Maître des illusions

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    Tout le monde s’inquiétait de ma dérive darkness et mes amis gays du net me pressaient de passer « en clair ». Je n’y répondis qu’en partie. 

    En effet, je n’étais moi-même qu’avec le groupe des filles fans de gay porn. J’y rencontrai une prof trentenaire australienne qui admirait mes « exploits ». Cette femme, mariée et mère de famille, voulait que je lui enseigne ma « méthode », car elle rêvait d’approcher plus intimement des homosexuels. « Juste pour être ami » m’affirma-t-elle. 

    Je me transformai alors en maître des illusions. 

    Je lui donnai des conseils pour se travestir sur le net en ouvrant des tas de comptes sur l’ensemble des réseaux sociaux. Puis, pour trouver des photos qui lui permettraient de passer pour un homme suffisamment de temps pour obtenir ce qu’elle était venue chercher. 

    Au delà de cette préparation, je lui conseillai de mentir vrai. A savoir, juste mentir sur son genre et pour le reste être soi même. C’était la seule façon de tenir assez longtemps dans les longues conversations privées.

    Mais, elle se lança dans une aventure sans être prête comme une petite bourgeoise en quête de sensations fortes. Et elle échoua.

    J’écrivis sur Twitter à ce moment là : « Le côté obscur se gagne par le chemin du désespoir, pas par la seule envie de luxure. »

    Honteuse de s’être ainsi fourvoyée alors qu'elle était "si heureuse en ménage", elle me fit le reproche de son échec et me bloqua. Cela me peina, car j’avais enfin pu rencontrer une femme avec qui partager ma trouble attirance. Mais, pour elle, c'était juste un fantasme.

    Peu de temps plus tard, je sus qu’elle avait hurlé avec les loups dans la cabale qui suivit le scandale de la découverte de la personne qui se cachait derrière le twitto « Dev the Kitty ». L’hypocrisie est bien la chose la plus partagée dans ce monde. 

    « Dev the Kitty » était un personnage qui gravitait autour des stars du porno gay. Mickey Taylor, un modèle anglais tatoué assez connu dans le monde du porno en avait fait son fan numéro un. Dev tenait son surnom des poses très sexy et dénudées qu’il publiait sur son blog Twitter. Il était sympa et avait toujours un mot gentil pour les uns et les autres. Je ne sais pas depuis quand il était là, mais cela devait faire au moins deux ans. 

    Un jour, on apprit la mort de cette personne. Quelqu’un qui se présentait comme son ami avait publié un avis d’obsèques à partir de son compte Twitter. C’était le choc et la tristesse dans mon fil d’actualité. Les filles fans de gay porn étaient en larmes. Mickey Taylor se fendit d’un message d’adieu émouvant. 

    Cependant, quelques jours plus tard, une des twittas parmi les plus suspicieuses, trouva sur le net une photo de Dev avec un tout autre nom. Au lieu d’un jeune américain de l’Amérique profonde, il s’agissait en fait d’un jeune danois. Et ce dernier était bien vivant, car il publiait encore la veille. Harcelée de toute part, la personne se cachant derrière le compte « Dev The Kitty » fut obligée de revenir s’expliquer sur cette supercherie. 

    Il s’agissait en fait d’une jeune femme mal dans son corps. Elle indiquait vouloir effectuer une transition pour devenir un homme. Elle demanda à ses amis de l’excuser pour ses mensonges. Mais, bien peu ne la bloquèrent pas. Le scandale fut énorme. Elle avait totalement mystifié de nombreuses personnes pendant de longs mois. 

    Evidemment, l’histoire de « Dev The Kitty » fit écho avec ma propre aventure. Je la comprenais totalement. Elle n’en pouvait plus de mentir et elle avait « tué »  son personnage virtuel. Elle ne s’attendait sans doute pas à un tel retentissement, ni à autant de ressentiment de la part de ses anciens amis. Elle me faisait pitié. Sans doute pleurais-je sur moi même par la même occasion. Je lui écrivis un poème en anglais. En voici ci dessous une version en français, que je trouve cependant moins puissante.

    Hors les lois

…Alors jugez moi.

Brûlez moi comme une sorcière.

Jetez moi des pierres comme une pécheresse. 

Je suis coupable !

J’ai enfreint toutes vos règles.

Comme une criminelle, j’ai violé toutes vos lois.

Car, je ne connais qu’une seule loi.

C’est la loi de l’amour.


Donner et recevoir de l’amour.

Ressentir cette magnifique sensation.

Une fois encore.

Juste une fois encore.

Le prendre dans mes bras de fantôme,

juste une fois encore.

Juste un jour,

Juste une heure.


Ô dieux de l’internet, 

laissez moi être qui je suis,

aimez qui je veux.

Même si j’ai menti.

Même si j’ai porté un masque.

Même si j’ai emprunté des corps. 

Car, je ne connais qu’une seule vérité,

c’est la vérité de l’amour.

Mes sentiments étaient purs.

Mon coeur était pur.

Mon âme était pure.


Même si je ne demande pas votre pardon.

Même si je ne cherche pas votre compréhension.

Je veux juste que vous sachiez.

Je veux juste le crier au monde entier.

Je les aimais, 

et c’était là mon seul crime.

    

    Dev me remercia. Nous nous comprenions totalement. Peu de temps plus tard, elle disparaissait. Où qu’elle soit, j’espère qu’il ou elle est enfin heureux (se). 

    Quant à moi, la chute ne faisait que s’amorcer. 


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