13. Pathétique colère

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Ysée

Je suis obligée de m’arrêter dans le couloir qui mène à la partie où réside Marina tellement j’ai les nerfs en pelote. J’en tremble presque de rage et de colère et je suis obligée d’appuyer mon dos contre le mur pour parvenir à me calmer. Je ne sais pas ce qui m’énerve le plus entre le fait qu’ils veulent transformer le spectacle en un espace plus sécurisé qu’un aéroport israélien ou bien toutes les provocations et les piques que m’a lancées ce stupide Français que Julia a dégoté je ne sais où. Et si je veux être honnête avec moi-même, je crois que ce sont ses remarques qui me dérangent le plus. Quel con ! Mais quel gros con, même ! Franchement, me traiter de gamine, me rabaisser comme ça devant tout le monde, c’est inadmissible ! Quel plaisir peut-il trouver à agir ainsi, ce blondinet qui est assurément célibataire vu comme il sait parler aux femmes ?

J’ai un peu repris sur moi et je me redresse en essayant de repousser au loin l’idée qui vient de me traverser l’esprit mais, insidieuse, elle revient et ne veut pas s’effacer, comme si elle était inscrite de manière indélébile en moi. Pourquoi je me suis mise en tête que je m’en fous de comment il sait parler aux femmes parce qu’il doit savoir les baiser ? Je dois être complètement folle pour avoir de telles idées dans ma petite tête, non ?

Lorsque j’arrive devant la porte de l’appartement de la Présidente, je suis arrêtée par deux gardes qui m’empêchent d’avancer et même de frapper.

— Vous ne voyez pas que j’ai des affaires dont je dois discuter avec la Présidente ? Vous croyez que vous faites quoi, là ? leur demandé-je sèchement.

— La Présidente ne nous a pas informés de votre venue, Madame.

— Bien sûr que non puisque je viens la voir à l’improviste pour régler une situation de la plus haute importance concernant l’avenir du pays ! Vous n’allez quand même pas m’empêcher de résoudre cette question ? Je vous préviens que si vous ne me laissez pas la voir, je vous reporterai au chef des armées et à la cheffe de la sécurité et que vous pourrez dire adieu à toute promotion !

Je sais que je m’emporte pour rien, qu’ils sont simplement en train d’essayer de remplir leur mission au mieux, mais à travers ces deux militaires, c’est Snow que je vois. C’est un peu comme si mon fantasme s’était transformé en cauchemar et que je suis désormais prête à frapper sur tout ce qui porte un uniforme.

— Je vais demander à la Présidente si elle peut vous recevoir, Madame, soupire le plus âgé qui frappe à la porte avant d’y entrer.

J’essaie de m’engouffrer à sa suite mais l’autre garde s’interpose et je me frappe la joue dans le haut de son fusil.

— Non mais vous n’allez pas m’éborgner, en plus ! Je note votre matricule et je ferai mon rapport, je vous le certifie !

— Je vous en prie, Madame, ne vous gênez pas, je suis persuadé que je serai félicité de bien faire mon travail, ricane-t-il.

La marmite revient immédiatement à ébullition et je vois rouge en constatant qu’il arbore le même type de petit sourire satisfait que Snow, tout à l’heure.

— Sergent, crié-je, votre manque de respect est inadmissible ! Non mais j’en reviens pas, là ! Vous allez me laisser passer tout de suite et je vous assure que, si vous me bloquez encore le chemin, je vais vous faire passer un sale quart d’heure !

Wow, vive la menace. J’ai beau être plus grande que lui, je n’ai ni sa musculature, ni ses armes. Bravo Ysée, tu es forte avec tes arguments à la con !

— C’est bon, grommelle celui qui fait son retour. Laisse-la passer avant qu’elle ne se mette à pleurer. La Présidente vous attend, Madame.

Je ne prends même pas la peine de leur répondre, je redresse le menton, j’essaie d’arborer un air digne et fier et passe à côté d’eux sans leur adresser un regard. Mais je frémis quand je les entends ricaner à peine ai-je franchi le seuil. Les gros porcs doivent être en train d’avoir des pensées salaces à mon égard. Ils mériteraient vraiment que je les dénonce. Et c’est énervée comme pas possible que j’arrive dans le bureau de Marina qui est assise à son bureau, ses lunettes de vue sur le bout de son nez. Elle m’observe de ses yeux perçants et c’est un peu comme si toute ma colère était en train de fondre.

— Merci de me recevoir, Marina. Il me faut votre soutien pour le concert des Grâces Celtiques. Vous savez ce qu’ils veulent en faire, vos gardes ? Une prison dans une salle de spectacle ! C’est honteux de traiter l’art comme ça ! Il faut râler et leur réexpliquer qui est le chef !

— Ysée, soupire Marina en me faisant signe de m’asseoir. Pourquoi est-ce que c’est si dérangeant que ça, qu’il y ait de la sécurité ?

— Parce que c’est le concert du Renouveau ! Celui du retour à avant, quand on pouvait se libérer dans l’art sans crainte de se prendre une balle perdue d’un soldat trop con pour ne pas utiliser l’arme mise à sa disposition ! Non mais, la sécurité, oui, mais la prison, même si elle est dorée, moi je dis non !

— J’ai confiance en Julia et en ses hommes. Pas de balle perdue à craindre. Et pour qu’il y ait une balle de tirée, il faut qu’une menace soit dans la salle. Franchement, Ysée, il n’y a pas plus important à faire que de se plaindre de notre sécurité lors du concert ? Personnellement, je m’en contrefiche de tout ça !

— Mais autant annuler le concert alors ! Ou bien, on dit tout de suite que c’est un événement pour le moral de l’armée, avec uniquement des soldats dans la salle et on dit à la chargée de communication d’en faire un beau sujet de propagande !

— Ce concert aura lieu, un point c’est tout. Et Julia et son équipe gèrent la sécurité comme ils l’entendent. Je le dis et le répète, je m’en fiche complètement. Tout ce qui m’importe, c’est que le projet aboutisse ! Tu ne vas quand même pas tout annuler maintenant, après ces semaines de préparation, juste parce que voir des militaires te colle des frissons, enfin !

Je la regarde un instant, incrédule face à sa pique. Je suis à deux doigts de lui exploser entre les doigts et de lui sauter dessus, mais je prends sur moi et respire un bon coup.

— Il en sera ainsi, Madame la Présidente. Désolée du dérangement.

OK, j’en rajoute une tonne dans le cérémonieux mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour ne pas commettre un crime. Je tourne les talons et me précipite vers la porte que j’ouvre avec force avant de sortir en la claquant derrière moi. Je dois vraiment faire peur car les deux gardes n’osent même pas me faire une remarque ou me regarder alors que je cours presque dans le couloir. Et je cours tant et si bien qu’au détour d’un angle, je percute de plein fouet la personne qui venait en sens inverse.

— Mais vous ne pouvez pas faire attention à ce que vous faites ? m’écrié-je alors que je me frotte le menton.

Quelle n’est pas ma surprise en voyant que l’armoire à glace que je viens de bousculer n’est autre que le Lieutenant Snow lui-même.

— Difficile d’éviter une roquette lancée à pleine vitesse. Vous marchez avec des œillères ou quoi ? ricane-t-il.

— Vous venez faire quoi, ici ? Vous assurer que la Présidente ne s’est pas rangée à mon avis ? demandé-je, sentant la colère s’intensifier en voyant le petit sourire de Julia suite au bon mot de son coéquipier.

— Nous avons rendez-vous avec elle pour faire un point sur la sécurité, rien de plus. Désolé de vous décevoir, Miss Coincée, mais notre monde ne tourne pas autour de votre joli petit cul.

— Snow, soupire Julia, c’est bon. Effectivement, nous allons voir Marina.

— Eh bien, pas besoin de vous déplacer jusqu’à elle, elle vous fait confiance et moi, je n’ai qu’à faire avec, m’emporté-je. Franchement, ça va être beau le spectacle avec des kalashnikovs dans tous les recoins de la salle. Pas sûre que les habitants de la ville s’y retrouvent !

— Dites, est-ce que vous étiez là pendant la guerre ? m’interroge Snow en se rapprochant. Vous avez vécu sous les bombes ? Vos parents ont galéré pour remplir votre assiette ? Non parce que je me demande si vous vivez sur cette planète, Miss Coincée. On n’est pas dans un de vos petits films romantiques où tout est beau et rose, pour info !

— Et on n’est pas dans le dernier film de Bruce Willis. Lui, au moins, quand il a une arme, il a du charme ! C’est ça, un vrai super héros, pas un type qui se contente de passer ses nerfs sur une femme comme moi. Il faut savoir que dans la vie, c’est pas forcément celui qui en a une plus grosse qui a raison.

— Là, en l’occurence, je penche plutôt pour celui qui a un cerveau plutôt qu’une petite Ministre à l’air supérieur et qui est incapable de contrôler ses émotions, grogne-t-il. Faut grandir ou bien retourner sous les jupes de Maman, Madame la Ministre !

— Mat a raison, Ysée. Tu prends tout trop à cœur. On ne parle pas de choses exceptionnelles, mais juste de s’assurer que cette soirée, où il y aura plein de public, se passera bien. Et toi, Snow, essaie de baisser le ton, un peu. Tu ne vois pas que tu la braques, là ?

— On a essayé la diplomatie, ça ne marche pas, bougonne-t-il en fusillant Julia du regard. Tu comptes passer ton temps à arrondir les angles et bichonner tous ces bureaucrates qui n’y comprennent rien ? C’est pourtant pas compliqué, menace donc sécurité, merde. J’y peux rien si tout ce qui l’importe, c’est son petit concert et l’image proprette qu’elle veut renvoyer !

— Vous êtes odieux ! Quand je pense qu’on aurait pu aborder ces questions de manière apaisée et constructive ! Julia, je ne sais pas ce qu’il t’a pris de faire venir ce malotrus, mais on serait mieux à gérer les choses entre nous. Je ne m’abaisserai pas à continuer cette conversation, car ça ne mènera à rien. J’ai dit à Marina que je ferai avec ce que vous avez décidé de toute façon. Alors, faites-vous plaisir. Évitez juste de mettre un char sur scène, ça gâcherait la vue sur les chanteuses.

— Vous me gonflez tous les deux, lance Julia. Il va falloir que vous fassiez l’un avec l’autre, parce qu’on a du boulot et que Snow reste, un point c’est tout. Donc, j’en sais rien, faites un entraînement de boxe ensemble, installez-vous autour d’une table et crachez votre venin jusqu’à épuisement, faites ce que vous voulez, mais réglez-moi cette affaire. Je vous dirais bien de tirer un coup ensemble, histoire de vous détendre, mais on est au boulot, là. Alors débrouillez-vous, mais je crois qu’on a tous suffisamment à faire pour ne pas ajouter un conflit stupide qui vient de je ne sais où et n’a pas lieu d’être. Sur ce, bonne journée, Ysée. Mathias, on y va, Marina nous attend.

Tirer un coup avec lui pour arranger nos affaires ? Sérieusement ? Elle croit que je serais capable de faire ça avec ce type dont la simple vue me met en rage ? Il faut croire que le stress lui a tapé sur le système. Parce que là, elle abuse clairement en prenant sa défense. Et ce concert que j’attendais avec tant d’impatience, finalement, je commence à me dire que ce n’était peut-être pas une si bonne idée que ça. J’espère qu’au niveau artistique, ça vaudra le coup parce que clairement, au niveau organisation, c’est parti pour être le pire événement jamais organisé.

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Je vous souhaite une belle année à venir. J'espère que 2023 vous apportera bonheur, joie, sourires, rires, santé, réussites, épanouissement et amour jusqu'à l'overdose.

Si pour ma part 2022 a été un peu compliquée, j'en retiens surtout la publication de Christmas Traditions en maison d'édition et donc la réalisation de l'un de mes rêves. Alors je ne demande pas grand-chose (en plus de tout ce que je vous souhaite juste au-dessus et que je veux pour moi aussi, bien sûr :p) à part encore beaucoup d'écriture, l'inspiration à foison, le plaisir de vous offrir nos récits, l'espoir de réussir à vous embarquer dans nos histoires.

Merci à vous de nous lire, je nous souhaite une année supplémentaire de partages !

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