18. Cinq à la maison

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Mathias

Lila monte le volume de l’autoradio sans pour autant arrêter de chanter plus fort que l'interprète, et je jette un coup d’œil à Sophia qui se bouche les oreilles dans son siège-auto, le tout agrémenté d’une grimace qui me fait éclater de rire. Bon sang, qu’est-ce que j’adore ces gosses ! Elles sont géniales, et j’en ai la confirmation quand je baisse le volume et pose ma main sur la bouche de l’ado pour la faire taire.

— Pitié, Lila, arrête de chanter, sinon le pays va être dévasté par une tornade.

— Oui, Lila, tu chantes comme Maman, c’est moche !

Je pouffe et bifurque dans la rue où vivent les Zrinkak, juste après que Lila a planté ses crocs dans la paume de ma main pour que je la lâche. Faut croire que les parents ont largement déteint sur leurs filles, elles ont toutes les deux du mordant, même alors que je viens de leur payer le meilleur goûter de leur vie après l’école. Sophia était toute guillerette d’avoir une glace plus grosse que mon poing, et Lila a adoré que ses copines voient son Tonton à la sortie de l’école. Paraît que je suis trop beau… Ça m’a fait rire, jusqu’à ce que l’une d’elle déclame haut et fort que je suis aussi beaucoup trop vieux. Ah, les ados…

Je me gare derrière la voiture d’Arthur en me demandant pourquoi ils m’ont tous les deux demandé d’aller chercher leurs gosses s’ils sont déjà rentrés, et un sourire se dessine sur mes lèvres en regardant l’heure. Nous avons dix minutes d’avance… Soit je les chope à la sieste, soit…

— Attendez-moi dans la voiture, les filles, j’arrive !

Je ricane déjà comme un con en sortant de la voiture et constate que la porte d’entrée est fermée à clé. Excellent… Je frappe comme un bourrin tandis que Lila me rejoint.

— Y a un problème, Tonton ?

— Non, t’inquiète pas, je pense que tes vieux font la sieste. Tu peux sortir ta sœur de la voiture.

Elle grimace en faisant demi-tour, ce qui me pousse à me demander si elle ne serait pas plus futée que je ne le pense alors que je fais le tour de la maison pour tenter d’entrer par la baie vitrée.

Magnifique.

Je m’engouffre dans la maison et longe le couloir pour aller frapper à la porte de la chambre.

— On est rentrés, mes lapins ! Va falloir reporter la partie de jambes en l’air !

— Putain, Snow, tu fais ch…

— Hé ! Ju, sois polie voyons ! la coupé-je en ricanant.

Souvenirs, souvenirs… Vu le nombre de fois où on a vécu ça au campement, je suis sûr que même s’ils sont frustrés, ils ont le sourire. Ou au moins une pensée positive. Ouais, non, pas dit, ce n’est pas très agréable d’être coupé en plein élan.

— Tu t’es foiré, t’aurais dû arriver cinq minutes plus tôt encore, se moque Julia en sortant de la chambre.

— Pense à passer par la salle de bain, ta tignasse ressemble à la forêt vierge qu’on a traversée y a quelques années, tu vas faire peur aux filles !

Elle lève les yeux au ciel et me gratifie d’une petite bourrade dans l’épaule tandis que Tutur sort en boutonnant son pantalon. Elle n’a pas vraiment le temps de répondre puisqu’on entend Sophia appeler ses parents depuis le salon. Le sourire de mon amie réapparaît instantanément en s’éloignant, et je me tourne vers Zrinkak qui l’observe silencieusement.

— Ferme la bouche, tu baves, me moqué-je.

— Parce que toi, tu ne la trouves pas canon ? Je te jure que tu as bien fait de ne pas arriver cinq minutes plus tôt sinon je t’aurais haï jusqu’à la fin des temps ! me répond-il avec un air toujours niais.

— Tu vas me haïr si je te dis que je la trouve canon. Tu cherches à me piéger ?

— Non, c’est juste la vérité toute simple. Ma femme est la plus belle du monde, il n’y a rien à dire là-dessus !

— L’amour rend vraiment niais, grimacé-je. Bon, je te préviens, les filles ont fait le plein de sucre, j’ai hâte de voir comment vous allez galérer à les coucher ce soir !

— Si tu crois qu’on va te laisser partir avant qu’elles ne soient au lit, tu te mets le doigt dans l'œil, mon ami !

— Le barbecue a intérêt d’être bon et de me remplir suffisamment pour que je ne puisse plus bouger, ris-je en le suivant au salon, sinon, je m’éclipserai juste après une bonne séance de chatouilles pour finir de les exciter !

— On s’en souviendra quand tu deviendras papa à ton tour, je te le promets !

Je ricane en attrapant Sophia avant qu’elle n’atteigne son père, pour une petite séance de chatouilles qui emplit la maison de rires. Des gosses, moi ? C’est pas demain la veille. Les mômes, c’est mignon, chez les autres. Je préfère largement jouer le Tonton cool qui les gâte, les fait rire et les empêche de dormir, plutôt que de devoir les gérer H24.

— Hé, allez jouer dehors, Lila fait ses devoirs, nous interrompt finalement Julia, le sourire aux lèvres. Et vas-y mollo, Sophia est toute rouge à force de rire.

— Ok, ok, pardon, mesdames ! Sosso, je crois que tu m’as promis de jouer à la poupée avec moi, non ? Tu vas les chercher ?

Le sourire dont elle me gratifie pourrait me mettre à genoux. Ouais, moi qui me suis promis de ne plus jamais craquer pour une femme, la petite brunette de trois ans et quelques pourrait bien me faire faire ce qu’elle veut, je dirais Amen sans hésiter.

— Rassure-moi, Ju, c’est pas toi qui cuisines ce soir, hein ? Faudrait pas qu’on fasse une indigestion, si près du concert.

— Non, on va te laisser au fourneau si tu continues à être aussi insupportable ! Et ne parle pas du concert, le boulot est déjà assez stressant comme ça.

— Ok, pas de concert, mais avoue que je t’avais manqué, lui lancé-je en l’attirant dans mes bras. Même quand je suis insupportable. Encore plus quand je le suis, d’ailleurs !

— Oui, tu m’as manqué, Lieutenant canon. Quelle idée de retourner vivre en France alors que je vis ici !

— N’empêche qu’il a raison, mon Cœur, il faut faire attention pour que tout soit prêt pour le concert. Ma mère est folle de prendre ce risque.

— Ta mère a toujours été folle, Zrinkak, ris-je. Comme si ça allait changer aujourd’hui ! Mais c’est vrai, vaut mieux que ce soit toi qui cuisines, parce qu’à part les lasagnes, je ne suis pas bon à grand-chose. Enfin, c’est toujours mieux que Ju.

— Tout est déjà prêt, de toute façon, ça mijote. Je savais qu’on allait être occupés, rit-il. C’est ça, une bonne préparation. On anticipe tout et on n’est pas surpris, ou alors pas trop quand le babysitter arrive en avance ! J’espère que vous faites pareil pour le boulot, ajoute Arthur qui embrasse sa femme avec une passion forte et visiblement, une envie de reprendre là où ils ont été interrompus.

— Le babysitter te félicite pour l’organisation de la soirée et tient à t’assurer qu’on fait tout ce qu’on peut pour que les fesses de ta mère tiennent le coup à ce concert. Même si ta femme a des bras cassés comme employés.

Ok, vu le regard que me lance Julia, j’aurais mieux fait de me taire. Magnifique…

— Florent et moi, on sera dans la zone VIP pour la soirée, ne t’inquiète pas, ajouté-je. Et on vérifie tout depuis l’installation, tout roule.

— Et mes équipes sont beaucoup plus prêtes que ne le dit Snow qui va finir au pain sec et à l’eau s’il continue. Tout se passera bien, tu verras. Il le faut, malgré les risques.

— J’espère, oui, parce que, de ce que je comprends, le risque zéro est impossible à obtenir dans la salle. On verra avec Ysée ce qu’elle en pense, mais elle est aussi butée que ma mère, je crois.

— Pitié, ne me parle pas d’elle, grommelé-je en me laissant tomber sur le canapé. Cette nana est juste insupportable !

Et canon, mais ça…

— Elle n’est pas si terrible que ça, juste consciencieuse et surtout, pas du genre à se laisser marcher dessus par un macho de ton genre !

— Je ne suis pas un macho ! Et elle attaque toute seule comme une grande. Sérieux, elle a un complexe d’infériorité ou quoi ? Elle passe son temps à m’attaquer gratuitement !

— Gratuitement ? Tu ne la provoques pas un petit peu ? Toi qui es si insupportable au quotidien, tu m’étonnes qu’elle te fasse la misère, rigole Arthur.

— C’est elle qui a commencé ! Et puis, elle est incapable de rester pro. Je te jure, Arthur, quand vous vous engueuliez avec Julia sur le camp, c’était rien comparé à ce que je subis. Même quand on parle boulot, elle part en vrille ! Une folle, je te dis, une vraie cinglée !

— Oh Tonton, on dirait Sophia ! intervient Lila qui a débarqué dans mon dos. C’est toujours ma faute avec elle. Et en plus, tu n’es pas gentil avec la Ministre ! Maman dit qu’il faut respecter tout le monde, même ceux qu’on n’aime pas.

— Elle a raison, Mat. Et puis, prépare-toi car elle vient manger avec nous ce soir. Je me suis dit qu’on pourrait fignoler le plan de manière plus détendue, ici à la maison, complète sa mère qui enlace sa jeune fille dans un geste tendre et affectueux.

— Oh non, pitié, pas ce soir, soupiré-je. C’est un foutu traquenard, ça ! Je n’ai aucune envie de la voir, moi. Je viens de passer deux jours à la salle à la supporter, ça ne suffit pas ?

— Tu verras, ici, dans un contexte différent, tout va bien se passer. Et il faut qu’on soit à cent pour cent si on veut limiter les risques au maximum.

— Tu aurais dû inviter tes bras cassés et mes hommes, quitte à faire un truc ensemble. Ça m’aurait permis d’éviter Miss Coincée au moins. Je ne sais pas comment tu fais pour la supporter, elle est constamment en rogne, c’est invivable. Être bonne ne lui donne pas tous les droits.

Je me tais avant de dire une connerie supplémentaire et m’étends davantage sur le canapé en fermant les yeux. Ysée sera là ce soir, et je n’ai aucune envie de transformer cette petite soirée familiale en une zone de guerre. Je voulais juste profiter des Zrinkak, me rapprocher de Ju, des filles, rire avec Arthur. Pas parler sécurité, pas devoir faire attention à ce que je dis pour ne pas froisser Miss Coincée. Je ne suis plus sûr que ce surnom lui colle à la peau maintenant qu’elle a posé son doigt sur ma queue, en fait. Elle est à la fois tellement coincée et si hargneuse que je ne sais plus comment l’appeler. Bon, Ysée, c’est bizarre, mais ce serait l’idéal en fait. Sauf que je n’arrive pas à la cerner et que je m’épuise à essayer de comprendre.

— J’irais bien faire un tour dans la piscine, moi, lancé-je brusquement en me redressant alors que Sophia apparaît, les bras chargés de poupées. On va se baigner, les filles ?

Je ne vais pas pouvoir faire des longueurs pour me défouler dans cette petite piscine auto-portée, mais au moins, je vais me rafraîchir les idées et m’éclater avec les filles. Ce sera toujours ça. Et si j’en crois le sourire des mini-Zrinkak, le plaisir sera partagé.

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