98. L'union des cœurs brisés

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Mathias

J’observe d’un œil Ysée plongée dans la carte des desserts alors que je n’ai encore aucune idée de ce que je vais bien pouvoir prendre. Soyons honnêtes, c’est elle que j’ai envie de dévorer après ce gratin typiquement silvanien dont je ne me rappelle même pas le nom. Et j’ai cent fois plus de courage pour lui proposer de filer prendre une chambre que pour entamer cette conversation à cœur ouvert qui était le but premier de ma visite. J’ai l’impression de m’être dégonflé comme un ballon de baudruche. Elle et moi marchons clairement sur des œufs, même si nos échanges sont plutôt naturels malgré notre tête-à-tête.

— Vous avez fait votre choix ?

La serveuse, une jolie blonde d’une vingtaine d’années, minaude sans gêne en me jetant des œillades séductrices, le dos quasiment tourné en direction d’Ysée. Je me retiens de lever les yeux au ciel et referme ma carte en plongeant mon regard dans celui, agacé, d’Ysée.

— Qu’est-ce que tu prends, Chérie ? lui demandé-je en insistant lourdement sur ce petit surnom.

— Une glace à la vanille. Et toi, mon Amour ? me répond-elle en insistant elle aussi lourdement sur le dernier mot.

— Je vais prendre une part de gâteau au chocolat, s’il vous plaît.

Je n’écoute plus trop la serveuse et lance un sourire à Ysée sans la quitter des yeux, espérant que cela fera fuir la blonde.

— Tu sais que tu es mignonne quand tu es jalouse ? souris-je en attrapant sa main sur la table.

— Je ne sais pas si je vais aimer ça, que tu te fasses draguer par tout ce qui a une paire de seins. Enfin, si… si on continue à se voir, se lance-t-elle après un instant d’hésitation. Et si ça devient sérieux entre nous.

— Est-ce que je l’ai draguée, moi ?

— Non, du tout. Enfin, si, tu es tellement mignon que tu l’as charmée sans même le vouloir !

— Ça, je n’y peux pas grand-chose, ris-je. Comme tu ne peux rien au fait que le brun à notre gauche n’arrête pas de te mater et que sa femme, elle, commence à en avoir marre.

Elle tourne la tête pour constater que ce que je dis est vrai avant de replonger son magnifique regard dans le mien.

— Et donc, tu es revenu en Silvanie pour me rendre jalouse ou tu avais une autre idée en tête ? J’ai besoin de savoir dans quoi on s’engage…

Une partie de moi a clairement envie de prendre ses jambes à son cou, tout de suite. La dernière fois que je me suis dévoilé à une femme, j’ai fini avec le cœur brisé, et j’ai bien l’impression que mes sentiments pour Ysée sont encore plus forts que ce que j’ai pu ressentir pour Justine. Je déteste ça, me mettre à nu. Du moins, dans ces conditions.

— Disons que, malgré les conditions un peu compliquées, je suis prêt à m’engager sur du sérieux avec toi. Si c’est ce que tu veux aussi… Je crois… Je pense que ça en vaut la peine, même si on risque de s’écharper régulièrement.

— Comment ça, on risque de s’écharper ? Ca irait tout seul si tu ne voulais pas tout le temps me surprotéger ! me lance-t-elle avant de se stopper net et d’éclater de rire. Excuse-moi, je crois que tu as entièrement raison ! Et quand tu dis “du sérieux”, c’est vraiment ce que tu veux ? Tu ne dis pas ça pour me remettre dans ton lit et me larguer après ? Je… J’ai déjà eu le cœur brisé une fois, je ne veux pas recommencer.

La serveuse approche et j’attends qu’elle ait déposé nos desserts sur la table pour lui répondre, sans rompre le contact visuel.

— Je vais faire comme si tu n’insinuais pas que je suis un connard en me prêtant ce genre d’intentions, soupiré-je. Ecoute, Ysée… Moi aussi, j’ai eu le cœur brisé, au point de ne plus vouloir tenter de vivre une vraie histoire. Si… si j’en viens à envisager ça avec toi, c’est qu’il n’est pas seulement question d’un lit entre nous, loin de là.

— Je ne voulais pas te blesser, Mat… C’est juste que j’ai encore du mal à croire que tu sois là, en face de moi et que… l’on semble se diriger vers quelque chose dont je rêve depuis un bon moment déjà. Tu te rends compte de ce que tout cela implique ? On ne vit même pas dans le même pays !

— Et nous sommes deux adultes… On peut discuter de tout ça et réfléchir à la suite, non ? Je… Je sais que c’est compliqué, Ysée, que c’est flou, mais ça en vaut la peine, non ?

— Oh oui, ça en vaut la peine ! Même si tu abuses parfois, ça en vaut largement la peine, indique-t-elle avant de se pencher vers moi et de me faire un bisou vanillé.

— J’abuse, moi ? Vraiment ? Tu racontes n’importe quoi, Madame la Ministre. Et excuse-moi d’être protecteur avec les gens que j’aime, c’est ma nature, c’est comme ça.

— J’espère seulement que ça ne va pas te donner trop de cheveux blancs tout de suite. Tu ferais un bon George Clooney mais j’aime bien ton côté blondinet, moi, me provoque–t-elle en posant sa main sur la mienne.

— Désolé, mais je suis plus vieux que toi, jolie Ysée, j’ai bien peur que tu ne profites plus très longtemps du blond. Je t’invite ou tu vas me piquer une crise parce que je te paie le restau ?

— Je ne pique jamais de crise, voyons ! Je m’exprime ! Si ça te dérange, une femme qui donne son avis, tu devrais plutôt te trouver une poupée Barbie ! Et encore heureux que tu m’invites, c’est notre premier rendez-vous amoureux, je ne vais pas en plus payer alors que je te fais déjà le plaisir d’être là ! termine-t-elle avant d’éclater de rire quand je lève les yeux au ciel.

— Quelle emmerdeuse tu fais, ris-je en me levant avant d’attraper sa main pour l’entraîner dans mon sillage.

Je ne tarde pas à régler le repas et l’attire contre moi à peine sommes nous sortis du restaurant. Je pose mes lèvres sur les siennes, savoure leur douceur et ne me gêne pas pour envahir sa bouche lorsqu’elle l’entrouvre. Je fais mon possible pour rester correct et bien élevé, mais j’ai follement envie de glisser mes mains sous ses fringues, la coller contre la vitrine et la dévorer dans la seconde.

— Dis-moi, soufflé-je contre ses lèvres. Au bout de combien de rencards tu couches ?

— Je ne suis pas une fille facile, Monsieur Snow. Mais pour toi, je veux bien faire une exception. Et le plus vite sera le mieux !

— Tu n’imagines même pas à quel point j’ai hâte de plonger en toi, chuchoté-je à son oreille avant de lui sourire innocemment.

Je la laisse plantée là et me dirige vers ma voiture de location afin de lui ouvrir la portière. J’en fais des caisses, je crois, qui ouvre encore la portière de son rencard au vingt-et-unième siècle ?

— Dis-moi, tu ne comptes pas me virer après les orgasmes que je compte t’offrir, j’espère ? Parce que je n’ai pas pris de chambre d’hôtel, encore, et je doute que les Zrinkak apprécient que je frappe à leur porte au beau milieu de la nuit.

— Vu le temps qu’il va te falloir pour que je sois comblée, je peux te dire qu’il va te falloir plus que la soirée, mon Chou. Peut-être même qu’on ne sortira pas de la chambre avant plusieurs jours !

— Voilà une proposition bien tentante !

Bon, j’avoue que je ne traîne pas trop sur la route. Je flirte avec les limites, pressé d’arriver au Palais. Heureusement, il est assez tard et nous ne croisons quasiment personne. La seule chose que j’appréhende, c’est de tomber sur la Gitane. Je suis encore trop en rogne contre elle pour rester de marbre si je la vois. Bon, clairement, mon cerveau risque de vite se mettre en veille au contact de la jolie Ministre qui reste bien trop sage à mes côtés. Ce qui n’est plus le cas lorsque nous nous retrouvons dans le hall du Palais. Peu importe le garde qui s’y trouve, Ysée se presse contre moi et dévore ma bouche avec entrain. Je sens que le trajet jusqu’à ses quartiers va être long… très long, même, à ce rythme-là.

Je ne sais honnêtement pas comment nous parvenons jusqu’à sa suite, qui n’est pas gardée puisqu’elle est censée être à l’hôpital. Toujours est-il que j’ai une trique monstrueuse, que nous sommes aussi haletants l’un que l’autre et qu’Ysée est sublime, les joues rougies, les yeux brillants, les mains tremblantes et les lèvres gonflées. C’est sans doute la plus belle vision possible.

Je la soulève à peine la porte refermée et la plaque contre le mur pour retrouver ses lèvres tentatrices, sans me gêner pour enfin glisser mes mains à même sa peau, la sentant frémir contre moi. Merde… Comment est-ce que j’ai pu tenir aussi longtemps ? J’ai l’impression qu’il y a une éternité que je ne l’ai pas goûtée. D’ailleurs, l’impatience me gagne et je vire rapidement son pull, découvrant avec plaisir cette poitrine libre de tout tissu que j’empaume en parsemant son cou de baisers. J’ai envie de l’entendre gémir, surtout depuis que nous nous sommes excités comme des ados par téléphone. Le live était bien agréable, mais pas assez net et réaliste pour entièrement me satisfaire. Ou alors, c’est de savoir que ce sont ses mains qui l’ont fait jouir et non moi… Si bien que je prends un moment pour cajoler ses tétons de mes coups de langue comme elle aime, tout en déboutonnant ce jean qui lui fait un derrière d’enfer. Je le glisse le long de ses jambes au fur et à mesure que ma bouche descend sur son ventre, accompagné de ce petit sous-vêtement en dentelle rouge, et savoure cette nouvelle vision particulièrement érotique alors qu’elle est dressée face à moi, haletante, les cuisses pressées l’une contre l’autre.

— Que puis-je faire pour vous satisfaire, Madame la Ministre ? soufflé-je en me libérant de ma veste et de mon tee-shirt rapidement.

— Fais-moi l’amour, Mat. Lentement et sensuellement. Rapidement et sauvagement. Prends-moi et laisse-moi te posséder. Viens, souffle-t-elle d’une voix rauque.

Au moins, sur ce point, nous sommes plus que d’accord, et je ne tarde pas à la soulever pour l’entraîner dans sa chambre. J’ai autant envie de savourer ce moment que de m’enfouir en elle pour la prendre sauvagement. Ysée me fait un effet de dingue que je peine à contrôler. J’inspire pourtant un bon coup en la déposant sur son lit, et souris lorsqu’elle pousse un petit cri alors que je l’attire sur le rebord en m’agenouillant entre ses cuisses. J’ai tellement envie de lui faire perdre la tête que ma bouche et mes doigts atterrissent contre son sexe déjà humide alors que je remonte l’une de ses jambes sur mon épaule. Je glisse un doigt puis deux dans son intimité sans aucune difficulté et lape son clitoris comme un affamé, satisfait de l’entendre pousser ses premiers gémissements. Ma main libre caresse son ventre, remonte sur sa poitrine, s’amuse à titiller ses pointes, et je jubile quand les mains d’Ysée agrippent ma tignasse pour me plaquer davantage contre son sexe. Elle se cambre sur le lit et j’accélère les mouvements de mes doigts en la sentant proche de l’orgasme, accentuant la pression de ma langue sur son bouton. Son cri de jouissance envoie une décharge pas possible direct dans mon boxer alors que je suis déjà proche de la rupture. Je n’ai aucune envie qu’elle redescende de son petit nuage et me libère de mes derniers vêtements après avoir récupéré une capote dans mon portefeuille. Je l’enfile sans traîner et embrasse Ysée en glissant mon bras sous elle pour la ramener au centre du lit.

— Tu m’as l’air bien loin d’ici, ma jolie, me moqué-je en pressant mon bassin contre le sien.

— Tu m’as fait voir les étoiles, mon Chéri, mais si tu crois que je vais te laisser le dernier mot… ajoute-t-elle, mutine, en venant me chevaucher.

— D’accord, ça me va, souris-je en m’installant en étoile de mer avant de lui claquer la fesse. Au boulot, femme !

— Non mais ça va pas ! me répond-elle en venant mordiller mon torse.

— Oh ça va très bien, mais je t’assure que si tu ne te dépêches pas de m’accueillir au paradis, je t’attache dans ce lit et je profite de toi jusqu’à épuisement.

S’il y a bien un endroit au monde où Ysée peut se révéler docile, c’est au lit, et elle me le prouve en se soulevant pour redescendre sur mon sexe bandé sans attendre. Impossible de jouer l’étoile de mer, j’ai trop envie de la toucher, de l’embrasser… Et je ne me fais pas prier. Mes mains se baladent partout où elles le peuvent, agrippent sa nuque pour retrouver ses lèvres, ses hanches pour accompagner ses mouvements… Ysée se déchaîne au-dessus de moi, à la recherche de la jouissance. Sa respiration erratique s’accompagne de gémissements sexy comme pas possible, ses hanches se meuvent dans un rythme soutenu que j’accompagne avec délice et je lutte pour ne pas jouir trop rapidement.

Le calme de la pièce est perturbé par nos gémissements de plus en plus poussés, et je jouis à la seconde où je sens son intimité se resserrer vivement autour de moi. Je crois qu’il n’y a pas meilleure sensation que celle d’Ysée qui s’effondre littéralement sur moi, niche son visage dans mon cou en peinant à reprendre son souffle alors que nos corps sont encore imbriqués l’un dans l’autre.

Je nous bascule doucement sur le flanc et attire sa bouche contre la mienne pour l’embrasser délicatement.

— Je t’aime, Ysée, chuchoté-je en plongeant mon regard dans le sien.

— Moi aussi, je t’aime, Mat. Mais je te préviens, ce n’est que le début !

— J’espère bien. Repose-toi un peu, parce que ce n’est que le début de la nuit, et le début du reste, Chérie.

Nos sourires se répondent et un poids quitte mes épaules. J’ai replongé dans le grand bain de l’amour, j’espère ne pas m’y noyer, même si Ysée en vaut la peine. Après tout, deux cœurs blessés, ça peut donner quelque chose de bien, non ?

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