L’expatrié

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Pansexualité : être attiré sexuellement et/ou sentimentalement par d'autres individus (binaires ou non binaires) de tous sexes ou genres.

Le yaoi : un genre d'œuvres de fiction centré sur les relations sentimentales et/ou sexuelles entre personnages de sexe masculin.

    Dans mes rares moments de bon sens, j’essayais de comprendre qui j’étais. Fouillant dans les forums, lisant des articles. En me remémorant mes jeux d’enfant, j'admis que c'était bien là depuis le début. J’étais toujours celle qui jouait le garçon. Dès ma prime adolescence, lorsque je commençai à écrire sur de petits carnets, mes histoires parlaient déjà d’hommes qui s’aimaient. Je ne savais pas d’où me venait cette attirance. Mais, elle était là, bien ancrée en moi. C’était mon jardin secret. 

    Puis, alors que je ne cherchais plus, quelqu’un d’Internet me trouva. Du moins, trouva mon personnage séduisant.

    Le type avait tout d’une « slut » et je me disais que j'en apprendrais peut-être un peu plus sur les motivations de ce genre de gays. Jeremy, un français expatrié aux States, était accro au gay porn et semblait mener une vie plutôt dissolue de l'autre côté de l'Atlantique. Je reconnus de suite l’affabulateur, mais ses histoires m'amusaient. Quant à lui, il existait vraiment car, je trouvai son identité réelle en cherchant son nom sur internet. Il travaillait dans l’hôtellerie et gagnait bien sa vie à New York.

    Grâce à lui et ses expériences hautes en couleurs - sans doute tirées tout droit de séries ou de pornos - je recommençai à écrire des textes érotiques. Il m’inspira pour un texte sobrement titré « Le sauna ». J’y décrivais l’expérience d’un jeune homme qui accompagne son amant libertin dans un de ces lieux. Outre les descriptions de mon ami virtuel, j’utilisai Internet pour aller visiter un de ces établissements. Au final, le texte était réaliste. J’en eus la confirmation par des lecteurs lorsque je le postai sur Tumblr. 

    Mais, dans les rares périodes de sincérité de Jeremy, je décelai en lui des failles profondes. Failles qu’il noyait dans l’alcool et la musique en s’étourdissant presque toutes les nuit dans les boîtes de nuit. Ceci me toucha. Je décidai de l'aider à aller mieux et à prendre confiance en lui. Même si, c’était peine perdue. Je n'avais aucune compétence pour ça.

    En effet, comme j’avais réussi à sortir mon jeune ami australien du placard, je pensais que je pourrais appliquer les mêmes méthodes. J’étoffai alors mon personnage, lui donnai un visage, un corps, un - gros - sexe… Je trouvai facilement tout ce qu’il me fallait sur internet. Je choisis des photos d’un trentenaire plutôt poilu, tatoué et assez bien pourvu. Le reste n’était qu’une affaire de comédie et de savoir-faire de conteur d’histoires. Créer une atmosphère, utiliser les bons mots.

    J’avais fait mes armes dans le Dirty Talk en anglais alors, en français c'était encore plus facile. Du moins, c’était plus fluide. Pour rendre mon personnage plus crédible, j'enregistrai des messages vocaux. Ma voix, naturellement grave, n’avait besoin d'aucun artifice. J'étais passée maître dans l'illusion.

    Mon expatrié était hyper chaud. Du genre qui n’avait vraiment pas froid aux yeux, ni aux fesses. Il n'hésitait pas à publier des photos de lui nu sur tous les réseaux. Cela me faisait du mal de le voir ainsi s’exposer. Il ne voulait pas passer pour une chienne, mais c’était ce qu’il renvoyait à tout le monde. Il rêvait de faire carrière dans le porno gay, mais il n’en avait pas les moyens physiques.  

    Cependant, cette liberté, cette sexualité si provocante, me rendaient dingue. J’aurais voulu que cela ne s’achève jamais. Mais,… Mais, il n’y eut pas plus de happy end cette fois que les précédentes. C'était sans issue. La vérité fut dite et elle fut douloureuse.

    Passé un moment de tristesse et de colère envers lui-même, il renoua quelques temps plus tard en mode copains. Cela m’étonna toujours que certains me pardonnent. Même s’ils ne me comprenaient pas vraiment. Ne comprenaient pas ma quête d’identité. Pour eux, j’étais juste une coquine (pour ne pas dire plus) qui venait s’encanailler sur internet pour avoir des sensations qu’elle n’avait pas dans la vie réelle. Il y avait peut-être un peu de ça, mais c’était loin d’être l’unique explication. Non, ils me pardonnaient surtout parce que, selon les règles non écrites du réseau, si tu te fais avoir dans une relation virtuelle, c’est de ta faute. C’est comme si, en entrant dans cet autre monde, tu avais signé un truc disant que ce serait à tes risques et périls. 

    Je restai en contact avec lui, suivant sa vie réelle ou fictive comme une saga amusante. Nous étions maintenant devenus des complices. Pour tous les autres sur les réseaux, il se présentait comme mon ex. Cela m’aida pour la suite.

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