la tête et fixe Éline qui est assise sur le bord du lit en soutenant son ventre arrondi d’une main. Je vais essayer de ne pas analyser l'heure et mon ERA constamment.

« Je voudrais revoir le cours que j’ai préparé pour les enfants avec toi, Éline. »

« Je t’écoute, Papa ! »

Éline est souriante, ses pensées joyeuses accaparent les miennes.

(Le bébé a bougé ! Je l’ai senti !)

« J’ai essayé d’améliorer l’explication sur le fonctionnement de notre calendrier. »

« Qu’as-tu modifié ? »

(Papa, est toujours aussi distrait.)

« Je vais commencer directement par une question ouverte. »

« C’est intéressant, mais quelle est-elle ? »

(Je me demande si Éline attend un garçon ou une fille.)

« Combien de mois compte une année ? »

« Treize ! Désolée, Papa, je me suis laissée emporter, continue. »

« Au contraire ! Réponds à chaque fois, ça me permet d’enchaîner. »

« D’accord. »

(Les cheveux auburn de papa n’ont pas blanchi malgré les années.)

Thomas pense également en se remémorant un souvenir.

(Éline a les cheveux acajou de sa mère.)

C’est étrange, pourquoi je semble autant tous les connaître ?

« Combien y a-t-il de jours par semaine, et combien de jours compte chaque mois ? »

« Sept jours. Vingt-huit, sauf le dernier qui en possède vingt-neuf. »

(Papa devrait passer chez Annie, ses cheveux lui arrivent déjà aux épaules.)

(Éline a hérité de mes grosses lèvres.)

« Cite-moi chacun des mois dans l’ordre. » Thomas pense qu’Éline ressemble à sa mère.

(C’est aussi amusant que quand j’étais petite et qu’on faisait des quiz papa, maman et moi.)

« Jeva, glim, solum, luminea, flori, solari, nympha, autuma, nebulis, hierna, frostia, nieole, cyclus. »

Thomas relit ses notes et effectue quelques ajustements, puis réajuste ses lunettes épaisses.

« Cite-moi chacun des jours dans l’ordre. »

(Tu me manques, Carla.)

« Lunae, martis, mercurii, jovis, veneris, solis, dimis et circulus. »

« Combien de fois circulus apparaît dans une année et quelle est sa signification ? »

« Une fois, c’est le festival du renouveau. Il marque la fin d’une année et le début d’une nouvelle. »

« Comment gère-t-on l’année bissextile qui a lieu tous les quatre ans ? »

« Circulus dure quarante-huit heures, on appelle cet événement l’avènement du renouveau. »

« Cite-moi les quatre saisons et le premier jour de chacune d’elles ?

Mon passé serait-il lié à ce village ? Cela expliquerait pourquoi je connais leurs prénoms ?

« Le printemps, qui tombe le sept solum, l’été, qui commence le quatorze solari. L’automne lui démarre le vingt-un nebulis, l’hiver le vingt-huit nieole, et c’est toujours un dimis. »

Ce calendrier, j’ai l’impression que c’est pour corriger les défauts du grégorien.

« Combien de jours compte une année ? Combien d’heures compte une journée ? »

« Trois cent soixante-cinq jours et vingt-quatre heures. »

« Cite-moi le nom du créateur de notre calendrier ? »

« Noran Keltus, né avant le calendrier, mort en l’an trente-six. »

Ce nom m’est familier, mais il m’est impossible de me souvenir pourquoi. Noran ? Noran ?

« Bon, ça me convient, même si je sais que les enfants ne répondront pas aussi facilement. »

« Tu devrais aussi parler de la dernière chanson chantée par Mizuki au festival du Renouveau. »

« Tu veux parler de ‘Merci Nature’ ? »

« En effet, car cela pourrait renforcer leur motivation pour le cours. »

« C’est vrai que les chansons qu’elle écrit, combinées à sa voix, plaisent vraiment aux enfants. »

« Dommage que ce ne soit qu’un passe-temps pour elle, car son talent est indéniable. »

« Ce n’est pas faux, merci de cette suggestion, Éline. »

Thomas tourne son regard vers une étagère remplie d’ouvrages anciens et se met à réfléchir.

« On dirait que quelque chose te tracasse, Papa. Tu t’interroges encore sur le passé ? »

« Je me demande comment était le monde autrefois, car il reste peu d’informations à ce sujet. »

« Je ne sais pas comment étaient nos ancêtres, mais… »

Éline se lève doucement, puis s’approche de Thomas. Elle place ses mains sur ses épaules et entame un massage léger et agréable qui le détend de ses douleurs légères, mais continues.

« Tu es vraiment tendu et tu sais pourtant que ce n’est pas bon pour ta santé. »

« Tu as raison, mais toi aussi tu devrais te ménager ! N’oublie pas que tu attends un bébé. »

« Oh, mais ne t’en fais pas ! Samuel me ménage déjà bien assez ! »

« C’est normal, c’est ton époux. »

« Ne te mets pas à me couver ! Je ne suis plus une enfant. »

« Tu seras toujours ma fille, même après ma mort. »

« Pourquoi les deux hommes de ma vie pensent que je ne peux plus rien faire ! »

« Je ne dis pas que tu ne peux plus rien faire, mais là, tu es enceinte de six mois. »

« Moi, ça ne me gêne pas ! »

« Tu n’as pas changé ! Déjà petite tu restais toujours après l’école pour nettoyer. »

« La propreté est essentielle, et il est naturel de nettoyer ce que l’on salit ! »

« Mais tu étais la seule à le faire chaque soir, même quand ce n’était pas ton tour. »

« Le ménage revient à tous et ce n’est pas une question de programme. »

« Tu n’as jamais délégué tes tâches et c’est ainsi depuis la mort de ta mère. »

« C’est une chose évidente que de prendre ses responsabilités ! Maintenant, détends-toi et profite ! »

« Je sais que tu as raison, mais imagine toutes les connaissances qu’avaient nos prédécesseurs. »

« Papa, je n’échangerais aucune connaissance au monde contre notre lien. »

« Tu as raison, mais n’oublie pas que l’ignorance est un crime qui nous conduit à l’échec. »

« En effet, mais les sentiments sont aussi une forme de connaissance.

Éline enlace Thomas en passant ses bras sur sa poitrine dans une étreinte réconfortante.

« L’important est ta dévotion et n’oublie pas la première règle de l’éducation. »

« Tu as raison ! On doit s’adapter aux besoins individuels et collectifs de chacun. »

Les sens de Thomas s’effacent et la chaleur du feu de camp est agréable par ce temps doux, mais les yeux de Shana se ferment souvent.

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