85. Ils ne s'étaient rien promis

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Ysée

Je regarde du coin de l'œil Mathias qui s’est approché de la fenêtre et qui semble s’être perdu dans une contemplation presque religieuse du paysage. Je me demande à quoi il peut penser ainsi concentré sur l’extérieur. A mon avis, il ne voit rien et je pourrais passer devant la fenêtre sans même qu’il ne se rende compte que je suis là. Il doit être replongé dans son passé. Et cette Justine que j’ai pu apercevoir à son écran a de vrais arguments, elle est vraiment mignonne et je comprends qu’il ait pu être séduit par elle. Je suis juste surprise qu’il ne l’ait pas découragée avec plus de force. Je me suis fait des idées sur nous, ce n’est pas possible autrement. Et là, son attitude est parlante, aussi. Il est toujours amoureux et il ne va pas tarder à la recontacter. Dans quelques jours, elle sera là et moi, je serais bonne à me trouver un nouveau mec. C’est con, je commençais à espérer autre chose avec lui.

— Ysée, ça va ? Tu as l’air sur une autre planète, là. Avec Mathias, vous faites la paire tous les deux, se moque Arthur gentiment.

— Fous-lui la paix, soupire Julia. J’arrive pas à croire que cette… Que Justine revienne la bouche en cœur comme si elle n’avait pas été la pire des garces. Heureusement qu’il a tourné la page…

Il faut croire que Mathias aime les femmes qui lui résistent et cherchent à lui échapper. Mais elle a fait plus fort que moi, cette Justine, je n’ai aucune chance. Et puis, je ne vais pas l’empêcher de renouer si c’est ce qu’il veut.

— On ne dirait pas que la page soit tournée autant que ça, soupiré-je en le regardant, toujours complètement perdu dans ses pensées.

Qu’il est beau, comme ça, de profil. J’apprécie ses muscles saillants, son visage bien dessiné et cette barbe toujours un peu rebelle et qui fait des merveilles quand elle entre en contact avec mon épiderme.

— Vu comment elle l’a largué, ça m’étonnerait qu’il puisse lui pardonner comme ça, juste avec une apparition en visio, reprend Julia.

— C’est clair… Et puis, aussi insupportable soit-il, c’est quelqu’un de fidèle. En revanche, si on le trahit, pas de retour en arrière. Il est rancunier, ajoute Arthur avant de me sourire. Serait-ce un poil de jalousie que je perçois dans ton soupir, Ysée ?

— Ah non, du tout ! répliqué-je trop rapidement pour cacher le fait qu’il a sûrement visé juste. Ce n’est pas parce qu’on… Enfin, je l’apprécie, mais il couche bien avec qui il veut.

— Ça va, on sait que tous les deux, vous vous retrouvez à l’horizontale, rit Arthur en me gratifiant d’un clin d’œil. Julia est son journal intime personnel, tu sais ? Bon, on n’a pas les détails, mais on n’est pas stupides non plus, tous les deux, ça se voit comme le nez au milieu de la figure.

Je manque de m’étouffer en l’entendant sortir comme si c’était normal qu’ils savent qu’on a cédé à la tentation. Je jette un regard furieux à Mathias pour son manque de discrétion et, manque de pot, c’est justement à ce moment-là qu’il tourne ses yeux vers moi et j’y lis son incompréhension face à ma colère. Cela a au moins le mérite de le ramener parmi nous et il se rapproche en continuant à m’affronter visuellement.

— Tu as dit à tes amis qu’on couchait ensemble ? l’attaqué-je alors qu’il joue parfaitement au type surpris par mes propos. Ce n’est pas moi qui leur ai dit, c’est forcément toi, continué-je, remontée.

— Heu… Ouais. Ça te pose un problème ? Ton frère est au courant, je te signale, j’ai bien le droit d’en parler à mes amis ? Je ne savais pas que tu avais honte de coucher avec moi, grimace-t-il.

— Mais je n’ai pas honte ! C’est juste que je n’aime pas être affichée comme un trophée dans ton hall des conquêtes. Bref, ce n’est pas grave. Je ne vais pas gâcher cette soirée avec mes réflexions aigries.

— Tu devrais plutôt être flattée, Ysée, ricane Arhur. Généralement elles ne restent pas suffisamment longtemps dans sa vie pour qu’on en soit informés !

— Oh ça va, bougonne Mathias, pas la peine de commenter, Zrinkak.

— Viens, mon Chéri, on va les laisser. Je crois qu’il faut qu’ils se parlent sans qu’on les embête. On va aller s’amuser au jardin avec les filles. Ne vous disputez pas trop, vous êtes mignons, tous les deux.

— Ne vous sautez pas dessus non plus ! crie Arthur en s’éloignant alors que sa femme lui met une petite frappe sur le bras.

Je ne peux m’empêcher de sourire en les voyant retrouver Lila et Sophia dans le jardin mais je retrouve vite mon sérieux quand Mathias s’assoit à côté de moi.

— Tu sais, on ne s’est rien promis, je comprendrais que tu souhaites renouer avec ton ex. Elle a l’air bien décidée à tout se faire pardonner.

— Effectivement, on ne s’est rien promis… Mais c’est fini depuis longtemps avec Justine alors… Et puis, je ne crois pas lui avoir pardonné ses actes de l’époque. Je n’aime pas trop qu’on me prenne pour un con. C’était… génial, avec elle, certes…

— Eh bien, si c’était si bien que ça, il faudrait que tu recommences. Tu vas prendre ton pied et, comme elle a réussi à te garder une première fois pendant un moment, elle devrait y arriver à nouveau assez facilement, non ? Nous, de toute façon, on s’est amusés, mais on est des adultes, je ne t’en voudrais pas si on arrête. Ne t’en fais pas pour moi.

— Donc… Tu me pousses dans les bras de mon ex ? me demande-t-il après m’avoir observée longuement.

— Il n’y a pas à pousser beaucoup, on dirait. Je n’ai pas envie de n’être qu’un pansement pour toi. Tu as retrouvé ta Douce, comme tu l’as appelée, tu devrais en profiter. J’espère que je serai au moins un bon souvenir, ce serait déjà ça.

— Un pansement ? Je… Merde, Ysée, tu n’as jamais été un pansement, soupire-t-il. Peut-être que les nanas avec qui j’ai couché après elle l’étaient mais… je t’assure que tu n’as jamais fait office de pansement pour moi.

— Et moi, je t’assure que je ne t’ai jamais vu aussi perturbé par une nana comme maintenant. Elle a raison, elle te chamboule et toi, tu n’as pas vraiment tourné la page. Ou alors, juste pour te protéger mentalement le temps de son absence, mais, clairement, elle n’a qu’un mot à dire et tu vas l’accueillir à bras ouverts ! Et bite tendue, aussi, je suis sûre !

— Je… Non, je pense que tu as tort, Ysée. Enfin… Évidemment que la revoir me chamboule, mais… Je sais pas… C’est plus pareil.

— Tu meurs d’envie de la revoir, j’ai bien compris, dis-je tout à coup en faisant mine de m’énerver pour cacher la douleur que je ressens au fond de moi. Tu vois, j’ai été un peu conne parce que je m’étais dit qu’avec toi, ça pouvait être différent, ou le devenir, en tout cas. Mais non, l’ex revient et Monsieur est toujours amoureux. Alors, tu sais quoi ? Je ne vais pas te causer plus de soucis que ça, fais comme si on n’avait jamais couché ensemble, tous les deux. Moi, j’ai déjà tout oublié.

Je me lève d’un bond, saisis mon sac et file sans lui laisser le temps de réagir. Je crois qu’il est tétanisé et qu’il ne pensait pas que je réagirais de la sorte. Peut-être même qu’il aurait aimé continuer à profiter de ma connerie et de ma disponibilité jusqu’à ce que cette pouffiasse de Justine se pointe. S’il croit que je vais faire la bouche-trou, il se met le doigt dans l'œil ! Je claque la porte derrière moi et m’engouffre dans ma voiture sans même prendre la peine de saluer la famille Zrinkak, et me retrouve au volant de ma voiture que je démarre au quart de tour. Quand je m’éloigne, j’aperçois dans mon rétroviseur le beau blond qui apparaît à la porte mais je détourne le regard et me concentre sur la route, en essayant de ne pas laisser les larmes qui commencent à couler le long de mes joues me brouiller trop la vue.

Sur le chemin du retour, le fait de me concentrer sur la conduite m’aide à ne pas m’effondrer mais, dès que j’éteins le contact de la voiture, je dois me faire violence pour retenir mes larmes suffisamment longtemps pour arriver à mes appartements, dans le Palais. Et là, je ne contrôle plus rien. J’ai l’impression que le ciel m’est tombé sur la tête et que je n’ai rien d’autre à faire que continuer à pleurer toutes les larmes de mon corps. C’est comme si je venais à nouveau de me faire larguer. Mais pour ça, il faut s’être mis en couple, non ? Pourquoi je suis si triste alors que je viens juste de mettre fin à un plan cul ? J’ai dû me tromper quelque part. Je crois que je me suis totalement fourvoyée quand j’ai cru que quelque chose se développait au delà du sexe. Pour lui, je ne suis qu’une chatte disponible. J’ai un peu résisté, je lui ai un peu crié dessus et ça l’a excité. La bonne affaire ! Maintenant, c’est moi qui souffre. Et bêtement, en plus. On ne s’est rien promis, il me l’a dit et redit.

C’est dommage que ce ne soit pas Cédric qui soit de garde devant ma porte, ce soir. S’il avait été là, je crois que je lui aurais fait vivre la misère pour soulager toutes mes envies, ma frustration, ma rage. Un vrai plan cul, quoi. Je le prends, je jouis, je le jette et je passe au suivant. J’essaie dans ma tête de me faire la liste de tous les mecs qui pourraient m’intéresser pour une nuit ou deux, mais à chaque fois, je les rejette parce qu’il leur manque un petit truc pour convenir à mon besoin. Même Cédric. Il n’a aucune personnalité, ce type. Autant prendre un jouet, ce sera la même chose niveau conversation et en plus, il pourra tenir jusqu’au matin sans se ramollir. Aucun mec ne peut égaler ces jouets. Enfin, si, il y en a un qui sait me faire grimper aux rideaux, mais ce sale type est en train de se remettre avec son ex. Donc, il faut que je l’oublie. Je finirai bien par me trouver quelqu’un qui m’apporte le même niveau de jouissance sans tout le drama autour. Des mecs comme Snow, il doit y en avoir des centaines de milliers dans le monde !

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