29. Impitoyables parjures

6 minutes de lecture

Pertho guidait ses guerriers Lynxs et Sangliers avec une férocité inégalée. Son esprit était empli d’une fureur déchaînée, nourrie des souffrances et des affronts passés. Il semait la mort sur son chemin, dans le but de plier son ennemi à sa volonté. Mais face à lui se dressait une Tegwen Stackworth d’une bravoure indomptable. Déterminée à protéger ses terres et son peuple, elle usait de pièges sournois et de lignes de défenses impénétrables dans l’espoir d’atteindre Arnarholt en plein cœur.

« J’espère que c’est aussi important que tu le dis ou tu vas savoir sur le champ ce qu’il t’en coûtera, déclara Pertho, le visage blafard.

Cela faisait plusieurs lunes qu’il luttait avec acharnement dans le froid dans une guerre dont Rhiannon n’avait qu’une vision limitée par les barreaux qui l’enfermaient. Le jeune homme était préoccupé par la situation et n’aurait aucune patience pour qui ce fût, allié ou non.

- Tu n’as pas à affronter Tegwen, Pertho, dit-elle en le fixant droit dans les yeux. Je ne suis pas ton ennemie. Je veux seulement la vérité et la paix. Je sais qui a tué mon père.

- Et qui est-ce, selon toi ? la toisa Pertho avec méfiance.

- Le traître se cache parmi nous, dit-elle. Il a semé le chaos, manipulé les clans. Je peux t’aider à le trouver. Mais en échange, il faut que tu me libères.

Pertho hésita, puis contre toute attente, acquiesça.

- Si tu mens, tu le paieras de ta vie, et je m’en chargerai personnellement. Je n’ai qu’une parole. »

***

Des semaines que Pertho la maintenait sou clé, et il venait de lui offrir une chance de mener à bien sa propre mission. Pour quelles raisons ? Et pourquoi maintenant ? Peut-être n’était-elle plus l’atout qu’il revendiquait si fortement dans sa révolution contre les Loups. Pendant un temps, Pertho lui avait paru instable, prêt à céder, à lâcher la horde qui le suivrait au combat jusque dans la mort. Tout dans ses yeux n’était que signe d’avertissement et de mise en garde pour celui ou celle qui oserait le défier. Rhiannon savait que le temps jouait contre elle. Elle devait découvrir la vérité avant que la guerre ne dévorât tout sur son passage.

Elle arpenta la nuit sombre d’un pas feutré. Agile par sa corpulence, elle se fondait dans le décor. La salle des gardes était forcément proche. Elle déambulait dans les allées exigües et tortueuses, d’un côté et de l’autre pour la localiser. Puis elle se saisit d’un couteau oublié là. Et si c’était un piège que lui avait tendu Pertho ? Pour lui faire miroiter le peu d’espoir qu’elle avait pour elle-même ? C’en était forcément un. En souvenir, Rhiannon plaqua sa main sur son pendentif d’obsidienne, comme pour s’assurer qu’elle le portait toujours autour du cou, avant de s’avancer toujours plus dans la caserne.

Puis enfin sur sa gauche elle atteint sa destination. La salle de garde construite en bois robuste était assez spacieuse pour accueillir une centaine d’hommes et mêmes des chevaux. Les torches suspendues au plafond éclairaient les étendards griffus des Lynxs et les coffres remplis d’armes le long des murs. Rhiannon dissumula dans son dos le couteau qu’elle avait récupéré en chemin tandis qu’Ealdred buvait devant le foyer de feu central entouré de pierres. Brutalement, elle lança l’arme blanche contre le vieux garde. Il la projeta sans difficulté sur le côté, avant de riposter et d’assener à la jeune femme le même coup de couteau directement dans l’abdomen. Surprise, Rhiannon étouffa un cri avant d’exploser sous l’effet de la douleur.

« Comme toujours, tu fonces tête baissée… Tu dois tenir ça de ton père, lui dit-il en la saisissant.

- Lâche-moi, espèce de salaud ! lui grogna-t-elle en se débattant, ce qui ajoutait d’autant plus à sa douleur.

- C’est pour ça que je ne le suivais plus, nous n’avions plus les mêmes projets pour Striga et pour Dhak.

Du mieux qu’elle put, Rhiannon retira le couteau planté dans sa chair pour le porter fermement au cou du vieux garde.

- Et que tu l’as trahi en vendant des informations aux Lynxs… soupira-t-elle. Je me souviens maintenant qu’enfant mon père m’avait mentionné un traître parmi les Loups, qui avait déserté lorsque mon père avait découvert sa trahison… Maintenant, parle ou je jure que je vais révéler ton secret aux Lynxs sans exception !

- Tu n’as rien compris, petite, répondit-il en se moquant. Pertho va t’exécuter en public pour Tegwen et pour t’en être pris à un garde d’Arnarholt par la même occasion, et ce sera fini pour toi.

- Alors je vais t’égorger avant ça comme un porc, que Dhak me vienne en aide ! » rugit la jeune femme.

Alors sans réponse d’Ealdred, malgré la sensation de feu qui lui brûlait le ventre au point de la faire céder, elle s’appliqua à détourer le fameux tatouage pour le retirer de son porteur.

« Aswollt Stackworth te salue depuis sa tombe, assassin. »

Ealdred avoua tout sous la torture : il avait été payé par les Lynxs pour assassiner l’ancien chef de Loups et semer la confusion entre les clans.

Alertée par les cris, c’était devant un Ealdred taché de sang, haletant et suintant que Jera s’arrêta, avant de voir que c’était Rhiannon qui lui avait infligé tous ces supplices.

« Tu vas payer pour ce que tu as fait !

- Vous vouliez une preuve de mon innocence ? La voilà ! » lui cria-t-elle en lui montrant de sa lame la peau arrachée du vieux garde.

Réveillé en pleine nuit pour l’occasion, Pertho convoqua une assemblée. Rhiannon, blême et interdite, soutenue par Kurere qui avait pansé sa blessure, assistait à la scène. Ealdred, torse nu, était solidement attaché par les poignets à une barre d’attache soutenue par des poteaux. Jera et Torborg, témoins directs, se tenaient de part et d’autre des piliers de bois en silence, tandis que Pertho aiguisait un couteau déjà assez vif et pénétrant aux vues de la lame.

« Maintenant, Ealdred… dis-moi… comment la Louve en est-elle venue à croire que c’est nous qui avions payé pour la mort de son père ?... Je ne me souviens pas avoir donné un tel ordre. »

La réponse tardait à venir. Pertho empoigna sa lame et opéra une incision dans le dos d’Ealdred, qui endura les effets de l’entaille dans sa chair.

« Je ne me souviens pas avoir commandé de tuer Aswollt Stackworth comme un vulgaire voleur, Ealdred… pour la simple et bonne raison, que tu sembles avoir oublié d’ailleurs… que je l’aurais défié tôt ou tard en combat singulier, comme un homme. »

Pertho écarta davantage la balafre qui saigna à profusion, laissant le vieux garde grimacer et hurler de douleur sous ses brutalités.

« Nous avons fouillé tes coffres, Ealdred… j’ai toujours lutté pour que mes hommes soient payés à la hauteur de leur mission… mais autant de sacs de pièces d’or dans ton cas… c’est bien trop payé… Alors pour qui tu travailles, Ealdred ? Pour qui ?!... N’essaie pas de prier, c’est à moi que tu dois te confesser, pour qui travailles-tu ?! »

Les chairs écartées, pris en étau entre son devoir et sa conscience, Ealdred évoqua l’idéal de grandeur qu’il avait pour Dhak et qui l’avait poussé à s’engager dans cette voie d’espionnage, les sacrifices qu’il avait faits et qu’il referait s’en hésiter dans ce but. Le vieux garde fit ensuite allusion aux relations complexes qu’il entretenait et aux forces influentes qui l’avaient entraîné dans cette position aujourd’hui risquée. Il laissa à Pertho et à Rhiannon des indices subtils, des descriptions implicites, suggérant la véritable identité de son employeur, sans la révéler ouvertement. Les regards des deux jeunes gens se croisèrent, comprenant la vérité, prononcée et tue en même temps, à la fois éclatante et tapie dans l’ombre.

« Nous serons sans pitié à ton égard, Ealdred. Tu vas être mis aux fers en attendant notre décision sur ton sort. Tu n’as pas d’allégeance digne d’être respectée, et pour ça, tu seras jugé. » annonça Pertho.

Ealdred fut accusé de complicité dans le meurtre d’Aswollt Stackworth et arrêté. Non seulement avait-il menti à Rhiannon en cachant la véritable identité du commanditaire, il avait reporté ces accusations contre les Lynx. Bernée devant les faits, elle ne pouvait qu’admettre qu’il n’était qu’un intermédiaire, un maillon dans une chaîne macabre qu’il fallait remonter.

« Je peux t’assurer, Rhiannon, qu’Ealdred le paiera de sa vie… Pardon d’avoir douté de toi. »

Annotations

Vous aimez lire self-enscripted ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0