47. La fuite avec les gentils machos

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Ysée

J'ai le cœur qui bat la chamade alors que Mathias s'éloigne un peu de moi. Le pire, c’est que ça n'a rien à voir ou presque avec le beau mec qui joue au protecteur depuis que Florent nous a tous réveillés. J'ai failli me prendre une balle et seul le réflexe de Mathias m'a permis de l'éviter. Je peux donc bien lui pardonner son côté un peu macho et directif de ces derniers instants car clairement, il sait ce qu'il fait. Et si je veux être honnête avec moi-même, il faut avouer que c'est à la fois super rassurant et un peu excitant d'être protégée par un tel homme.

Nous sommes en train d'avancer dans les bois, éclairés par la seule lumière de nos lampes torches. Je suis celle qui connaît le mieux le terrain et j'ai donc pris la tête de notre silencieuse procession, tout de suite suivie de Florent qui s'occupe de Sophia, calme et sans un mot pour se plaindre. Lila semble un peu moins sereine mais s'adapte elle aussi aux circonstances. Et à l'arrière, on dirait que nous sommes sous la garde d'un super héros. Qu'il est magnifique avec son arme dressée et ses sens en alerte. Il en impose avec sa musculature saillante qui me donne envie d'aller me réfugier dans ses bras. Elle est passée où la Ministre qui s'enorgueillait de ne pas avoir besoin d'un mec pour jouir ?

Je suis un petit chemin qui serpente dans les bois en essayant d'oublier le blond qui met tous mes sens en émoi pour me concentrer sur les souvenirs que j'ai de cette randonnée avec mon père. C’est fou comme même dans le noir, je parviens à me repérer et à trouver des signes qui me rappellent ce passé que lui est en train d’oublier petit à petit. Je m'arrête brusquement lorsque nous parvenons à une clairière à découvert. Si on avance, on risque de passer en pleine vue d’éventuels observateurs.

— On fait quoi ? chuchoté-je. On continue ? On attend le lever du jour ?

— Non, on continue, Ysée. On va longer le bord des bois sur la droite et se trouver un coin tranquille pour se reposer un peu. Lila est crevée. C’est bon pour toi ? Si tu connais un endroit où on pourrait se poser, je suis tout ouïe.

— Il y a la ferme des Michalak un peu plus loin. Ils ont une sorte d'étable pour leurs chevaux, on devrait pouvoir s'y abriter jusqu'au matin. Tu penses que ça conviendrait ?

J'ai horreur de me reposer comme ça sur lui qui a assurément pris le leadership cette nuit mais je n'arrive pas à faire autrement.

— Ça me va, on te suit. Essayons de ne pas nous faire remarquer par les proprios, par contre. J’espère que tu sais parler à l’oreille des chevaux, sourit-il.

Pourquoi est-ce que ses propos chuchotés, presque susurrés et son sourire un peu en coin m'excitent à ce point-là ? Je pense qu'il va falloir que je consulte un spécialiste, moi. Je déraille complètement.

Nous continuons notre chemin jusqu'à ce que nous arrivions devant une vieille grange en bois.

— Attendez-moi là, dis-je en m’éloignant sans leur laisser le temps de réagir.

J'entends Mathias proférer un juron de manière sourde mais je m'en moque. Je file et contourne le bâtiment. Je m'assure que dans l'habitation tout est noir et tranquille avant de pénétrer par la petite porte arrière de la grange que j'ai la chance de trouver ouverte. Quelques hennissements m'accueillent mais heureusement, il n'y a pas beaucoup de chevaux et ils se calment très vite. J'ouvre la porte avant et éclaire mon visage pour signaler à mes compagnons de fuite qu'ils peuvent me rejoindre. Mathias est le premier à le faire et je le défie du regard d'oser me critiquer.

— Oh, le retour de la Ministre, déjà ? rit-il. T’es plus mignonne couverte de poussière de fée plutôt qu’avec ton allure revêche, Ysée. Flo, tu restes dehors, le temps qu’on s’installe, je te rejoins après.

— Être mignonne ne sert à rien ce soir, rétorqué-je en attirant les deux filles à moi pour les amener dans un coin où Monsieur Michalak a installé une petite table et un espace repos qu'il doit utiliser pour patienter quand une de ses juments est prête à donner naissance à un poulain.

Lila prend tout de suite l'initiative d’emmener sa sœur vers le petit coin en la tenant par la main et elle se love contre elle en se couchant sur le matelas. Mathias fait rapidement le tour du bâtiment puis sort discuter avec Florent. Je m'installe à côté de Sophia que j'essaie de réconforter en chantant une petite comptine traditionnelle. J'ai du succès car rapidement les deux enfants s'endorment. Je reste un instant avec elle pour m’assurer qu’elles ne vont pas se réveiller puis me dirige à l’avant du bâtiment où je pense retrouver Mathias et Florent, mais seul ce dernier est présent.

— Tout va bien ? lui demandé-je, sans hausser le ton.

— Oui. Mat est parti faire un tour en revenant sur nos pas pour voir s’il y a du monde, mais ça me semble calme. Bonne idée de venir ici, Ysée. Et puis, plus globalement… tu as assuré, bravo.

— J’ai assuré ? Tu trouves ? Je me suis juste laissée mener par le bout du nez par Mathias et toi. Je trouve ça plutôt pathétique. Surtout que s’ils nous ont retrouvés, c’est à cause de moi.

— Ne dis pas n’importe quoi, soupire-t-il. Dans ce genre de circonstances, il faut un leader et un seul, et tu le sais. Tu as fait ce qu’il fallait, Mat est le plus qualifié pour nous sortir de là. Moi… j’ai passé trop d’années derrière des ordinateurs de contrôle pour ça, et de toute façon, c’est le chef de la mission. Ça aurait donné quoi que vous vous écharpiez parce que tu voulais faire autre chose ? Si on est là et que les filles sont en sécurité, c’est parce qu’on a bossé ensemble et fait au mieux pour ça.

— Tu as sûrement raison mais j’ai horreur de ne pas être maîtresse des événements. Et là, maintenant, on fait quoi ? Il va falloir prévenir Julia et Arthur et décider avec eux, non ?

— Tu aurais fait une effroyable militaire alors, rit-il. Plus ça va et plus tu me fais penser à Julia, c’est fou. Pour la suite… Pour le moment, on va s’éloigner au maximum de la maison et réfléchir à la suite. Julia et Arthur seront mis au courant en temps et en heure. L’essentiel c’est que tout le monde aille bien. Et tu devrais aller te reposer un peu, la nuit va déjà être courte…

— Des fois, j’ai l’impression que tout ce que vous savez faire, c’est me parler comme à une gamine. “En temps et en heure”, hein ? Merci de la précision, grommelé-je avant de m’éloigner.

Je retourne voir si les filles vont bien et, constatant qu’elles sont toujours endormies, je me dirige vers un des box où se trouve un magnifique étalon. Je le caresse un instant et cela m’apaise immédiatement. J’ai toujours aimé les chevaux et je me dis qu’un jour, j’en aurai un que je monterai et dont je profiterai. Encore faut-il que l’on se sorte de la galère dans laquelle nous nous trouvons. C’est fou, cet acharnement à attaquer Marina en passant par sa famille. Je ne comprends pas comment une partie de la population, même si elle est minoritaire, fait pour ne pas voir que cette Mafia et les militaires qui se mobilisent contre le Gouvernement sont juste une nouvelle incarnation du mal absolu contre lequel il faut se battre.

Après être restée une bonne dizaine de minutes près de l’animal, j’entends un bruit à l’arrière du bâtiment et constate que Mathias s’est installé dans l’embrasure de la porte afin de monter la garde de ce côté. Une fois encore, ils organisent les choses à deux, entre hommes, sans me consulter, et ma première réaction est que ça m’irrite. Cependant, je réfléchis à ce qu’il s’est passé depuis que j’ai été réveillée en sursaut et je ne peux qu’admirer leur dévouement et leur professionnalisme. Sans eux et leurs réflexes, je serais sûrement prisonnière des mafieux avec les enfants. Et c’est de la fierté mal placée que de ne pas l’admettre. Je me décide donc à aller rejoindre le beau blond qui me jette à peine un regard avant de reporter son attention vers les alentours.

— Tout va bien, Mathias ? Tu n’as rien vu d’anormal quand tu as fait ton tour ?

— RAS pour l’instant… Espérons que ça dure suffisamment pour que les filles reprennent des forces, mais on devrait partir tôt. Et toi, comment tu vas ? Remise de tes émotions ?

— Oui, je vais bien. Comme Lila, je retrouve des habitudes et des réflexes que j’aurais préféré oublier. Tu as assuré, Mathias. Désolée d’avoir été désagréable avec toi, tout à l’heure.

— J’ai l’habitude que tu cherches à me mordre, Ysée, je m’en remettrai. Je n’ai fait que mon boulot, pour le reste, en revanche, toi… C’est toi qui as assuré. J’aurais sans doute fini avec du plomb dans l’aile si tu ne m’avais pas couvert à la maison.

— C’est vrai que je suis forte pour tirer au hasard. Ils ont dû croire qu’on était plusieurs à les canarder vu comment je vise mal !

Je souris et viens me lover contre lui. Je passe un bras dans son dos et profite de sa chaleur alors que tout mon corps se presse contre son flanc. Je ne sais pas pourquoi je fais ça alors que je n’arrête pas de le critiquer pour son côté protecteur, mais en même temps, je m’en moque. Je suis bien, là, surtout qu’il passe son bras autour de mes épaules et me regarde en souriant.

— Je peux te dire quelque chose sans que tu partes en vrille ? Un petit break où tu gardes les crocs rentrés ? Je te promets que je resterai sage dans mes propos après ça.

— Je ne pars pas en vrille ! commencé-je à grogner vivement avant de me reprendre, prise sur le fait. Désolée, je suis un peu à fleur de peau. Vas-y, balance ce que tu as à dire, je ne vais pas m’emporter, promis.

— Oh, Ysée, rit-il avant de se pencher à mon oreille. Je dois avouer que te voir avec une arme à la main m’a vraiment beaucoup excité. Voilà, fin de la parenthèse. Je dois aller me planquer ?

Je le regarde en ouvrant de grands yeux. Sérieusement, c’est ça qu’il a à me dire ? C’est tout ce à quoi il pense alors que l’on risque nos vies ? J’ouvre la bouche pour lui dire ses quatre vérités mais son petit air attendri et ma promesse m’empêchent d’aller au bout.

— Tu sais que tu es malade, toi ? finis-je par dire en riant. Si j’avais su que c’était ça, ton trip, je ne me serais pas déshabillée la dernière fois, je me serais emparée de ton flingue !

— Oulah, peut-être que j’aurais flippé, là, par contre, pouffe-t-il en me serrant plus fort contre lui. Je n’ai pas un très bon souvenir de la dernière fois où j’ai été dans ta ligne de tir.

— Oui, c’est bon, on ne va pas parler de ça jusqu’à la fin des temps non plus, maugréé-je sans me dégager de son étreinte. Et puisqu’on en est aux confidences, tu sais que moi, la femme forte et indépendante, c’est ton côté protecteur qui m’a beaucoup plu aujourd’hui ?

Je ne sais pas pourquoi je ne lui avoue pas que ça m’a excitée mais je n’ose pas tout lui dire non plus. Peut-être parce que, malgré les circonstances, je le suis encore énormément de me retrouver si proche de lui ?

— On a tous besoin de se sentir protégés, c’est rassurant, non ? Ça ne fait pas de toi une femme moins forte pour autant, surtout après ce qu’on a vécu cette nuit et ce que tu as fait. Et puis, ça m’aurait vraiment ennuyé de devoir te déshabiller pour soigner une blessure, tu vois ?

— Ah oui, je vois, tu ne veux vraiment pas me voir nue ! me moqué-je. Dommage, tu ne sais pas ce que tu rates.

— Pas dans ces conditions-là, c’est clair. Tu devrais aller dormir un peu, Ysée, la journée va être longue.

— Tu n’hésites pas à me réveiller pour que je prenne un tour de garde, Mathias. Je suis capable de le faire.

— Je sais que tu l’es, mais je préfère te savoir auprès des filles si elles cauchemardent… Je ne suis pas très doué avec elles pour ça, je crois.

— Bien, Monsieur le Sur-Homme qui n’a pas besoin de dormir. Je vais aller remplir mon rôle de femme auprès des enfants, soupiré-je en me dégageant de son étreinte.

Je lève le visage vers lui et dépose un petit baiser sur sa joue barbue pour lui montrer que je ne lui en veux pas de son refus de me faire une place dans les tours de garde. S’il veut que je me repose, je vais essayer de le faire. Et comme ça, je serai plus vive au réveil pour le suppléer en cas de défaillance. Quoique… Est-il seulement faillible ?

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