Descente aux enfers

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Alors que je rencontrai un personnage bien mystérieux sur Twitter, je décidai cette fois de ne plus mentir lorsqu’on me poserait les bonnes questions. Le type était francophone et affichait dans son profil un âge que je lui connais toujours aujourd’hui. Il venait souvent très tard sur le réseau et y restait jusqu’à très tôt le lendemain. Le type était singulier et la discussion en privé le confirma.

J’étais persuadée que Théo mentait et je fis quelques recherches avec des éléments qu’il publiait. Je tombai sur le blog d’un journaliste ayant au moins cinquante ans et qui était beaucoup moins séduisant que la photo qu’il affichait sur le réseau. Cela confirmait mon impression car, il publiait des paroles de chansons de variétés françaises plutôt anciennes. Alors que je lui exposai mes découvertes à son sujet, il joua les offensés. Pouvait-il me dire la vérité ? Si j’avais parlé, il était grillé. Mais, en recoupant mes informations et celles d’un ami avec qui il avait eu une courte histoire virtuelle, je me doutais que j’étais sur la bonne voix. Dans la période où ils s’étaient connus, Théo ne lui avait jamais envoyé de photos de lui le visage découvert. Et surtout, tout s’était terminé brusquement lorsqu’il avait voulu le rencontrer.

Bref, le type n’était sans doute pas celui qu’il prétendait être. Comme beaucoup sur internet. Dans le doute, je lui balançai la vérité à mon sujet. Ce qui ne sembla pas l’émouvoir. Cependant, il continua de discuter avec moi ce jour là. Il me parla des enfants qu’il avait adoptés sur Second Life et comment cela l’avait aidé dans son acceptation de soi. Je notais de suite cette idée pour une fin alternative à mon roman. Les amants virtuels pourraient finir ensemble dans cette autre vie. L’idée était géniale. Ce qui est né sur internet doit finir sur internet.

Au final, je restai discrète à son sujet, tout comme il ne révéla rien publiquement sur moi. Je pouvais continuer à mentir tranquille. Mais, je me sentais peu à peu sombrer. Mon double virtuel avait pris le pouvoir comme s'il vivait sa propre existence.

J’étais devenue un zombie dans la réalité et un personnage de plus en plus sulfureux dans la virtualité. Publiant des trucs de plus en plus salaces sur les réseaux. Repoussant limites après limites. Entrant en contact avec d'autres âmes perdues. Errant de sites en sites à la recherche de quelque chose que je n’aurais pas su ou vu.

A cette période, je croisai un thaïlandais sur Facebook qui travaillait dans la décoration. Il me confia qu’il était en couple mais, se considérait comme un voyeur. Ainsi, il passait son temps libre à mater des types qui se masturbaient sur le site CAM4 ou celui du Czech Hunter. Je l’accompagnais sur ces sites et nous échangions nos impressions. Nous étions là dans le côté le plus sordide de la télé-réalité. J’avais toujours détesté ces émissions mais, là, il y avait un côté décadent qui m’attirait. Même si cela ne m’excitait pas le moins du monde.

En parallèle, je confiais à mes amis du net que je voulais en finir, que Julien me détruisait et qu’il fallait que j’arrête tout. Mais, je n’y arrivais pas. Je draguai plutôt un jeune « femboy » italien (décidément) qui publiait des photos de lui portant de la lingerie. J’écrivis un texte « Red Lace » en pensant à lui. Je le trouvais si fascinant. C’était l’histoire d’une personne qui en habile une autre avec des sous-vêtements de dentelle rouge. Comme un rituel d’adoration d’un dieu.

Peu après, je rencontrai un jeune gamer français un peu paumé qui cherchait l’amour. Il était laid. Ce qui est une difficulté majeure pour un gay. La beauté physique est primordiale pour faire des rencontres dans ce milieu. Surtout à notre époque où tout est basé sur l’apparence. Sur la belle image de toi que tu publies sur Instagram ou snapchat et qui t’attirera un maximum de « like ». Je le trouvai émouvant néanmoins. Surtout à cause des douleurs qu’ils gardaient enfouies.

Ainsi, il me confia à demi-mot qu’il avait fait l’objet d’une agression sexuelle qui l’avait traumatisé. A son grand étonnement, un garçon populaire de son lycée l’avait invité une fois à son anniversaire. Mais, le jeune gamer avait fini la soirée à sucer des bites en se faisant traiter de tous les noms. Evidemment, il n’avait pas porté plainte. Il pensait quelque part que c’était de sa faute. Qu’il l’avait cherché. Depuis, il se considérait comme un looser. J’essayai de l’aider. Mais, je n’arrivais déjà plus à m’aider moi-même. Je l’abandonnai comme les autres en rase campagne virtuelle.

Je me demandais chaque matin si je n’avais pas atteint le fond de l’abîme. Ces rencontres furtives ne m’apportaient rien. Ne me rendaient pas heureuse. Elles ne faisaient qu’amplifier le dégoût que je ressentais pour moi-même. Et comme je ne m’aimais pas, je faisais souffrir. J’écrivis alors sur Twitter que je n’en pouvais plus de soulager les solitudes au risque d’aggraver la mienne. Mais, je n’étais pas encore prête pour en finir. Pour en finir avec mon double virtuel. Il me faudrait un déclic, un choc pour pouvoir tout arrêter. Le garçon de trop.


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