« Tout est recouvert de mousse et de lichen, les fougères et les buissons forment un cercle autour. »

« Ça prouve que personne n’est venu là depuis longtemps, Alain ! »

« Cet autel gâche le paysage, pourtant ce lieu est si paisible et serein. »

« On n’est pas là pour se détendre, Émi ! »

Karl hurle sur Alain et Émi pendant qu'il observe la clairière.

« Comment on peut être assez idiot pour faire des sacrifices ! D’abord, à quoi il les faisait, Alain ? »

« Sûrement un dieu maléfique vaincu par Mirina, peut-être que le nom est indiqué sur l’autel ! »

« On s’en fiche. Le principal, c’est qu’il soit mort et que Mirina nous protège, pas vrai, Shana ? »

« Je suis d’accord avec toi, Émi, que ce soit pour Mirina ou pour ce magnifique paysage. »

« C’est bizarre, on dirait qu’il n’y a aucune trace de bandits, Karl. »

« Non, sérieux ! Tu le remarques seulement maintenant ? Bordel ! J’ai dû me planter de chemin. »

Les arbres s’étendent vers le ciel en une canopée filtrant les rayons du soleil et projettent leurs ombres mouvantes sur l’herbe verdoyante tapissée de fleurs multicolores. Shana ferme les yeux, puis inspire lentement alors que son corps se détend. Les apinas butinent, les oiseaux gazouillent, les feuilles bruissent au sautillement des furvius. Pourquoi Shana a-t-elle une vision si poétique ? Ce n’est pas mon rôle d’analyser ainsi, cela n’apporte rien de concret.

« Mais c’est bien à l’autel du dernier sacrifice qu’on devait se rendre, Karl ? »

Alors qu'Émi pose sa question, Karl hurle encore.

« C’est de ta faute, Shana ! L’autre chemin devait avoir des traces, et tu ne les as pas vues ! »

Shana rouvre les yeux, son regard se fige sur des ombres étranges.

(Derrière les rochers, on dirait des… Ce n’est pas vrai !)

« Tu m’écoutes au moins ! »

« Préparez-vous au combat ! On est encerclés par l’ennemi ! »

Soudain, un grikan armé d’une dague surgit de derrière un rocher en se jetant sur Karl. Shana décoche un tir rapide qui l’atteint en pleine tête et le fait s’écrouler dans une mare de sang.

« C’est dégueulasse ! J’ai plein de sang sur moi. C’est quoi ce truc, avec ses cheveux hirsutes ! »

« Restez concentrés ! Il y en a d’autres ! »

(Je ne les ai pas vus… Quelle idiote !)

Le grikan gît au sol, mais rapidement une vingtaine d’autres encerclent le groupe.

« D’où est-ce qu’ils sortent, ceux-là ? On est complètement encerclés ! Comment ça a pu arriver ? »

« Alain ! Redonne-moi mon bâton ! Je ne peux rien faire sans, toutes mes formules sont dedans ! »

« Euh… Oui… Tout de suite… »

(Je dois donner son bâton à Émi… Non, plutôt m’enfuir !)

« Restez calmes et regroupez-vous ! Émi, tu n’as rien pour te défendre ! Viens derrière moi !

Shana observe la fuite d’Alain et abat le grikan qui le poursuit d’un tir dans l’œil.

« Karl ! Il faut que tu coordonnes nos actions ! Alain, reviens ici ! C’est dangereux de t’éloigner. »

Trois grikans encerclent Karl qui se met à agiter son épée dans tous les sens.

(Je dois choisir l’ordre de mes cibles ! Pour ça, leurs yeux ocre caverneux sont le meilleur indice.)

Shana effectue un tir puissant qui perfore un grikan entre les deux yeux pour protéger Émi.

« Émi, ne fonce pas vers Alain ! »

(La peau grisâtre des grikans est couverte de cicatrices.)

Rapidement, deux grikans bloquent Émi en riant avec un air cruel.

« Dote akkuri, tak fei fem, gar fei fim. » (Attaquer ensemble, tuer les hommes, garder les femmes.)

C’est étrange. Bien que leur langue me soit inconnue, ma compréhension en est parfaite.

(Ils sont trop nombreux ! En plus, leurs petites tailles les rendent agiles. Pas facile de les toucher !)

Un des tirs de Shana blesse un grikan à la jambe, Karl l’achève d’une décapitation.

« Ressaisis-toi, Karl, on a besoin d’instructions précises ! Alain ! Reviens et rends son bâton à Émi ! »

(Malgré tout, ils sont bien musclés.)

« Vite, Émi, utilise ta magie ! »

« Je ne peux pas, Karl ! Je n’ai pas mon bâton ! »

« Alain, mais qu’est-ce que tu fous, bordel ! »

« Je ne voulais pas devenir aventurier, moi ! Je devais juste apprendre l’histoire ! »

La fatigue de Karl m’est perceptible, tout comme la peur d’Émi et d’Alain via le regard de Shana.

(Pourquoi Émi m’a entraîné là-dedans ? Tout ça parce qu’elle voulait s’acheter ce fichu collier !)

Un grikan décoche une flèche qui frôle le visage Shana, puis enchaîne d’autres tirs en restant caché.

« Me toucher pas sale monstre ! »

(Maman !)

Alain trébuche soudain sur une pierre et plusieurs grikans l’entourent rapidement.

« Non ! Laissez-moi, je ne veux pas mourir ! »

(Papa !)

La gorge d’Alain est tranchée d’un geste vif par l’épée d’un grikan et son sang se répand sur le sol.

« Jaat tak luuma. » (J’ai tué l’humain.)

Grag rit en dansant de façon cérémonielle, tandis que les cris de tristesse d’Émi retentissent.

« Alain ! Ce n’est pas vrai... Non ! Pas mon petit frère ! Pourquoi ça nous arrive ? »

Émi traverse la clairière en passant proche des grikans qui rient de son désespoir. Karl est encerclé et agite son épée dans le vide avec des mouvements désordonnés. Shana reste en mouvement pour esquiver l’archer qui décoche ses flèches à vive allure. Tout s’enchaîne très rapidement.

« Vous approcher pas bande de monstres ! Je ne vais pas vous laisser me tuer ! »

(Je sens la terreur des humains, seule l’archère reste concentrée, mais j’en ferai mon esclave.)

« J’arrive, petit frère… Ça va aller, je vais te ramener à la maison… »

Shana décoche une série de flèches en direction de l’archer et parvient à le blesser à la jambe.

(Les humains sont tellement faibles, et j’adore soumettre leurs femmes.)

Karl subit de nombreuses entailles, morsures et lacérations avant de s’écrouler dans une mare de sang, tandis que Shana effectue un tir qui perfore le crâne du grikan qui la visait.

(Ce n’est pas vrai, j’aurais dû repérer les grikans plus tôt ! Comment j’ai pu être aussi stupide ?)

Émi avance vers le corps ensanglanté d’Alain avec un regard empli de larmes.

(Je dois au moins essayer de sauver Émi !)

Les grikans dansent sur leurs victimes en chantant bruyamment.

(C’est juste un mauvais rêve, hein !)

Alors que la pensée d'Émi me parvient, les sens Shana laissent place à ceux de Michel.