80. En retard par plaisir

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Mathias

J’étale de la confiture sur la tranche de pain en tentant de ne pas rire alors que Sophia, installée sur mes genoux, a décidé de découvrir les points sensibles qui me chatouillent. A peine réveillée, elle sourit comme la petite fille innocente qu’elle est, et mon petit cœur se gonfle une nouvelle fois de cette bouffée d’amour que je ressens chez les Zrinkak.

— Fais gaffe à ce qu’elle ne se tache pas, sourit Julia, le nez dans son deuxième café du matin.

Sophia et moi nous lançons un regard entendu avant de hausser les sourcils, l’air de dire que sa mère raconte n’importe quoi, quand Arthur débarque dans la cuisine et enlace amoureusement sa femme.

— Pas trop mal au dos, Mathias ? me demande-t-il en jetant un œil au canapé.

— Disons que vous pourriez transformer votre bureau en chambre d’amis pour l’épargner. Comment vous faites quand vos familles débarquent, sérieux ?

— Camping ! s’écrie Sophia en tapant dans ses petites mains, manquant de renverser son chocolat chaud que je stabilise in extremis.

— Généralement, c’est camping au salon pour les enfants, oui, et on se débrouille pour le reste. Mais c’est rare qu’ils viennent, c’est plus simple qu’on fasse l’inverse et ça me permet de venir te voir aussi, puisque tu t’es enchaîné à Paris depuis que tu as quitté l’armée.

— A part Tata Sylvia, les autres n’aiment pas trop venir en Silvanie, intervient Lila en grimaçant. Comme toi, en fait.

Je ne rétorque pas alors qu’elle plante son regard dans le mien. La pointe de reproche qui perce de ses paroles m’atteint en plein cœur et je m’en veux de ne pas avoir fait plus d’efforts que ça pour revenir ici. Je me rends compte que, finalement, Justine n’est pas tant affiliée à la Silvanie que ça, dans mon esprit. Le principal est là, sous mes yeux. Arthur et Julia, Lila, ce sont eux qui représentent le plus mes souvenirs ici, et je suis heureux que nous puissions en créer qui ne se rapportent pas à Food Crisis et à la guerre, juste à un quotidien à peu près ordinaire et joyeux.

— Au moins, vous êtes tranquilles, ici. Quand est-ce qu’on fait une soirée camping ensemble ? rétorqué-je finalement avant de sursauter brusquement quand Joker, le vieux chat de Julia, saute sur la table comme un roi. Foutue bestiole.

Tout le monde rigole alors que Lila le chasse gentiment, et je grimace en constatant que si Sophia ne s’est pas tachée avec la confiture, j’ai un peu trop sursauté pour épargner son tee-shirt de mon café heureusement tiède.

— Lieutenant Sophia, chuchoté-je à son oreille. Il faut que tu changes de tee-shirt, Tonton Mat a merd… Enfin, le monstre Joker lui a fichu la trouille et le café a sauté dans ton dos !

La petite glousse, la bouche pleine, avant de sauter de sur mes genoux sans un mot pour regagner sa chambre.

— Il faut qu’on y aille, Mat, je veux passer à mon bureau avant la réunion.

— Quoi ? Tu me prives de la fin du petit déj’ pour aller regarder tes mails, sérieux ? Tu peux pas faire ça plus tard ? Je croyais qu’on déposait les filles à l’école avant…

La grimace qu’elle me lance me fait regretter mes paroles. Si je suis déçu de déjà devoir retourner bosser, je vois bien que c’est difficile pour elle et j’en viens à me demander si son boulot ne lui pèse pas trop. Je la connais, elle se lance toujours à fond dans ce qu’elle fait, sauf qu’elle ne peut pas être partout à la fois et doit faire des choix qui, apparemment, ne lui conviennent pas.

— Ok, on est parti, continué-je. J’ai tellement hâte d’aller bosser, youhou !

Je me lève en faisant le clown pour détendre l’atmosphère et attrape la main de Lila pour faire quelques pas de danse avec elle, ne suivant absolument pas le rythme lent de la chanson qui passe à la radio. Sophia vient nous rejoindre, affublée d’un tee-shirt qui ne va plus du tout avec sa petite jupette jaune, mais son éclat de rire fait rapidement oublier à Julia ce changement de vêtement. Après une tonne de bisous et de câlins, nous grimpons dans sa voiture tous les deux, et je suis à deux doigts d’entamer la conversation pour m’excuser quand son téléphone sonne. Et, avant même d’être au Palais, elle passe déjà son trajet au boulot… Je suis sûr qu’elle regretterait presque les OPEX, finalement.

Quand nous arrivons à destination, elle s’excuse d’un regard et me fait signe de ne pas l’attendre, et je me retrouve comme un con, en avance, à ne pas savoir quoi faire de mes dix doigts. Je file donc dans son bureau pour patienter et consulte l’ordre du jour de la réunion. Qui risque d’être longue… et chiante. Cependant, un sourire se dessine sur mes lèvres quand je constate qu’Ysée est conviée. Sans m’en rendre réellement compte, je sors du bureau et me dirige vers l’aile des appartements du personnel en me demandant si elle est rentrée au Palais ou a passé la nuit chez ses parents. Peut-être que j’y vais pour rien, d’ailleurs, je suis quasi sûr qu’elle a préféré rester auprès d’eux, vu la situation de son père. Nouveau pincement au cœur pour ma part. Ça doit être tellement compliqué pour elle de le voir dans cet état… Hier, j’avais juste envie de l’enlacer et de lui dire que tout allait bien se passer. Stupide, parce que dans ce genre de situation, ça ne s’arrange pas, mais je l’ai vue tellement décontenancée face à son père, que mon envie de la rassurer n’a fait que croître.

En voyant le garde devant la porte d’Ysée, je me reconnecte au présent. Elle est donc là… Et moi, pourquoi est-ce que je débarque, au juste ? Parce qu’elle me manque ? Parce que j’ai ce besoin viscéral de savoir si elle va bien ? Je suis vraiment trop sentimental… et à deux doigts de faire demi-tour, mais le type me voit et me demande d’un signe de tête si c’est ici que je me rends. J’imagine qu’il ne parle pas français, et comme je n’ai pas fait d’effort pour apprendre le silvanien, impossible de communiquer autrement, alors j’acquiesce docilement avant qu’il frappe à la porte. Tout ce cérémonial me fait grimacer. Comme si je ne pouvais pas le faire moi-même, et je contourne le règlement en entendant la voix d’Ysée à travers le battant. Je ne laisse pas le temps au type de réagir et lui donne un coup d’épaule alors qu’il entrouvre la porte, pour entrer moi-même en m’annonçant.

— Ysée, c’est Mat ! Besoin d’un garde du corps pour aller à la réunion ?

— Oh Mat ! Quelle surprise ! Je ne suis pas encore prête, me lance-t-elle en faisant signe au garde de nous laisser. C'est Julia qui t'envoie parce que je suis en retard ?

Je vois bien qu’elle n’est pas encore prête… Et ça me plaît, évidemment. Impossible de faire le difficile quand elle apparaît dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre, vêtue de sous-vêtements en dentelle aussi noire que mes yeux doivent l’être tant elle m’excite à cet instant. Merde, elle m’a vraiment manqué… Et pas que ce corps divin, je plaide coupable. Ses yeux si expressifs posés sur moi aussi, ou encore sa voix suave et ce léger accent lorsqu’elle parle français. Ouais… Trop sentimental, je disais ?

— Non, Julia est déjà en train de bosser, en fait, et tu n’es pas encore en retard, souris-je en approchant. Tu vas bien ?

— Pas encore ? Tu as prévu de remédier à ça ? me demande-t-elle en se rapprochant également de moi.

Mon sourire s’accroît et je me fais l’impression de devenir le loup qui chasse le petit chaperon rouge, genre rictus carnassier. J’en rirais presque si Ysée ne se mordait pas la lèvre en me regardant avec envie. Il est clair qu’on va finir en retard, hors de question de manquer cette opportunité et je suis prêt à buter quiconque nous interrompra.

J’attrape sa main et l’attire contre moi avec vigueur, excité comme un puceau. Ses paumes se posent sur mon torse et sa bouche cherche la mienne, mais je la lui refuse en la retournant pour me plaquer dans son dos. Je caresse son ventre plat en prenant d’assaut son cou, sa nuque et ses épaules, dirige mes mains dans deux directions opposées, la première venant cajoler sa poitrine engoncée dans ce soutien-gorge bien moins doux que sa peau, la seconde glissant sous le tissu qui cache cette féminité qui me fait voir des étoiles chaque fois que j’y plonge. Le petit gémissement qui s’échappe d’entre ses lèvres lorsque mon doigt l’envahit me rend dingue, et je presse mon érection contre ses fesses galbées, imprimant un mouvement de va-et-vient en rythme avec mon assaut, pour me soulager un peu.

Je souris contre sa peau en sentant ses mains agripper mes hanches alors qu’elle ondule contre moi. J’ai conscience qu’on n’a pas toute la journée, que je crève d’envie de la faire jouir, qu’elle semble aussi excitée que moi, mais ce moment est tellement érotique que j’ai du mal à me détacher d’elle. Je me file pourtant une claque mentale et la retourne à nouveau dans mes bras, la soulevant alors qu’elle enroule ses jambes autour de mes hanches.

— Où est-ce que tu veux que je te fasse jouir, Jolie Ysée ? soufflé-je contre sa bouche avant de l’embrasser voracement, la laissant haletante.

— Où tu veux mais ne me fais plus languir, Beau Blond. J'ai trop envie de toi pour patienter plus longtemps !

— Tu n’as vraiment aucune patience, ris-je en m’engouffrant dans sa chambre.

Je regarde sommairement autour de moi et avise rapidement le lit. Un gloussement absolument adorable s’échappe des lèvres d’Ysée lorsque je la laisse tomber sur le matelas, et je l’observe dégrafer son soutien-gorge alors que je déboutonne ma chemise rapidement. Je gronde en la voyant empaumer ses seins qu’elle malaxe en toute sensualité, le regard vissé sur moi qui ne tarde pas à virer le reste de mes fringues. Je crois que j’agis avec empressement plutôt que d’essayer d’attiser davantage son excitation mais, putain, j’ai trop envie d’elle pour jouer la patience.

Je récupère un préservatif dans mon portefeuille, le jette sur le lit avant de grimper à mon tour sur le matelas. J’écarte les jambes fuselées d’Ysée et pose mes lèvres sur l’une de ses chevilles, remontant lentement jusqu’à venir mordiller l’intérieur de sa cuisse, lui tirant un frisson. Puis, je fais le chemin inverse sur son autre jambe, non sans avoir crocheté son dessous pour le lui enlever au fur et à mesure de ma descente.

Un sourire arrogant naît sur mes lèvres en la voyant ainsi offerte à mes yeux. Divine, c’est le mot qui me vient à l’esprit tandis que j’enfile la capote. Follement appétissante, c’est ce que je me dis en la surplombant. Surexcitée, c’est ce que je constate lorsque je l’empêche de glisser une main entre ses cuisses et l’immobilise de mon corps, la sentant onduler contre mon érection pressée de la remplir. J’ai autant envie de la prendre vite et fort que de savourer ce moment avec toute la sensualité et la patience dont je suis capable. Je ne suis d’ailleurs toujours pas décidé lorsque je la pénètre lentement, remontant l’une de ses cuisses contre ma hanche pour m’enfoncer profondément en elle, son regard vissé au mien. Je crois que c’est à cet instant que je réalise que je fais bien plus que simplement la baiser… Mais le plaisir qui prend naissance au creux de mes reins m’empêche de réfléchir davantage à ça alors que je commence à aller et venir en elle.

Tout son corps pressé contre le mien, son souffle qui percute mon visage, sa bouche qui capture la sienne… Si mon cerveau est passé en mode plaisir, il note aussi chaque point de contact entre nous, chaque sensation qu’elle me fait ressentir. J’adore qu’elle agrippe ma nuque, tire mes cheveux, plante ses ongles dans mon dos, presse mes fesses pour m’inciter à accentuer mes mouvements… J’adore étouffer ses gémissements de ma bouche, sentir son sexe se contracter autour du mien sous le plaisir, entendre sa respiration se raccourcir, se couper lorsque je donne un coup de reins plus brutal… Et j’aime beaucoup trop cette promiscuité alors que nos yeux ne se lâchent pas ou presque, que nos corps se répondent et dansent langoureusement ensemble sur un air que nous commençons tous deux à bien connaître. Ça n’a rien à voir avec notre dernière nuit à l’Est, plus charnelle et vigoureuse, réponse d’un besoin mutuel de se prouver que la vie courait encore dans nos veines. Non, c’est quelque chose qu’on n’expérimente pas avec chaque partenaire qui passe dans notre vie, et la jouissance n’en est que plus belle, plus intense et mémorable. Entendre Ysée répéter mon nom à plusieurs reprises tandis que tout son corps vibre sous l’orgasme déclenche brutalement le mien, et je ne me reconnais même pas dans le râle que je pousse, guttural et puissant, presque déchirant.

Merde…

Je mets un temps fou à me remettre de ces émotions qui m’ont traversé et me laisse finalement tomber à ses côtés sans parvenir à la lâcher. Son buste se soulève au rythme de sa respiration encore chaotique et je ne peux m’empêcher de déposer mes lèvres sur ses deux jolis tétons tendus, avant de goûter la peau fine et légèrement salée de son cou jusqu’à déposer un léger baiser sur ses lèvres encore entrouvertes.

— Voilà, maintenant tu es officiellement en retard, et moi aussi par la même occasion, soufflé-je d’une voix rauque en me redressant.

— Wow… Je… On s’en fout du retard, non ?

— On va se faire étriper, tu sais ? ris-je en lui tendant la main une fois debout. Même si je ne regrette pas, il faut quand même qu’on y aille, ma belle.

— Oui, Marina a horreur des gens en retard, soupire-t-elle en cherchant du regard son soutien-gorge qu’elle enfile avec dextérité.

Je l’observe faire en m’habillant de mon côté après m’être débarrassé de la protection, et me demande quand je vais ressentir cette sensation d’être rassasié, d’avoir fait le tour de la question avec elle… C’est flippant, parce que j’ai l’impression que je n’en aurai jamais assez. Chacune de nos étreintes est différente de la précédente, selon les émotions du moment. Seule la finalité est la même, toujours aussi délicieuse et vibrante.

Mon cerveau déconnecte à nouveau lorsqu’elle enfile une robe noire cintrée qui moule divinement ses courbes, et je me plante derrière elle pour remonter le zip sans pouvoir m’empêcher de dévorer son cou. Bon sang, c’est hyper intime, il faut que je me calme.

— Prête ? lui demandé-je en remettant finalement une certaine distance entre nous.

— Toujours prête, répond-elle d’un sourire plein de sous-entendus.

Je la suis jusqu’au couloir et nous ne traînons pas à prendre le chemin de la salle de réunion dans un silence agréable. On est à la bourre, c’est plus qu’acté, mais c’était trop bon pour vraiment le regretter. Reste à voir comment sera l’accueil, parce que vu la tête d’Ysée, il y a peu de chance pour qu’on ne soit pas grillés quant à la raison qui nous pousse à frapper à la porte après tout le monde.

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