Faux espoirs

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    Au bout de quinze jours de conversations amicales, un matin, je la provoquai. Je voulais savoir s’il y avait des chances que cette relation évolue. Mais aussi, et surtout, son silence répété lorsque je lui demandais ce qu’elle pensait de moi physiquement m’était insupportable. 

    En effet, je subodorais une rencontre en réel éprouvante pour moi. Et, je n’avais pas besoin de ça. Je craignais le rejet. Elle était coutumière du fait. N’avait-elle pas déjà disqualifié une femme très sympathique pour laquelle elle n’avait pas eu le fameux déclic. Cette dernière l’avait bien narguée peu après en ventant la rencontre extraordinaire qu’elle avait faite juste après elle.

    Qu’y avait-il d’anormal d’attendre de quelqu’un un peu d’espoir et quelques mots gentils ? Etait-ce trop demandé de vouloir entendre « J’aime ton sourire » ou « Tu as de beaux cheveux » ? Je n’exigeais pas une histoire sentimentale, je voulais juste un peu de considération. Elle ne me rassurait pas alors qu’il m’aurait fallu le contraire. Car, j’avais déjà du mal d’assumer mon physique dégradé et il s’en découlait une faible estime de moi. J’avais trop souffert de l’indifférence de mon compagnon, alors que j’étais pourtant une jolie fille, pour ne pas réclamer un peu d’intérêt. J’avais tout l’air d’une « attention whore »  hystérique, mais c’était plus fort que moi.  

    Or, je sentais toujours en elle cette froideur archi-prudente de la fille qui n’avait toujours pas quitté l’armure qu’elle s’était forgée. Je voyais aussi qu’elle était très réservée côté sexe. Par exemple, elle ne voyait pas l’intérêt de parler de ce sujet sur le net. Alors que moi, je venais de battre tous mes records de conversation sans connotation sexuelle, ni passage au dirty talk en messagerie instantanée. Néanmoins, même si cette abstinence de cyber sex ne m’avait pas pesée plus que ça, j’avais tout de même des questions à lui poser. Ainsi, j’aurais voulu connaître ses préférences. Ce qui la faisait vibrer. Mais, j’avais compris que mes interrogations resteraient sans réponse. 

    Je reçus, au final, ce matin là, un mail de sa part où elle indiquait que les choses devenaient trop compliquées pour elle. Elle me jugeait durement. Je l’avais déçue. 

    Mais, moi aussi elle m’avait déçue. J’attendais un minimum d’attention de sa part. Si ce n’était que pour échanger des recettes de cuisine bio ou de l’aimable discussion de salon, je ne me serais jamais inscrite sur un site de rencontres lesbien ! J’avais largement de quoi faire avec tous mes abonnés sur les réseaux sociaux.

    En ayant peur comme ça, elle se privait d’une belle rencontre et d’une femme qui était prête à abandonner son confort douillet pour elle. Une femme qui aurait pu tout laisser derrière elle, comme l’héroïne du film « Carol »  qu’elle admirait tant.

    Je lui souhaitai, pour ma part, une belle vie et je tournai, une nouvelle fois, la page d’une relation virtuelle. Tout ce temps j’avais rêvé, un peu. J’avais bâti - mais sans trop y croire - des châteaux en Espagne et tiré des plans sur la Comète. J’avais essayé de me convaincre, qu’après tout, la vie était peut-être belle. 

    Mais, c’était en vain. Car, pas plus pour cette fois que pour les précédentes, il n’y aurait de happy end. Je n’étais pas de ces heureux gagnants du grand loto de l’amour. J’étais seulement condamnée à vivre dans la réalité une existence de solitude affective. Et, j’y finirai probablement seule, aigrie et misanthrope au milieu de mes chats.

    J’essaierai encore néanmoins, parce que j’ai l’espoir chevillé au corps. Je ne reviendrai sur des sites lesbiens que lorsque je m’aimerai. Que lorsque j’aurais un corps que je n’aurais pas honte de montrer. Cela me demandera encore de nombreux mois mais, je suis bien décidée. Et, peut-être qu’à cette occasion je rédigerai une suite à cette chronique de mes temps internet.  

    Quant à l’héroïne de ce roman ci, elle méritait mieux. Une vraie fin digne de toute cette aventure sur le net. Les circonstances m’obligèrent à choisir le seul scénario qui restait parmi ceux que j’avais envisagés. Le seul qui avait vraiment un sens en ces lieux.



 

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