97. Le mateur surprise

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Ysée

— Mais arrête de regarder tout le temps ton portable comme ça ! Il doit être occupé, ton soldat français ! Tu sais bien qu’il a une vie là-bas et qu’il ne peut pas tout le temps t’écrire !

Daryl se moque mais c’est vrai que ce n’est pas habituel, ce silence. D’habitude, quand Mat part dans une mission où il ne pourra pas m’écrire, il me le dit. Là, son dernier message me laisse songeuse.

[Repose-toi bien, ma Belle. Il se pourrait que tu aies besoin d’énergie prochainement. A très vite]

— Oui, je sais, mais je me suis habituée à ses petits messages tout au long de la journée. Je crois que j’ai un vrai problème parce que je ne peux plus vraiment m’en passer.

— Ouais, t’as un vrai problème, parce que tomber amoureuse d’un queutard, c’est vraiment pas une bonne idée, Ysée…

— Ce n’est pas un queutard ! m’emporté-je instinctivement. Il… Depuis qu’il est parti, il n’a eu aucune femme, tu crois que c’est ça, un queutard ?

— T’étais dans sa chambre pour vérifier ? Ysée… On peut dire tout et n’importe quoi par message. Je dis pas ça pour te blesser ou je ne sais quoi, mais… je veux juste que tu te protèges. Les rumeurs le concernant ne sont pas bien glorieuses…

— Oui, je sais tout ça… Et là, c’est peut-être ce qu’il est en train de faire… Bref, parlons d’autre chose. Papa est endormi, tu devrais retourner un peu à la maison et donner un coup de main à Maman. Elle est en train de faire tout ce qu’il faut pour sécuriser la maison et préparer son retour. Moi, je reste ici avec lui, conclus-je en montrant notre père qui se repose sur son lit d’hôpital.

— Tu passes ton temps ici, tu veux pas plutôt aller voir Maman, toi ? Enfin bon, on fait comme tu veux, si tu préfères avoir mal au dos à force de vivre dans ce fauteuil, moi, ça me va !

— A tout à l’heure, Daryl, dis-je en me renfonçant bien dans mon fauteuil qui n’est pas si inconfortable que ça.

J’aime bien rester là, seule avec mon père assoupi. J’ai l’impression, si je ferme les yeux, que tout est normal, qu’il est simplement endormi et que quand il va se réveiller, tout sera revenu comme avant. Et ça lui arrive régulièrement maintenant de se réveiller et d’avoir quelques instants de lucidité. Ma mère pense toujours que c’est le signe qu’il va mieux et qu’il sera bientôt guéri. Je vois plutôt ça comme les dernières lueurs avant l’éclipse totale. C’est triste, mais en même temps, ces moments, je les chéris tous car mon père fait toujours preuve de beaucoup de tendresse.

Je regarde encore une fois mon téléphone, mais toujours rien, ce qui est vraiment surprenant. Cela m’inquiète un peu et j’hésite à appeler Florent pour en savoir plus. Mais en même temps, malgré nos nombreux messages, les quelques dérapages un peu plus coquins auxquels nous nous sommes laissés aller, il n’y a rien de sérieux entre nous. Enfin, si on oublie que c’est lui qui est la raison de tous mes derniers orgasmes. Et j’espère que la réciproque est vraie. Je parcours les quelques photos qu’il m’a envoyées. Qu’il est beau, cet homme. Insupportable et macho parfois, mais au fond, il a un cœur très romantique et un profond respect des femmes. Je suis sûre, depuis qu’il est parti, que je suis tombée amoureuse de lui. C’est n’importe quoi. Comme si aimer un fantôme qui vit à des kilomètres était une bonne décision.

Je me décide à céder à la tentation qui me ronge depuis un petit moment et lui écris un nouveau message.

[Et alors, Beau Blond, on abandonne sa Ministre préférée ? Je suis à l’hôpital près de mon père et si tu ne me donnes pas de nouvelles, peut-être que je vais céder aux avances du bel infirmier qui me drague, finalement ? Bisous, mon chou]

Je profite du calme pour relire tous nos derniers échanges et je me demande comment nous en sommes arrivés à discuter autant. J’ai l’impression qu’il faut que je le tienne au courant de tout ce que je fais et j’ai le sentiment de savoir tout ce qui lui est arrivé dans sa journée. C’est à la fois grisant mais tellement frustrant. Combien de fois me suis-je imaginée aller le retrouver en France et vivre une histoire avec lui là-bas ? C’est tout simplement impossible, surtout avec la maladie de mon père, mais qu’est-ce que j’aimerais pouvoir passer tout mon temps avec lui ! Bref, il faudrait que je l’oublie un peu, que je le laisse tranquille et que j’essaie de passer à autre chose. Si facile à dire… mais impossible à réaliser. La vibration de mon téléphone me tire de mes rêveries et je vois que c’est Mat qui enfin répond à mes messages.

[Le bel infirmier ? A quoi il ressemble, que je lui casse les dents !]

Je souris à son message. J’aime bien quand il fait son jaloux et je lui réponds immédiatement.

[Il est grand, brun et là, il me regarde tellement intensément que je suis prête à céder à ses avances. Dommage que tu ne puisses rien y faire.]

[Tu es une sacrée menteuse, Madame la Ministre… Aucun brun dans les parages, tu devrais avoir honte !]

Je fronce les sourcils en lisant son message. Comment sait-il que je baratine ? Il est aussi en contact avec Daryl ? Ou alors, il a des informateurs à l’hôpital qui me surveillent ?

[Je ne mens pas, je joue avec la vérité ! ;) Dis à tes informateurs d’arrêter de me mater, s’il te plait, ça me gêne !]

[Impossible, je peine déjà à détourner le regard pour répondre à tes messages, petite menteuse… Ne m’en demande pas trop non plus !]

Je relis plusieurs fois son message jusqu’à ce que j’entende son rire éclater. Je regarde vers la porte de la chambre de mon père et là, je n’en crois pas mes yeux. C’est impossible, comment a-t-il fait ça ? Je rêve, non ? Je tourne la tête vers mon père, mais il est toujours là, endormi. C’est vraiment la réalité ? Mat est vraiment là ? Vrai de vrai ? Vraiment, vraiment ?

Je bondis et saute sur lui en m’agrippant à son cou alors qu’il fait un pas en arrière, emporté par mon élan. Je sens ses bras qui m’enserrent immédiatement et je niche ma tête dans son cou en me lovant tout contre lui.

— Mathias Snow, tu n’as aucune éducation ! le disputé-je en essayant de garder mon sérieux. Mater les jolies femmes en cachette, je pensais que ta mère t’avait mieux élevé que ça !

— J’ai adoré te voir sourire en lisant mes messages, que veux-tu. Je voulais voir si tu levais les yeux au ciel aussi, rit-il avant de déposer un baiser dans mon cou. Comment tu vas, aujourd’hui ?

— Cela fait combien de temps que tu me matais, gros pervers ? Heureusement que je n’étais pas en train de me gratter ou je ne sais quoi de pas sexy du tout !

je ris car en réalité, je me moque bien de ce qu’il a pu voir. Tout ce qui compte, c’est qu’il soit là et que je puisse le toucher, sentir son parfum boisé si caractéristique et qui me rappelle toutes nos étreintes.

— Disons que je suis vraiment triste et fatiguée et que la seule chose qui pourrait me redonner de l’énergie, ce serait d’avoir un vrai baiser. Mais… hésité-je avant de me lancer. Je ne sais pas si tu es venu pour moi ou que tu passes juste par politesse parce que tu es revenu en Silvanie. Et pourquoi tu ne m’as pas dit que tu allais venir ? ajouté-je en lui donnant une légère frappe contre son torse musclé. Petit cachottier, va !

— Hey ! Stop à la maltraitance, ricane-t-il en me collant contre le mur. Pourquoi serais-je revenu ici si ce n’est pour toi ? Marina m’a vacciné pour les coups de main, je doute que Julia fasse de nouveau appel à moi, tu sais ?

— J’y crois pas… Tu… C’est vraiment pour me voir que tu as fait tout ce chemin ? Tu… Tu n’es pas en train de te moquer de moi ? Je suis désolée, je dois être en train de rêver…

— En fait, c’est ta mère que je voulais draguer, mais c’est toi qui es là… soupire-t-il en faisant la grimace. Triste vie…

— Ah, si c’est pour ma mère, je comprends, ris-je en le frappant à nouveau. Mais tu devrais faire attention à où tu mets les mains ! Si elle te voyait, là, comme ça, je peux t’assurer qu’elle serait jalouse ! Et le pire, c’est que je n’ai même pas profité de ta méprise pour récupérer mon baiser. Quelle conne je fais !

— Tais-toi et embrasse-moi, Ysée, chuchote Mathias à quelques centimètres de mes lèvres

Je ne me fais pas prier et penche un peu la tête pour me coller contre sa bouche qu’il entrouvre afin de m’accueillir. C’est comme au cinéma, et alors que nos langues se retrouvent, mon cerveau se déconnecte et je ne pense plus qu’à l’homme qui est en train de répondre à mon baiser. Je sens ses mains qui caressent mon corps, sa respiration qui s’accélère alors que je ne lui laisse pas le temps de la reprendre. Pris de la même frénésie que moi, il me fait tournoyer autour de lui sans relâcher sa pression dans mon dos ni interrompre notre étreinte. Le monde peut s’arrêter de tourner, je m’en moque, j’ai retrouvé celui dont je suis amoureuse et j’ai du mal à croire que ce bonheur est vraiment en train d’arriver.

— Eh bien, il était temps, les jeunes ! J’ai bien cru que j’allais devoir continuer à faire semblant de dormir pendant des heures pour que vous vous décidiez enfin à vous embrasser ! s’écrie mon père en nous applaudissant.

Immédiatement, un peu gênés, nous nous écartons l’un de l’autre sans toutefois nous lâcher, et je me tourne vers mon père qui nous sourit et a un air réjoui qui me fait chaud au coeur et me rassure, à la fois sur son état mental et sur ce qu’il peut penser de ce baiser dont il a été témoin.

— Tu faisais semblant de dormir ? Tu avais vu Mathias et tu n’as rien dit ? Mais comment se fait-il que je sois toujours la dernière à être au courant de tout !

— Tu avais le nez sur ton téléphone et un sourire niais sur le visage, ma Puce, je ne voulais pas te déranger, pouffe-t-il. Par contre, pas touche à ma femme, mon petit, je peux encore me lever de mon lit pour vous botter le derrière.

— Oh Papa, je suis si heureuse, si tu savais ! Tu te rends compte qu’il a voyagé toute cette distance juste pour moi ? C’est encore mieux qu’un conte de fée !

Mathias s’est à nouveau rapproché de moi et m’enlace en posant son menton sur mon épaule. Je me tourne vers lui pour lui voler à nouveau un petit baiser alors que mon père nous regarde avec tendresse.

— Promis, je ne touche pas à votre femme, mais je ne peux pas en dire autant pour votre fille, Monsieur. Elle m’a envoûté !

— Je crois que l’envoûtement marche dans les deux sens. Il va falloir vous dépêcher de vous marier et de me faire des petits-enfants avant que je ne perde totalement la tête, les Jeunes. Vous me promettez de ne plus trop traîner ? Je… Je n’ai plus trop le temps, je crois.

— Oh Papa, pleuré-je presque en me dégageant de l’étreinte de mon soldat pour me précipiter dans ses bras. Ne dis pas ça ! Je… Laisse donc Mat arriver ! Et puis, tu vois, tu es en forme, là, il n’y a pas de raison pour que ça ne continue pas à s’améliorer !

Je me serre contre lui et sens la main du Français se poser sur ma nuque et me caresser doucement. Entre deux des hommes les plus importants de ma vie, je me sens bien. Je ne sais pas ce qui a décidé Mat à venir me rejoindre, mais pour l’instant, je m’en moque. Il est là et c’est tout ce qui m’importe. Le trou qui existait dans mon quotidien s’est refermé. Mon père va un peu vite en besogne parce qu’il n’est peut-être revenu que pour qu’on s’amuse tous les deux au lit, mais il m’a tellement manqué que je suis prête à accepter ça. L’avenir, c’est loin et ça ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est profiter du présent, de mon père qui va mieux, de l’homme que j’aime et qui m’a fait la divine surprise de venir me rejoindre.

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