75. Dans la gueule du loup

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Ysée

Je les regarde s'éloigner, un pincement au cœur en me disant qu'ils vont risquer leur vie pour assurer à la Silvanie un avenir sans guerre et sans conflit. Je reste optimiste pour mon pays, même si là, tout de suite, je suis morte d'inquiétude pour eux. Et surtout pour Mathias. Je n'en reviens pas à quel point il me manque déjà alors qu'il vient à peine de disparaître de ma vue.

Quand je repense à nos étreintes, une bouffée de chaleur m'assaille immédiatement. Je sais que je l'ai surpris en me soumettant ainsi à ses désirs, mais cela m'arrive souvent, surtout lorsque je suis dans les bras d'un militaire viril et musclé comme il l'est. Ses mains qui claquaient mes fesses m'ont rendue aussi folle de désir que sa bouche partout sur mon corps. Et sa barbe sur ma peau nue… Hmmm. J'en frissonne encore et je suis à deux doigts de remonter dans la chambre pour soulager toutes ces envies qui m'excitent plus que de raison quand j'entends la voix de mon frère m'appeler depuis le sous-sol.

— J'arrive, Daryl !

Mais avant de descendre, je me tourne vers Dita qui est elle toujours en train de regarder par la fenêtre.

— Ne t'inquiète pas, Mathias va tous nous les ramener. Et Jérémy, avec sa blessure, va surtout assurer les arrières. Si j'en crois ton regard, ta nuit a été aussi passionnelle que la mienne, on dirait.

— Oui, glousse-t-elle en rougissant. Les militaires sont des passionnés même au lit. Ou ce sont les Français… Va savoir.

— Il n'y a rien de mieux qu'un militaire français, alors !

Je lui envoie un petit sourire rassurant et vais rejoindre mon frère qui me regarde, intrigué.

— Bonjour Daryl. Tu vas bien ? La nuit a été bonne ? Désolée de ne pas être venue te saluer plus tôt…

— Hum… Vu ta tête, la nuit a été plus reposante pour moi que pour toi. Qu’est-ce que t’as fichu, Ysée ?

— J'ai profité d'une belle queue toute raide pour une des meilleures baises de ma vie, si tu veux tout savoir.

— Ouais, non, tais-toi, je ne veux pas savoir, bougonne-t-il en se bouchant les oreilles. Fais gaffe, Ysée, s’acoquiner avec un militaire, ce n’est déjà pas l’idéal… Si en plus il vient d’un autre pays et va rapidement rentrer chez lui…

— On s'est juste fait plaisir, rien de plus.

Enfin, c’est ce que je suis prête à lui avouer car clairement, je n'ai pas eu autant de papillons dans le ventre depuis que l'autre abruti m'a larguée. Quand je pense à Mathias, non seulement je me liquéfie, mais j'ai aussi le cœur qui palpite. Et je crois que ça ne me dérange pas plus que ça même s'il sait vraiment m'exaspérer quand il se montre protecteur ou veut me donner des ordres en dehors de nos étreintes.

— Mouais… J’ai vu comment vous vous regardiez hier… C’est toi ou moi que tu essaies de convaincre, là ?

— Ne t’inquiète pas pour moi, je suis juste une femme comblée ce matin. Et toi, tes douleurs, ça va un peu mieux ?

— Ouais… Disons que j’aurais préféré partir avec eux, ce matin, je me sens totalement inutile, sauf que marcher me fait trop mal pour l’envisager.

Je soupire et l’accompagne pour monter à l’étage où je souhaite aller pour attendre le retour de toute l’équipe. Nous passons le reste de la matinée à attendre, à écouter le moindre bruit au loin. Nous avons entendu il y a une heure les bruits d’explosion, quelques tirs de rafale et puis un grand silence. Avec Dita, on ne sait pas si c’est parce que le vent a tourné ou bien parce que leur attaque a tourné court. C’est horrible de ne rien savoir et nous n’osons pas non plus utiliser les téléphones ou les radios, c’est à eux de nous contacter.

Après un repas rapidement avalé dans le silence le plus profond, je n’arrive pas à m’empêcher de marcher de long en large dans la pièce principale de la maison de Dita. Je m’inquiète de ce silence qui dure. Normalement, l’attaque aurait déjà dû être terminée. Et on aurait dû voir les troupes de la Gitane débarquer. Là, rien. Rien du tout. Nada. C’est horrible. J’aurais dû y aller avec eux, je fais partie de l’équipe et certes, il faut protéger mon frère et le ramener à bon port s’il arrive quelque chose aux autres, mais il aurait fallu laisser Jérémy ici pour ça, pas moi.

— Arrête de bouger comme ça, me réprimande gentiment mon frère. Tu me donnes le tournis !

— C’est facile à dire pour toi. Tu t’en fous qu’ils s’en sortent ou pas. Moi pas. C’est mon équipe. Et… Et j’ai peur pour Mat. La dernière fois, si je n’avais pas tiré sur celui qui le visait, il serait mort. Il a besoin de moi, je crois.

— Je t’interdis de me dire que je m’en fous, Ysée. Ce sont mes frères d’arme qui sont là-bas, des gars qui ont risqué leur vie pour venir me secourir. Et crois-moi, rit-il finalement, j’ai eu vent de tes exploits, les bons comme les moins bons. Il peut très bien se débrouiller seul, tu es mieux ici.

— Je me sens si inutile, ici. Je suis sûre que tu es tout à fait capable de te défendre.

— Tu sais que tu n’es pas là pour me défendre ? Ton Mat, là… Il t’a laissée ici pour que tu ne prennes pas de risque, et pour qu’il n’ait pas à s’inquiéter pour toi sur le terrain. L’idée de la Gitane… Elle est complètement folle, il faut une formation militaire pour espérer s’en tirer.

— Oui, comme tu dis, l’idée est folle et ils sont en train de risquer leur vie ! m’emporté-je. Et ce n’est même pas sûr que leur diversion ait été utile, on n’a rien vu venir de l’Ouest ! Aucune trace de l’armée de Marina !

— Arrête de t’angoisser pour rien et viens t’asseoir, je t’ai dit que tu me filais le tournis, bon sang ! Je suis sûr qu’ils s’en sortent très bien. Si ça se trouve, ils ont décidé de bouger pour aller aider sur un autre camp à attaquer. Pas la peine de paniquer.

— Sans nous le dire ? Je n’y crois pas, Daryl. Je sens au fond de moi qu’ils sont en danger et ça me mine de ne rien pouvoir faire.

— Et donc, tu vas faire quoi ? Aller te balader au hasard pour les retrouver, alors qu’il y a potentiellement des rebelles en fuite partout ? Tu connais les rumeurs sur ce que les rebelles font aux femmes, dans le coin ? Je suis sûr que tout se passe bien, Ysée, ils ont juste autre chose à faire que de prévenir et papoter avec toi, là, tout de suite. Tu préfèrerais qu’ils appellent et se fassent surprendre par ces abrutis, peut-être ? En mission, il faut être focus sur l’objectif, pas de nouvelle ne veut pas dire qu’il y a un souci.

Je n’avais pas pensé à partir à leur recherche, mais maintenant qu’il m’a mis l’idée en tête, je n’arrive pas à me la retirer. C’est ça qu’il faut que je fasse, plutôt que de végéter ici à attendre des infos qui ne viendront sûrement jamais. C’est dangereux, je le sais, mais si je peux aider, il faut que je le fasse.

— Je vais aller les rejoindre, oui. N’aie pas peur pour moi, je suis une experte des missions d’exploration. Il n’est pas né celui qui pourra me repérer quand je suis en mission.

— Ysée bon sang, fais pas ça ! gronde mon frère en se levant péniblement. Cette tendance à toujours te fourrer en danger est vraiment insupportable ! Reste ici, ils vont sans doute bientôt rentrer.

— Et s’ils ne rentrent pas, je fais quoi ? Marina sait que tu es ici, ils vont venir te chercher, tu n’as pas besoin de moi. N’insiste pas, c’est décidé, je pars à leur recherche !

— Tu veux vraiment prendre ce risque ? Les parents savent que je suis en vie, tu veux quoi, qu’en rentrant, je leur dise que je t’ai laissée filer et que tu as disparu ? Merde, Ysée, reste-là ! s’énerve-t-il.

— Daryl, comprends-moi. Je… Je ne peux pas les laisser. Je suis désolée, je ne peux pas.

— Tu t’en mordras les doigts quand ton Mat se prendra une balle parce qu’il t’a vue débarquer d’on ne sait où, au beau milieu d’un champ de bataille.

J’arrête de lui répondre car je sais qu’il n’acceptera pas ma décision et monte dans ma chambre préparer mon paquetage. J’enfile mon treillis et ignore les appels de mon frère en bas des escaliers. Quand je redescends, il essaie de me bloquer en se mettant dans mon passage.

— Tu sais bien que tu ne peux pas m’empêcher de partir, soupiré-je.

— Tu te rends compte de ce que tu fais ? De la position dans laquelle tu me mets, là ? Ysée, je t’en prie, reste ici… Tu ne pourras rien faire pour les aider s’ils ont effectivement besoin d’un coup de main, c’est juste stupide de vouloir y aller. Courageux, mais vraiment stupide.

— Cela n’a rien à voir avec toi. Tu sais que quand j’ai décidé quelque chose, je ne change pas d’avis. Alors, encourage-moi, plutôt. Et fais-moi un câlin, je crois que j’en ai besoin.

— Tu te rends compte que j’ai juste envie de t’enfermer dans la cave, là ? soupire-t-il en m’enlaçant. Tu fais chier, Ysée.

— Moi aussi, je t’aime, Petit Frère. Je te promets de faire attention et qu’il ne m’arrivera rien. Et je vais te tenir au courant, moi, promis.

— C’est ça, fais des promesses en l’air, en plus. T’es vraiment trop bornée, tu m’épuises, grande sœur. Dire que le plus mature de nous deux c’est moi alors que tu es Ministre, c’est flippant.

Je lui fais mon plus beau sourire, donne une accolade à Dita à qui je confie mon frère et me lance à l’extérieur, en prenant la direction du camp rebelle. Je prends toutes les précautions possibles et imaginables et j’arrive ainsi sans encombre, quelques heures plus tard, à leur campement qui est malheureusement désert. Je fais le tour de la petite clairière mais, à part des signes évidents de combat, des munitions au sol, des traces de coups de feu sur les arbres, il n’y a rien. Mais où peuvent-ils être tous partis ? Et je fais quoi, moi, maintenant ?

Je cherche des traces, des indices, mais je ne vois rien et je n’entends rien non plus. Le silence commence à me peser et je me demande si je ne devrais pas essayer de prendre contact avec Mathias pour savoir où il se trouve. Je m’installe sur un petit rondin de bois et explore mes options. Peut-être que le plus raisonnable est de retourner au village ? Mais si je fais ça, je serais sortie pour rien et ne serais pas plus avancée sur ce qui est arrivé à Mathias et à l’équipe. M’enfoncer dans la forêt ? Mais dans quelle direction ? Et c’est le meilleur moyen de ne jamais se retrouver, ça. Je suis dépitée, je crois que j’ai fait une connerie et en plus, elle ne sert à rien. J’en suis là de mes réflexions quand des bruits d’hélicoptères se font entendre. Je file me mettre à couvert pour ne pas être vue et j’observe les engins me survoler. Tout à coup, un peu plus loin au sud, j’entends des détonations et des coups de fusils qui sont tirés. Les rebelles essaient de toucher les hélicoptères. Ils n’y parviennent pas, mais au moins, maintenant, je sais où ils sont. Et s’ils sont là-bas, l’équipe et Mathias ne doivent pas être bien loin.

Je décide de me rapprocher d’eux et d’aller voir ce qu’il se passe. La progression est assez simple car les échanges de coups de feu sont nombreux et me confirment la présence de rebelles, mais aussi de forces qui les harcèlent. Mathias, forcément, y est et ça, ça me motive. Je fonce afin de le retrouver au plus vite et de m’assurer qu’il est entier et que tout va bien.

— Halte ! Ne bouge plus ! me hurle un homme en silvanien.

Je n’écoute pas et tente de fuir en rebroussant chemin mais je me heurte à un autre rebelle et je m’effondre à ses pieds quand il me met une baffe retentissante. J’essaie de me relever et de m’échapper mais je suis maintenue au sol par des mains de plus en plus nombreuses qui m’immobilisent.

— Lâchez-moi bande d’abrutis ! crié-je avant que l’un d’entre eux me bâillonne.

— On l’emmène. Et ne l’amochez pas trop, vu la tournure des événements, je sens qu’on va en avoir besoin comme monnaie d’échange. C’est peut-être la clé de notre liberté, alors ne la laissez pas filer.

— Ce soir, on va s’amuser, je crois, rit un autre en posant ses grosses mains sur ma poitrine.

Berk. S’il croit que je vais le laisser faire, il rêve. Mais bon, là, je suis dans la merde. Le pire des scénarios est arrivé et je sens que même si j’en réchappe vivante, je ne suis pas sûre de survivre aux soufflantes que je vais me prendre de la part de mon frère ou de Mathias.

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