28. Au nom du père, du fils et de la déesse de l’Amour

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Alken

Je me dépêche de retraverser tout le campus car je suis déjà en retard. Il faut dire que je suis un des seuls profs de l’ESD à avoir continué à faire des vrais cours jusqu’au bout. Les autres ont relâché la pression sur la fin alors que je sais, moi, qu’il faut toujours aller au bout des choses. C’est étrange de voir cet espace, d’habitude toujours bien occupé par des dizaines d’étudiants, complètement vide. Tout le monde est parti en vacances. La cérémonie pour la remise de diplôme des deuxièmes années a eu lieu hier et aujourd’hui, c’était le dernier jour des premières années. Il n’y a donc plus que nous, les profs, et comme chaque année, nous respectons la tradition de nous retrouver en salle commune pour célébrer l’arrivée des vacances.

J’entre dans la salle sous le regard réprobateur de mon ex-épouse qui hésite toujours entre essayer de me reconquérir et me haïr jusqu’à la fin des temps. Je me retiens de lui tirer la langue et cherche à faire preuve de maturité en m’asseyant à côté de Marie qui m’accueille avec un sourire.

— On n’attendait plus que toi, Alken, pour le discours d’Elise, me souffle-t-elle à l’oreille en posant sa main sur mon bras. Et après, on pourra enfin boire un coup.

— Ah mince, souris-je, je pensais avoir évité l’homélie de notre Directrice. Mais bon, je suis prêt à écouter religieusement et à dire Amen à la fin.

C’est devenu un peu notre jeu de voir lequel d’entre nous osera le dire à la fin du petit speech et cette année, je sens que je ne vais pas trop me faire prier pour faire mon malin.

— Maintenant qu’Alken nous fait l’honneur de se joindre à nous, nous allons pouvoir commencer. Alors, je tenais déjà à tous vous féliciter de cette belle année. Quand on voit les performances de nos deuxièmes années et tous les contrats qu’ils ont déjà réussi à décrocher, je ne peux qu’être heureuse de la qualité des cours proposés au sein de l’école. Les différents spectacles que nous avons proposés ont tous été sublimes et, cette année encore, nous avons remporté le prestigieux concours de Salsa malgré l’arrivée au pied levé de notre professeur de danse contemporaine. Bref, une année de rêve pour l’ESD.

Comme tous les ans, Elise pourrait s’arrêter là, après ces quelques phrases, mais, comme d’habitude, elle continue son laïus pendant encore dix minutes pour expliquer pourquoi il est important de porter haut et fort les couleurs de notre école.

— Oh, on arrive bientôt à la fin, elle a cité Dieu et le ministre de la Culture, chuchoté-je à Marie qui glousse à mes côtés.

— Et donc, c’est avec joie que je vous retrouverai l’année prochaine pour une nouvelle année où la danse sera la reine de nos vies.

— Amen, dis-je clairement, provoquant le rire de tous les présents et un regard plein de réprobation de ma directrice.

C’est en tous cas le signal pour pouvoir enfin trinquer tous ensemble et laisser retomber la pression de cette longue année passée à coacher toutes ces futures stars de la danse. Contrairement aux années précédentes, je ne m’attarde pas. J’ai hâte d’aller retrouver Joy qui est rentrée chez elle ce soir pour préparer ses affaires avant son départ demain pour Biarritz. Je file donc à l’anglaise alors que les festivités ne sont pas terminées.

Je salue Léon en entrant mais me dépêche de monter les escaliers et je constate que Théo est dans la chambre de Joy, en pleine discussion avec elle. Dès qu’elle me voit, Joy sourit et vient me sauter dans les bras.

— Coucou ma Chérie. Quel accueil ! Je t’ai manqué ?

— Non, absolument pas, j’essaie juste de te casser le dos, rit-elle. Evidemment que tu m’as manqué !

— Tu es sûre que tu vas partir demain ? Je ne sais pas si je vais survivre sans tes bisous, ma Belle.

— Il va bien falloir, mon Lapin, mais je t’interdis de compenser avec les bisous de je ne sais quelle dinde que tu croiseras !

— Non, c’est vrai ? Je vais devoir faire une cure de désintoxication de bisous ? Quelle épreuve pour moi.

— Ça va aller, Prof, intervient Théo. Au pire, je lui fais les bisous à ta place, à la Princesse. Et comme ça, tu les feras par procuration, se marre-t-il.

— Je te rappelle que tu vas là-bas en tant que garde du corps et chaperon. Et je compte sur un rapport au moins deux fois par jour ! Rien de moins, sinon tu seras maudit ainsi que tes descendants sur vingt générations au moins !

— Je n’ai ni besoin de garde du corps, ni de chaperon, Papy, bougonne Joy en se laissant tomber sur son lit. T’es chiant avec ça. Pourquoi pas un vrai garde du corps tant que tu y es ? Même mon père est moins protecteur que ça, c’est fou.

— T’inquiète, Princesse, quand il verra les comptes-rendus que je vais lui faire, soit il va croire que je suis complètement fou, soit il va rappliquer immédiatement. J’ai une imagination fertile ! sourit Théo en s’installant à côté d’elle.

— Et moi, je rigole, ma Puce. Tu es grande et tu n’as pas besoin de protection, mais je suis quand même content que Théo vienne avec toi. J’espère qu’il t’aidera un peu à supporter mon absence. Kenzo n’est pas là ?

— Encore heureux que tu rigoles, sinon on aurait un sérieux problème, beau gosse, sourit-elle.

— Kiki ne devrait pas tarder à arriver, il a traîné chez vous, il est fatigué, sourit Théo.

— Ah, il va lui aussi passer la nuit ici, souris-je. Si j’avais su, on aurait fait du covoiturage. Il m’a dit qu’il allait s’organiser pour venir vous voir à Biarritz. Il vous a donné des précisions ?

— Il doit voir avec sa mère pour les billets de train, je crois. Et gérer avec vous deux pour une petite location. On a appris dans le dernier mail qu’on dormait dans des dortoirs, soupire le coloc de Joy. La galère.

Je m’assois à mon tour sur le lit et passe mon bras sur la hanche de ma jolie brune pour l’attirer contre moi. Je la serre fort et elle pose sa tête sur mon épaule. Je savoure ce contact et me demande comment je vais faire pour vivre tout l’été sans cette proximité qui est devenue si naturelle dans ma vie.

— Tu vas me manquer, ma Chérie. Je te jure que je ne m’éloigne pas plus que ça de toute la nuit !

— Parfait, ça me va. Je penche même pour encore plus de proximité dès que possible, chuchote-t-elle en glissant sa main sous mon tee-shirt.

— Je compte bien répondre à tous tes désirs ce soir, ma Chérie. Pour que tu ne m’oublies pas pendant ces deux longs mois où tu vas être loin de moi !

— Crois-moi, aucune chance que je t’oublie !

— Salut les amoureux, Rebonjour mon Titi ! nous interpelle Kenzo qui débarque à son tour.

Il me fait la bise ainsi qu’à Joy puis vient enlacer son petit ami à qui il roule une pelle magistrale, sans se préoccuper que nous soyons juste à côté.

— On va vous laisser. Il faut qu’on profite de notre dernière nuit, si vous voyez ce que je veux dire, glousse Théo en mettant sa main sur les fesses de mon fils pour l’entraîner dans sa chambre.

— Bonne nuit les jeunes ! Soyez pas trop bruyants, Leon veut dormir, pouffé-je alors qu’ils ne perdent pas de temps pour enlever leurs tee-shirts en s’éloignant de nous.

Je me tourne vers Joy qui semble avoir eu la même idée que ses deux amis car, déjà, elle fait glisser les bretelles de sa robe le long de son corps qu’elle dénude sous mes yeux émerveillés.

— Ne t’emballe pas, Prof, je vois tes yeux pervers, là, rit-elle. Je vais aller me rafraîchir. Fais comme chez toi.

— Tu ne veux pas que je te réchauffe un peu plutôt ? dis-je en posant mes mains sur ses globes dont les tétons se dressent sous mes doigts.

— Laisse-moi prendre une petite douche d’abord, Alken. Ensuite, je suis à toi pour toute la nuit. Promis, je fais vite, mon Chou. Et je compte bien t’épuiser jusqu’au petit matin.

Elle se colle à moi et ses lèvres s’emparent des miennes. Sa langue vient jouer avec la mienne alors que son corps ondule contre moi. Mais quand je fais mine d’ouvrir mon pantalon, elle me donne une petite tape sur la main avant de s’enfuir dans la petite salle de bain, trop petite pour imaginer l’y rejoindre. Je soupire de frustration et m’installe dans son lit pour attendre qu’elle me revienne. Je me caresse en repensant à ce qu’elle m’offre chaque jour et j’essaie de ne pas penser à son absence qui s’annonce longue et difficile à supporter.

Quand elle ressort vêtue de sa seule serviette, je souris et lui tends les bras. Elle referme la porte derrière elle puis laisse tomber le bout de tissu qui la protégeait encore. Elle commence alors une danse sensuelle dans le plus simple appareil. Elle bouge avec une grâce magique et je comprends qu’elle aussi veut m’offrir une soirée dont je vais me souvenir. Je me dis, en la regardant se mouvoir ainsi sous mes yeux, qu’elle aussi doit craindre cette séparation vu l’énergie qu’elle déploie à m’exciter et à me donner envie. Se pourrait-il qu’elle craigne que je craque pour une autre femme alors que j’ai la chance d’avoir séduit une véritable déesse ?

Les instants qui suivent sont une véritable cérémonie de vénération de l’amour, des offrandes à la passion que nous nous échangeons sans restriction. Je suis le premier disciple de cette célébration de notre plaisir partagé et quand vient le matin, que le soleil nous réveille, j’ai l’impression que les Dieux ont béni cette union et nous promettent un avenir radieux. La séparation ne va pas être facile à vivre, mais les sourires et les câlins que nous nous échangeons lorsqu’elle monte dans le train avec son colocataire sont des promesses d’un futur où plus rien ne pourra nous séparer.

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