Réveil

16 minutes de lecture

L'Algorithme dit "Un jour viendra l'Elu, union parfaite entre la machine et la chair. Ce sera un jour nouveau, le premier jour d'une nouvelle humanité".

Évangile selon l’Algorithme, La Genèse, 1-15

Oumane

Jeudi 14 janvier 2033

Les vagues de souffrance me sortent du coma et aussitôt j’entends les voix. Des paroles inaudibles et sourdes comme celles qu’on entend, immergé au fond d’une baignoire. J’émerge péniblement de ma gangue de torpeur, épaisse, gluante, sombre et douloureuse. Le sang martèle chaque infime parcelle de mon corps meurtri. Par excès de favoritisme, il en priorise certaines plus que d'autres. Des vagues de douleur lancinante écument sous la surface de mon crâne, de mes mains, de mon dos, de mon visage, de ma bouche. Je suis aussi nu que le jour de ma naissance. Recroquevillé sur le flanc droit, on m'a recouvert d'un fin duvet. La clim est en mode maxi. Je tente de me redresser mais ne parvient qu'à obtenir un couinement aigu du canapé-lit sur lequel je repose.

Je reconnais sans peine l’endroit, il y a cette drôle de pendule au mur et dessous le cadre qui contenait la vieille photo d’Elvis et de sa famille. Les images de la mort de mon jeune ami me reviennent comme un uppercut. Son visage d’adolescent et son regard croisant le mien cette ultime fois. Cette dernière étincelle de vie qui s'éteint quand le gros balèze lui brise le cou. Comment étions nous tombés dans un tel traquenard ? Aurais-je pu empêcher ça ? Aurais-je pu sauver mon ami ?

Mes yeux parviennent à faire une mise au point. Je porte encore mes lentilles photochromiques. Les deux silhouettes aux contours flous qui se tiennent au milieu de la petite pièce deviennent plus nettes. Aucun doute possible. Je ne sais pas ce qui me désarçonne le plus. Être en vie dans le studio de mon ami mort, ou voir Lena Dwarcolovna et Quentin ensemble à mon chevet. Mais sont-ils seulement réels ? Ils peuvent tout aussi bien être les émanations surréalistes de mon cerveau halluciné. Ils cessent de parler quand la sculpturale transoP remarque que je viens de reprendre mes esprits, ou du moins ce qu’il en reste. En trois enjambées ils sont à côté de moi. Blanche-Neige en a donc réchappé. Je ne rêve pas. Nous sommes vivants tous les deux.

" Comment ça va mon pote ? Putain j’ai bien crû que t’allais jamais te réveiller. Tu es dans le biosphalt depuis plus de 24 heures. Et sans pisser au lit en plus." Il se met à rire. Un rire de réconfort que l'on partage avec ses frères d'armes quand on est dans la mouise et au-delà.

J'esquisse un sourire qui ne vient pas. Mes muscles faciaux refusent de répondre. Je tente de dire un ou deux mots, mais tout ce qui sort de ma bouche est incompréhensible. Des sons grotesques et risibles, semblables à ceux que l'on profère quand le chirDentist vous soigne une carie.

— Tom, j'ai besoin d'aide.

Tom ne répond pas.

— Tom je t'en prie !

Silence radio.

Je vais avoir besoin de médocs. Très corsés et en très grande quantité. Les larmes me viennent.

"Evite de bouger Waldo. L'aut' enfoiré t'as pas manqué. Si tu voyais ta tronche. Putain, on dirait du Picasso." Quentin éclate de rire une nouvelle fois. Moi aussi, mais on dirait une longue plainte. L'agent Dwarcolovna reste impassible, même sa neuroCam ne bouge pas.

"Je sais que tu as très mal Waldo, mais t'inquiète mon pote j'ai demandé qu'on apporte le nécessaire. On va te réparer tout ça en deux coups de pisto-seringue.”

Quentin déchiffre mon regard circonspect en direction de la transoP. Il me connaît suffisamment pour savoir interpréter mon non-verbal. D’un petit geste discret il lui demande de sortir du box. “Elle est avec moi Waldo. On travaille ensemble. J’pense que nous te d’vons quelques explications mon ami et de nombreuses excuses également. Nous nous sommes un peu servis de toi.”

Mon cerveau reçoit correctement le message mais ne le décode qu'en partie. Je meurs d'envie de me noyer dans un nouveau coma, profond, définitif. Mon corps tremble de froid, de douleur, de manque de came et de désespoir. Mon Fouineur est mort, mon servCom est HS, j’ai le corps en bouillie. Que vais-je devenir ?

La porte du box s'ouvre quand Lena sort et une des serveuses-lianes de Quentin entre alors. Elle pose une petite mallette métallique sur la petite table devant nous. Elle l'ouvre. Elle m'adresse un splendide sourire et un clin d’œil. Puis elle repart. Quentin s'assoit près de moi et empoigne le pisto-seringue posé dans le compartiment tapissé de feutrine noire. Comme son nom l'indique, le pisto-seringue est un flingue rudimentaire qui sert à faire des injections. Il suffit de charger la fiole de produit à injecter sur le dessus du canon, de poser la bouche de l'arme sur la partie du corps où l'on veut faire l'injection et d'appuyer sur la détente. Je déteste ce truc.

Quentin se penche vers moi et m'explique les choses d'une voix douce. "Voilà mon pote, si t'es d'accord, j'peux t'remettre sur pied illico. C'est l'dernier remède mis au point par AmaZing. Nos techniciens appellent ça les Scarabées. Ce sont des nanites médicaux qui vont v'nir réparer tout c'qui est endommagé chez toi. C'est radical. En revanche faut quand même qu'tu saches que la sensation qu'ça procure... euh... et bien c'est franchement pas terrible. Donc le mieux c'est qu'on t'fasse tout ça sous anesthésie. Mais là aussi, il faut qu'tu sois d'accord. T'es pas obligé d'accepter bien sûr, mais vu ton état j'te l'conseille. C'est ta main surtout qui nous inquiète. On dirait un steak haché. Qu'est-c'que t'en dit ?"

Que pouvais-je en dire ? Que dit un pauvre type au chirurgien armé d'une scie qui lui annonce que sa jambe est gangrenée ? Je n'ai pas vraiment le choix. Ma chute m’a réduit la face en compote et pété quatre dents. Je respire à l’économie en raison des trois côtes qui ont le moins apprécié ma petite séance de trampoline sur le biosphalt. Enfin, la partie de pouilleux massacreur avec cette pourriture d’Akba a transformée ma main en une grosse tomate pourrie. Je fixe le visage confiant de Quentin et j'acquiesce.

"Ok mon pote. Donc voilà, j’vais d'abord t’faire trois piquouzes. Une première à la base du cou, une deuxième dans l’bide et la dernière dans ton avant-bras gauche. A chaque fois j’t'injecterai une solution saline isotonique chargée en nanites et en cellules souches. Je devrai attendre les premiers effets désagréables pour t’faire une dernière injection d'hypnotique. Tu dois rester conscient pour qu’les nanites repèrent les zones à réparer en priorité. Ils se repèrent grâce aux influx nerveux. Ta douleur les guide.”

Je me demande comment Quentin peut-il bien en savoir autant ? Il parle comme un ingénieur. Quelque chose dans mon regard lui indique qu’il peut commencer. Il cale le pisto-seringue à la base de mon cou et appuie sans hésiter. En moins d’une seconde, un jet d’air comprimé propulse à très haute vitesse les nanites via la douzaine d’aiguilles ultra-fines qui pénètrent ma chair à la vitesse du son. Je n’ai pas le temps d’avoir mal. Il lui faut moins d’une minute pour accomplir le même rituel au ventre et à l’avant-bras.

Je comprends très vite pourquoi on surnomme les nanites médicaux les Scarabées. Sans traîner, les zones d’injection irradient de bourdonnements légers. Des picotements parcourent mes chairs, certains de mes muscles se contractent. Au début une chaleur agréable envahit les zones meurtries. Puis ces sensations aimables cèdent leur place à une série de démangeaisons, de grattements, de frottements, de raclements et de craquements très désagréables. Je sens les Scarabées marcher à l’intérieur de mes tissus musculaires, grouiller le long des parois de mes vaisseaux sanguins, se frotter sur mes os. Je les entends aussi se faufiler dans mon système vasculaire cérébral. Ma psyché a du mal à accepter cette invasion et j’éprouve un irrépressible besoin de me gratter. Quentin me scrute attentivement et sans perdre une miette de l’affligeant spectacle que je lui joue. Il se tient prêt à intervenir avec le pisto-seringue.

Et puis les nanites se mettent au travail, en torturant la moindre parcelle abîmée de mon être. Je sais que c’est pour mon bien, mais le problème avec la douleur c’est qu’elle n’est jamais raisonnable. Surtout au niveau des os, des articulations et des nerfs. Les douleurs deviennent vite insupportables. Je ferme mes yeux et pousse un hurlement à perforer les tympans. Je sens le contact du pisto-seringue sur mon cou, une décharge, et je sombre.

Quentin est encore là quand j’ouvre à nouveau les yeux. Il est avachi sur un large fauteuil. Le siège a l’air nettement plus confortable que les chaises à fakir d’Elvis. Il boit une bière et grignote des biscuits apéro. C’est ça qui m’a réveillé, le bruit qu’il fait quand il mâche et réduit en bouillie les petites tuiles croustillantes. Je suis rassuré, les Scarabées ne triturent plus mes tympans. Lena Dwarcolovna est assise à ses côtés. Elle lui caresse une de ses cuisses. Absorbés par l’écran de leur périphe, ils scrollent sans même prendre la peine d’apprécier le contenu qui s’affiche. Il y a quelque chose de touchant à les voir ainsi. Non pas que je trouve passionnant le fait de passer son temps de la sorte, mais de ressentir une vraie et tendre complicité entre eux. Un amour authentique et véritable.

Sacré Blanche-Neige, tu en fais des cachotteries.

Je pense à mon servCom. Je l’appelle. Je ne reçois aucune réponse. Je regarde mon strappho. La diode d’allumage est désespérément éteinte. Je frémis en comprenant que la décharge d’AED a grillé Tom. Je suis désormais un augmenT avec un implant qui ne sert plus à rien.

Bon sang, alors que je commençais à m’y faire.

Je remue. Le canapé-lit couine. Quentin lève les yeux de son écran et s’aperçoit que je les regarde. Il me sourit et se redresse pour s’asseoir correctement. Lena retire sa main.

“Comment tu t’sens mon pote ?

— Revenu d'entre les morts."

Je n’en reviens pas. J’arrive de nouveau à parler et même à sourire. Mon ami me le renvoie en tapotant ses incisives du bout de son index. "Les nanites ont accompli le plus gros. Les cellules souches prennent le relai désormais et tu risques de ressentir quelques douleurs passagères. Encore trois jours et tu s’ras comme neuf."

En passant ma langue sur mes dents je comprends mieux son allusion, mes dents n'ont pas fini de repousser. Je ne sens que la tranche des nouvelles quenottes qui ont percé les gencives. "Les Traqueurs n’ont pas réussi à t’avoir on dirait. Je lui souris et parviens à me redresser sur le canapé-lit inconfortable et grinçant."

— Disons plutôt qu’Lena est arrivée à temps. Sans son intervention j’aurai eu du mal à v’nir à bout d’ces péquenauds. Mais ces salopards ont ruiné mon bar avant qu’on les descende."

Je les regarde tous les deux en me disant que dans toute cette histoire, il me manque encore un bon paquet de chapitres. Comme s’il lisait dans mes pensées, Quentin s’installe à la façon d’un vieux conteur, se moulant confortablement dans son fauteuil en croisant les jambes.

" Waldo, il est p’t-êt’ temps qu’on t’affranchisse sur un certain nombre de choses.

— Je le pense aussi.

— Tu es prêt à tout entendre ?

— Je crois.

— Hum… ok. Et bien voilà. Quelques mois après notre démobilisation, un agent du consortium AmaZing prend contact avec moi. Il recrute des Oumanais pour mettre sur pied un groupe de veilleurs. Euh... excuse moi, le terme d'agents dormants serait plus approprié. AmaZing est persuadé que SpecieZ ne tardera pas à s'allier avec les chinois après les avoir convaincu de l'intérêt du projet Zombie. Tu vois de quoi je veux parler. Tu te souviens comme moi des abominations créées par SpecieZ durant la guerre. Je t'avoue ne pas avoir hésité bien longtemps. Dès mon entrée dans les services d'AmaZing, je tente de reprendre contact avec les survivants de notre groupe de combat. Tu fais bien sûr partie de la liste, mais mon Conso s'y oppose, au prétexte que nous avons déjà un agent Sirce infiltré chez nos adevrsaires. Je ne vais pas te faire mariner, il s'agit de ton père. Travaillant au plus près des projets d'envergure de SpecieZ, il nous fournit des infos de premières qui nous permettent de suivre les progrès en lien avec le projet Zombie. Et ces enfoirés avancent très vite. Sauf que ton paternel est démasqué. Il tente de fuir et... Hum... Bon, tu connais la suite. "

Il se penche pour attraper sa bouteille de bière et en avale une bonne gorgée. Il croise mon regard envieux. "Oh, excuse-moi mon pote. J’t’ai rien proposé. Il en reste quelques-unes dans le frigo si tu veux." Je me sers, ravi de pouvoir me déplacer à nouveau. Hormis de sévères élancements dans les gencives, je n'éprouve plus aucune douleur sur les parties meurtries de mon corps. Ma main gauche ressemble toujours à une grosse tomate, mais elle est redevenue consommable grâce au bon travail des Scarabées. Je ferme les yeux quand la fraîche amertume de la blonde envahit mon gosier.

Je reste abasourdi par la narration de Quentin. Il a parlé sans manger les mots.

Je profite de l'intermède pour tenter d’éclaircir deux ou trois points. "L'agent qui t'a recruté, c'est Lena, n'est-ce pas ?

— T'as d'viné.

— Elle n'a jamais travaillé pour les chinois."

Il me sourit en secouant la tête. Il tend sa main vers Lena qui la saisit tendrement en retour. Me voilà devenu porte-chandelle.

" Ça fait combien de temps vous deux ?

— 6 ans.

— Avant l'accident qui a tué mes parents ?

— Oui Waldo.

— Je suppose que c'est SpecieZ qui l'a provoqué ?

— L’accident ? Oui. Tu supposes bien. Orchestré par Perada. Toute ta famille est donnée pour morte, mais voilà, trois mois après l'accident tu réapparais. Tu es désormais un Renifleur du Service d'Enquête du Consortium SpecieZ avec un sérieux problème de mémoire. Heureusement, entre-temps, grâce aux travaux de ton père, les ingénieurs d'AmaZing sont parvenus à apprivoiser le cryptage quantique. Ils peuvent lire dans les Datas comme dans un livre ouvert. Peu après ta sortie, ils découvrent que le projet Zombie entre dans sa phase 2. C'est la première fois qu'un porteur interfacé servCom-cerveau survit plus de trois mois. Tu as des prédispositions semble-t-il. Nous sommes alors missionnés avec Lena et Elvis pour veiller sur toi. Comme tu as besoin de beaucoup de médocs pour endurer ton calvaire nous nous arrangeons avec Elvis pour devenir tes pourvoyeurs officiels.

— Elvis travaillait aussi pour AmaZing ?

— Oui. Certainement dès ses 13 ans, quand sa famille a été massacrée. Vu sa détestation pour SpecieZ il est l'agent idéal. Nous savons que vous avez gardés contact. Quand tu lui proposes de devenir ton Fouineur c'est inespéré. Nous faisons coup triple. Il peut avoir un œil sur toi, t'aider à retisser certains fils de ta mémoire et recueillir tout un tas d’infos à propos du SEC. Il y a trois mois, nous constatons... comment dire... une sorte d'infléchissement dans ton comportement. Tu sembles vivre des états de transes passagères. Au même moment, les Datas nous informent alors que le projet Zombie entre dans sa phase 3. Et c’est la panique Waldo. Une putain de panique. Nous ne disposons à ce moment là d’aucune contre-mesure. La phase 3 est la dernière phase avant l’annihilation de la conscience du porteur. Un état d’inconscience permanent qui permet une prise de contrôle du porteur via l’implant.

— A cause des tranZ.

— Exactement. A l’origine c’est une drogue de combat, la transine. SpecieZ l’a développé durant la guerre de Partition. Tu t’en rappelles ?

— Huh huh !

— Cette saloperie broie la volonté. Elle détruit la personnalité du consommateur en un rien de temps. La nacosynth corporation est parvenu à améliorer le produit en réduisant ses effets secondaires. Mais même si tu ingurgites une drogue plus stable, il n’empêche qu’à long terme ses effets sont irréversibles. Tu deviens une créature sans conscience et sans personnalité. Sauf que te concernant, les choses ne se passent pas comme prévu. Il y a quelque chose qui cloche car ta conscience ne cède pas. Mieux tu sembles retrouver ta mémoire. Même ton Conso se demande ce qui ne colle pas. Il leur faut un peu de temps, mais ils finissent par comprendre.

Quentin prend le temps de terminer sa bière. Puis il me regarde comme si j’étais un phénomène de foire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Quentin sait ménager ses effets. Agacé, je lui fait signe de poursuivre avec ce petit geste caractéristique de la main indiquant que l’on veut entendre la fin d’une histoire.

— Vas-y accouche !

— Ton servCom Waldo. C’est lui qui t’a protégé de l’aliénation.

— Tu veux rigoler.

— Non. Si on en croit les rapports de SpecieZ, ton servCom agirait comme une sorte de fusible protecteur. Il aurait développé une stratégie de protection, une sorte de pare-feu permettant la conservation de ton intégrité psychique.

— Qui lui en a donné l’ordre ?

— Personne.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Tu le sais très bien.

— Tu es en train de me dire que Tom possède une conscience propre. Comment est-ce possible ? Ce n’est qu’un implant.

— Peut-être mais ce n’est pas n’importe quel implant Waldo, c’est un neurosymbiote intracrânien parasitaire. Il est donc programmé pour établir des connexions avec tes systèmes neural et neuronal. Et c’est précisément ce qu’il a fait, devenant ainsi une partie intégrante de toi-même.”

Une fois de plus, par réflexe, je fixe la diode inerte de mon strappho. Mon servCom désormais hors-service, je me demande si les ingénieurs du Conso ont prévu des fonctions de rechange à mon périphérique interfacé. Pourrais-je seulement le redémarrer ? Et après, j’en ferai quoi ? Me donnera-t-il au moins l’heure ? Pendant trois ans je n’ai rêvé que d’une chose, retirer au plus vite de bracelet me rappelant ma servitude. Et là, à ce moment précis, la simple évocation de son retrait me provoque des sueurs froides.

Quentin perçoit mon trouble.

“Toujours le silence radio ?

— Hein ? Euh… oui ! Je pense que Tom a grillé.

— Je te le confirme. J’suis désolé. Je n’savais pas comment t’l’annoncer.

— Comment tu le sais ?

— T’as pas mal causé avec lui pendant ton coma et c’était très incohérent. Alors, j’ai demandé à Lena de t’scanner le ciboulot. Elle n’a détecté aucune activité cérébrale inhabituelle, aucune signature du servCom. Les fréquences d’ondes étaient normales. Nous en avons conclus que tu divaguais.”

Pour confirmer les propos de son amant, Lena se contente de me sourire pendant que sa neuroCam enchaîne un zoom/dezoom/zoom.

Tom m’a sauvé. Lui suis-je redevable pour autant ? Comment rembourser une dette de sang à une machine foutue ? Comment faire son deuil d’une foutue machine ?

— T’est toujours avec nous mon pote ?

— Oui ça va. Des pensées zarbi c’est tout. T’inquiète pas. Je me demande juste qui a bien pu me remettre le Cube.

— C’est nous. Quand SpecieZ s’est rendu compte que ton servCom te protégeait, ils se sont empressés de sortir de leurs cartons un prototype de brouilleur. En revoyant au passage leurs objectifs à la baisse. Puisqu’ils ne pouvaient pas te contrôler, ils fallait te neutraliser… définitivement si tu vois ce que je veux dire. Comme tu es estampillé SEC il leur aurait été ensuite très facile de récupérer tranquillement l’implant.

— Le Cube est une création du Conso. Je pensais que c’était AmaZing qui l’avait fabriqué. Mon servCom me l’a confirmé quand je l’ai reçu.

— C’est ce que nous voulions te faire croire. Grâce au cryptage quantique nous pouvons ensemencer les Datas de données erronées à notre guise. Ton servCom t’as servi le couplet que nous souhaitions que tu entendes. Pardonne-nous Waldo, c’était un mal nécessaire. Nous tenions à semer un vent de panique chez les ingés et les téchos de SpecieZ. En se rendant compte que nous pouvions contrôler les flux de Datas, ils ont très vite compris que nombre de leurs mensonges seraient rapidement éventés. Et ça a marché mon pote. Les rats ont commencé à quitter le navire. Il y a quelques jours Elvis parvient à retourner un des plus importants ingénieurs de SpecieZ. Une putain de prise Waldo. Le type supervise le développement du brouilleur qui doit griller ton implant.

— Abel Monribaje.

— Lui-même. Le type est en rogne parce que son Consortium veut le bazarder. Le gars a beaucoup de mal à digérer la nouvelle et souhaite rendre au Conso la monnaie de sa pièce. Pour 10 millions de ren le type se dit prêt à nous remettre le brouilleur qu’il se propose de paramétrer pour griller ton désinhibiteur.

— Dix millions de ren ? Il y va pas avec le dos de la cuillère.

— Nous n’avons pas d’autre choix. Nous payons le prix et nous récupérons le Cube à temps.”

Il y a des questions qu’on hésite à poser. Celles qui peuvent heurter ceux que vous aimez. Celles dont les réponses rappellent de douloureux souvenirs. Celles qui appellent une vérité qui dérange. Et il y a celles dont on connaît déjà la réponse. La question que je pose à mon ami fait partie de celles-là.

— Quentin ! Qui a tué Abel Monrivaje ?

— C’est toi. Peu de temps après notre entrevue. Tu étais sous contrôle. Une de ses transes provoquée par la drogue que te refile le Farma. Tu agis sur ordre d’Angelo. Abel Monrivaje a joué au con. Il lui manque une case et il joue au plus malin. Il fait chanter son supérieur direct. Le type détient des preuves en pagaille.

— Il vous a raconté tout ça ?

— Non, mais on l’a su après sa mort.

— Comment ça ?

— On a tout récupéré sur un nanoS planqué dans son ampli. Le mec s’était fait intégrer un dispositif lui permettant de filmer et d’enregistrer ce qu’il voyait. Bien Waldo, il y a certaines petites choses que tu dois voir. Je pense que c’est le bon moment mon pote. Après on avisera.

Angelo n’attend aucune réponse de ma part. Il s’assoie à côté de moi et me place dans les mains son périphe vieux comme Hérode. Il active la lecture de la première vidéo. Si j'avais su que je me prendrais une telle rafale de claques, j'aurais supplier les nanites de me refoutre dans le coma illico.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 11 versions.

Vous aimez lire Ruben Saïd Faneen ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0